Quand les fluides supercritiques facilitent le recyclage des déchets
Baskets ou batteries, certains objets faits de plusieurs couches résistent encore au recyclage… mais plus pour longtemps. Dans ce reportage diffusé avec LeMonde.fr, on vous emmène au laboratoire ICMCB pour séparer les différents éléments grâce à des fluides supercritiques, alors que vient d’être lancé le programme Recyclabilité, recyclage et réincorporation des matériaux recyclés piloté par le CNRS.
En chimie physique, on qualifie de "fluide supercritique" l'état de la matière soumise à une température élevée et une forte pression mais pas au point de devenir solide. Plus précisément, on parle de fluide supercritique lorsqu'un fluide est chauffé au-delà de sa température critique et comprimé au-dessus de sa pression critique.
Un fluide supercritique a autant les propriétés d'un gaz (tension de surface inexistante, faible limite de transfert de masse, grande diffusivité, etc) que celles d'un liquide (pouvoir de dissolution, transport d'une plus grande quantité et aussi d'une plus grande variété de solutés qu'un gaz, etc). On peut le vulgariser en tant que fluide presque aussi dense qu'un liquide qui tend à se comporter comme un gaz — par exemple un fluide supercritique diffuse comme un gaz à travers un solide, tout en dissolvant des matériaux sur son passage comme un liquide.
Quasiment tous les fluides supercritiques sont miscibles entre eux, au contraire des liquides qui peuvent former jusqu'à sept phases distinctes : métallique, siliconée, polaire, apolaire, etc1.
Au diagramme de phases pression-température indiqué, les transitions du liquide en fluide supercritique et du gaz en fluide supercritique sont caractérisées par des changements continus des propriétés physiques qui sont indiqués par des changements graduels de couleur. Par contre, la transition du liquide en gaz est associée à une transition de phase et des changements discontinus des propriétés, ce qui est indiqué au diagramme par un changement brusque de couleur marqué par une courbe noire.
A noter que la plupart des fluides supercritiques prennent un aspect brumeux presque opaque à la lumière visible.
Contrairement aux passages liquide-gaz sub-critiques que sont la liquéfaction/condensation et l'ébullition/évaporation, le passage d'un gaz ou d'un liquide vers un fluide supercritique se fait sans transition de phase abrupte -- il n'y a pas de température-pression seuil ni entre le liquide et le fluide supercritique, ni entre le fluide supercritique et le gaz. L'évolution des propriétés d'un fluide sub-critique vers un fluide supercritique se fait graduellement, en douceur, avec éventuellement des instabilités structurelles.
Les changements de pression et températures permettent ainsi de passer de l'état gazeux vers l'état supercritique puis vers l'état liquide (ou l'inverse) sans transition de phase. Seule la densité du fluide varie au cours de ces changements. Autour du point critique d'un fluide, on peut ainsi finement contrôler sa densité au moyen de la température et de la pression.