Nouveau scandale du "Dieselgate" : Nouvelle plainte des associations

Publié le par FNA via M.E.

Des associations envoient une plainte appelant le gouvernement français à responsabiliser les constructeurs automobiles.

PATRICK PLEUL / DPA / AFP
Pollution excessive des véhicules Diesel

ClientEarth, France Nature Environnement (FNE) et Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) ont envoyé une plainte au gouvernement français pour dénoncer son incapacité à lutter contre le fléau de dispositifs illégaux d’invalidation, qui provoquent une pollution excessive des véhicules diesel.

Les organisations demandent aux constructeurs automobiles de payer les coûts des rappels de véhicules et de créer un fonds afin de réduire les émissions du transport routier et pour faire face aux conséquences non résolues du "Dieselgate".

En parallèle, ClientEarth a aussi envoyé des plaintes aux gouvernements britannique et allemand.

19 millions de véhicules au-delà des normes au Royaume-Uni et dans l’U.E.

Cette action intervient alors que des chiffres chocs, publiés aujourd’hui, réveillent le spectre du scandale sanitaire du "Dieselgate" : plus de 19 millions de véhicules circulent actuellement sur les routes de l’UE et du Royaume-Uni qui émettraient des niveaux de pollution bien supérieurs aux limites réglementaires. Cette pollution excessive s’expliquerait par l’utilisation, par les constructeurs automobiles, de dispositifs d’invalidation illégaux.

Le premier scandale du "Dieselgate", qui a éclaté en 2015, a révélé que des millions de véhicules diesel étaient équipés d’une forme spécifique de «dispositif d’invalidation». Ces dispositifs affectent le système de contrôle des émissions d’un moteur en le désactivant ou en réduisant son efficacité dans certaines conditions. Ainsi, ces véhicules polluent et consomment beaucoup plus en situation réelle de conduite que lors des tests en laboratoire qui permettent leur homologation.

Plus de 200 modèles aux émissions suspectes

Aujourd’hui, bien que ces dispositifs soient interdits par la législation européenne, l’analyse de l’International Council on Clean Transport (ICCT) suggère que plus de 200 modèles de véhicules, dans les gammes de presque tous les constructeurs automobiles, présentent toujours des niveaux d’émissions “suspects”, indiquant donc l’utilisation probable d’un dispositif d’invalidation interdit. Ces modèles représentent environ 3,3 millions de véhicules immatriculés en France.

Les véhicules diesel sont la principale source d’émissions de dioxyde d’azote (NO2) en France, un gaz nocif aux effets alarmants sur la santé humaine. Ce polluant est responsable de 7 000 décès annuels d’après Santé Publique France. Les seuils réglementaires de qualité de l’air pour la protection de la santé fixés pour le NO2 ne sont toujours pas respectés en France en 2021.

Les gouvernements européens n’ont pas suffisamment agi pour remédier à l’ampleur du problème mis en lumière par le scandale du "Dieselgate" et, dans de nombreux cas, les constructeurs automobiles n’ont pas été sanctionnés ou tenus responsables.

En revanche, ce sont les citoyens qui ont dû se battre pour obtenir une compensation financière par le biais de recours collectifs contre les constructeurs automobiles. Les actions entreprises en France sont ainsi toutes en attente de jugement.

Assumer ses responsabilités

À titre de comparaison, aux États-Unis, Volkswagen a été contraint de racheter des véhicules ou de proposer des solutions efficaces. L’entreprise a également versé près de 3 milliards de dollars à un fonds d’atténuation destiné à aider les États américains à prendre des mesures pour réduire la pollution due au transport routier.

Dans ces plaintes inédites, ClientEarth et plusieurs ONG européennes dont FNE et CLCV, demandent aux gouvernements d’assumer leur responsabilité face à l’inaction des entreprises, alors que l’analyse de l’ICCT suggère que presque tous les constructeurs automobiles ont utilisé des dispositifs d’invalidation qui devraient être interdits, d’après la loi.

Katie Nield, juriste à ClientEarth, a déclaré : « Plus de sept ans après le premier scandale du Dieselgate, il est stupéfiant de constater que si peu de choses ont changé. Nous envoyons aujourd’hui des plaintes juridiques à trois gouvernements pour exiger que l’impact néfaste du Dieselgate soit traité une fois pour toutes. Il s’agit d’une trahison de la confiance des consommateurs et du public, et les autorités ne peuvent continuer à laisser les constructeurs automobiles s’en tirer à si bon compte. »

« En cette période de flambée des prix, il est essentiel que les gouvernements s’assurent que ce soit les constructeurs automobiles qui paient la facture afin de remplacer les véhicules excessivement polluants qu’ils ont vendus aux consommateurs. »

La loi exige que les autorités nationales enquêtent activement sur le problème et obligent les constructeurs à agir lorsque l’utilisation de dispositifs d’invalidation illégaux est constatée. Du point de vue de la loi, ce n’est pas aux propriétaires de véhicules de payer les frais de rappels.

Anne Lassman-Trappier, Référente qualité de l’air pour France Nature Environnement  a expliqué que :     « Contrairement aux autorités américaines, qui ont agi rapidement pour régler le problème du Dieselgate, le gouvernement français n’a pas imposé de rappel strict des véhicules non conformes. Trop nombreux sont les véhicules diesel qui continuent à rouler et émettre beaucoup plus de polluants que la norme sous laquelle ils ont été vendus aux consommateurs français, au détriment de la santé de tous. »

« La France doit agir sans complaisance dans ce domaine et imposer aux constructeurs de mettre ces véhicules en conformité, à leurs frais, ou de rembourser les consommateurs trompés. »

Jean Yves Mano, Président de CLCV a ajouté : « Ce scandale environnemental et consumériste de la fraude aux émissions n’a que trop duré. Le gouvernement dispose de tous les moyens pour agir. Il sera en faute s’il ne le fait pas. »

Suite à ces plaintes, si les autorités n’agissent pas rapidement pour se conformer à leurs obligations légales, ClientEarth, FNE et CLCV envisagent d’entamer une procédure judiciaire devant les tribunaux nationaux.

Pour aller plus loin

Dispositifs de neutralisation : Les dispositifs de neutralisation sont tout matériel, logiciel ou élément de construction d’un véhicule utilisé pour désactiver ou diminuer les systèmes de contrôle des émissions dans des conditions normales de conduite – ce qui signifie que les véhicules émettent beaucoup plus de polluants (généralement des oxydes d’azote (NOx), y compris du dioxyde d’azote (NO2) en tant que composant nocif) sur les routes que dans des conditions d’essai.

L’utilisation de ces dispositifs par les constructeurs a été rendue publique avec le scandale du "Dieselgate", qui a éclaté en 2015. L’utilisation de dispositifs d’invalidation est interdite par la législation européenne et britannique, sous réserve d’un nombre très limité d’exemptions (article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 715/2007).

Dans une série d’affaires récentes, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé que les cas dans lesquels les constructeurs peuvent légalement justifier l’utilisation de tels dispositifs sont extrêmement limités, et a précisé que l’utilisation de formes spécifiques de dispositifs qui réduisent les contrôles d’émissions dans certaines fourchettes de température communément rencontrées en Europe (dispositifs dits de «fenêtre thermique») devrait être interdite (affaires C-693/18, C-128/20 ; C-134/20 et C-145/20).

L’utilisation de ces dispositifs à fenêtre thermique est connue pour être très répandue, les fabricants prétendant souvent qu’ils sont nécessaires pour ralentir l’encrassement de certains composants du moteur. Toutefois, la CJUE a précisé que les dispositifs d’invalidation ne peuvent être utilisés que pour éviter des risques immédiats de dommages ou d’accidents au moteur et ne peuvent en aucun cas être légalement justifiés s’ils ont pour effet de réduire les contrôles des émissions pendant la majeure partie de l’année dans des conditions de conduite normales, ce qui compromettrait l’objectif des limites d’émissions visant à améliorer la qualité de l’air et à protéger la santé des citoyens.

Impacts des véhicules diesel sur la santé : Les émissions de NOx des pots d’échappement des véhicules diesel contribuent de manière significative à la mauvaise qualité de l’air dans de nombreuses villes européennes.  Le dioxyde d’azote est lié à 35 400 décès prématurés en Europe en 2015 (dont 7 000 en France selon Santé Publique France).

En outre, le Health Effects Institute a constaté des liens importants entre la pollution au NO2 liée au trafic routier et l’apparition de l’asthme chez les enfants et les adultes, ainsi que les infections aiguës des voies respiratoires inférieures chez les enfants.

Plaintes juridiques : Les juristes de ClientEarth, FNE et CLCV ont envoyé une plainte juridique au Service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM) en France.

ClientEarth a également envoyé des avertissements juridiques similaires au Department for Transport au Royaume-Uni et au Kraftfahrt-Bundesamt (KBA) en Allemagne. Ils s’appuient sur de nouvelles lois entrées en vigueur en septembre 2020, qui obligent les autorités de surveillance du marché à effectuer des tests pour évaluer si les véhicules en circulation sont conformes aux normes applicables aux véhicules, y compris aux règles interdisant l’utilisation de dispositifs d’invalidation (règlement (UE) 2018/858).

S’il s’avère que des véhicules ne sont pas conformes, la loi indique que les autorités doivent agir sans délai pour obliger les fabricants à prendre des mesures correctives pour résoudre le problème. La loi stipule également que les autorités sont tenues d’imposer des mesures correctives si les véhicules constituent une menace grave pour la santé des citoyens.

Les demandes politiques : Compte tenu des dommages historiques et actuels causés à la santé des personnes par l’utilisation de dispositifs d’invalidation, ClientEarth, FNE et CLCV demandent aux constructeurs automobiles de contribuer à un fonds qui serait utilisé par les gouvernements nationaux pour réduire la pollution due au transport routier. Ce fonds pourrait être utilisé pour financer, par exemple :

  1. Des programmes d’aide et de soutien, en privilégiant les personnes à faibles revenus et les petites entreprises, afin qu’elles puissent accéder à des véhicules et à des alternatives véritablement plus propres, par exemple des voitures électriques, l’adhésion à des clubs automobiles, des abonnements aux transports publics, des vélos électriques et des vélos-cargos.
  2. Des investissements dans les réseaux de transports publics pour développer et créer de nouveaux services et les rendre plus fiables, plus accessibles et plus abordables.
  3. Des programmes de réaménagement des anciens bus diesel et autres véhicules lourds pour les mettre en conformité avec les normes d’émissions les plus strictes.

Source : https://fne.asso.fr/communique-presse/nouveau-scandale-du-dieselgate-nouvelle-plainte-des-associations

Publié dans Air, Mobilité-transports

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