Regards sur la région Hauts-de-France : situation, enjeux et défis (partie 2)

Publié le par M.E.

3. Le décrochage scolaire :  un fléau insuffisamment combattu

Les décrocheurs restent nombreux dans les Hauts-de-France. Selon le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), le décrochage scolaire a nettement reculé en France entre 2006 et 2013, même si 100 000 jeunes sortent encore chaque année du système éducatif français sans aucun diplôme. Une amélioration qui cache des disparités régionales : les académies de Lille et d'Amiens font figure de mauvais élèves avec des taux de décrochage nettement supérieurs à la moyenne nationale. 

L'académie de Lille en bas du classement 

Pour l'académie de Lille, la part de non-diplômés parmi les jeunes de 15 à 24 ans est restée quasiment identique, à 29,3 %, alors qu'elle baisse de façon significative dans la grande majorité des académies. Elle est nettement au-dessus de la moyenne nationale à 24,7%, comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous. 

Plus inquiétant, l'académie de Lille est l'une des rares où les disparités entre les cantons augmentent, c'est-à-dire que l'écart se creuse entre les villes où les élèves réussissent le plus et celles où ils réussissent le moins.

C'est même la seule en France où le nombre de cantons "en difficulté" augmente. Au bas de ce classement, la ville de Roubaix est la plus touchée par le décrochage scolaire. Viennent ensuite Condé-sur-l'Escaut, Saint-Amand-les-Eaux-Rive, Denain, Avesnes-sur-Helpe, Clary, Lens-Est (hors Lens) et enfin Boulogne-sur-Mer.

 Plusieurs raisons sont évoquées par l'étude, qui établit des "facteurs à risque". L'académie de la capitale des Flandres en concentre plusieurs : le taux de chômage élevé, la proportion importante de non-diplômés dans la génération des parents (45-54 ans), l'importance des familles monoparentales et la faiblesse du revenu médian. 

L'académie d'Amiens s'en sort mieux, mais reste à la traîne 

Le nombre de décrocheurs baisse. La part de non-diplômés parmi les jeunes de 15 à 24 ans est passé de 33% en 2006 à 29,6% en 2013, une des baisses les plus importantes en France. 

Mais encore plus qu'à Lille, la disparité entre les cantons augmente. Cela renvoie à une situation où les résultats du décrochage s'améliorent dans certaines villes alors que d'autres cantons restent en difficulté. L'académie d'Amiens fait d'ailleurs partie des rares où le quart de cantons les moins en difficultés s'est amélioré plus vite que la moyenne nationale. Et contrairement à Lille, même les cantons les plus défavorisés affichent de meilleurs résultats. 
Malgré ces améliorations, l'académie d'Amiens reste une de celles où l'on décroche le plus en France. Elle concentre cinq facteurs de risque, dont le nombre élevé de familles monoparentales, de familles nombreuses et de ménages en HLM. 

Le Conseil national d’évaluation du système scolaire rappelle que le coût du décrochage scolaire à la collectivité pour une personne tout au long de sa vie est estimé à 230 000 euros. Le décrochage commence avec l'absentéisme, or un élève de 15 ans sur dix déclare avoir volontairement manqué l’école durant une journée, dans les deux semaines précédant l’enquête.

4. L'absence d'une catégorie d'établissements qui ont fait leur preuve

Ces établissements sont les hautes écoles, des "super- IUT" diplômants jusqu'au master.

- En Suisse : Les hautes écoles spécialisées (HES) constituent, avec les hautes écoles universitaires (universités et les écoles polytechniques fédérales), l'un des trois piliers de la formation de niveau universitaire. Elles offrent des titres de Bachelor HES (auparavant "diplôme HES") et master HES, axées sur la pratique qui permettent une entrée rapide sur le marché du travail. Font également partie du domaine des HES les hautes écoles pédagogiques (HEP).

- En Belgique et aux Pays-Bas : une haute école (Hogeschool) est un type d’établissements supérieurs qui dispense un enseignement de type court ou de type long dans le cadre de la Déclaration de Bologne. Une haute école dispense généralement un enseignement dit de type court, de niveau non-universitaire qui résulte en l'obtention de diplômes de bachelor professionnalisants éventuellement suivis de Bachelors de spécialisation. Certaines hautes écoles sont habilitées à délivrer, parallèlement aux universités, des formations dites de type long qui résultent en l'obtention d'un diplôme de master après un Bachelor de transition.

- En Allemagne : Les "Hochschulen für Angewandte Wissenschaften" et Fachhochschulen (FH) (En français, hautes écoles de sciences appliquées) sont réputées pour la grande qualité de leurs enseignements axés autour de la pratique, de même que pour leur recherche et développement et leurs applications. Elles contribuent ainsi à la force d’innovation de l’économie allemande. Les transferts scientifiques et technologiques et la coopération étroite qui relie souvent ces établissements avec des entreprises locales, au rayonnement international, sont autant de facteurs qui contribuent au succès de ce modèle d’enseignement supérieur.

Ces types d'enseignement et leurs diplômés se révèlent bien adaptés au tissu des PMI/PME qui souvent craignent d'embaucher des ingénieurs et diplômés d'écoles de commerce issus de grandes écoles. En outre, les hautes écoles constituent des liens avec des centres techniques qui leur font jouer le rôle d'interface dans la collaboration université-industrie.

 On ne peut que déplorer que les bacheliers aillent préférentiellement s'inscrire dans des cursus universitaires qui n'offrent pas de débouchés professionnels nombreux : Psychologie, sociologie, histoire de l'art, STAPS, etc. L'échec de nombreux étudiants mal orientés et de niveau faible cause un surcoût à la nation et se traduit par une arrivée plus tardive de l'étudiant dans le cas d'une réorientation de celui-ci après un premier échec.

5. Un rôle de la métropole lilloise trop modeste et questionnable en l'état

 La métropole lilloise possède la caractéristique d'être géographiquement excentrée. Frontalière de la Wallonie et de la Flandre, elle apparaît bien loin pour les habitants de l'Oise qui se tournent préférentiellement vers Paris et non vers la métropole lilloise.

En outre, les trajets routiers sont longs, voici quelques exemples :

- Amiens - Lille : 1 h 30 pour 140 km

- Beauvais - Lille : 2 h 00 pour 195 km

- Senlis – Lille : 1 h 45 pour 170 km

Il y a de fait deux système urbains disjoints correspondant grosso-modo aux deux anciennes régions comme la montré l'Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille Métropole dans un rapport de 2016.

Alors que le projet de fusion des 2 régions était encore en réflexion en juin 2014, Christophe Coulon, Président du groupe UMP à la région Picardie, s'insurgeait de cette réforme territoriale : "même s'il reconnaît des points communs en matière d'éolien ou d'agro-industrie, il estime que les flux économiques et humains entre les 2 régions sont inexistants".

Cette position est aussi défendue par Eric Woerth, ancien ministre, maire de Chantilly dans l'Oise, qui estime que "les intérêts de son département sont à Paris et non à Lille".

 La population de la ville-centre (Moins de 200 000 habitants), Lille, lui donne un pouvoir politique et d'influence faible sur la métropole lilloise mais aussi bien au-delà sur la région Hauts-de-France.

C'est ainsi que la ville centre de Lyon est plus de 2 fois plus peuplée que la ville de Lille associée aux communes de Lomme et Hellemmes.

La métropole lilloise possède en outre le plus grand nombre de communes : 90 contre 59 seulement pour Lyon dont la métropole est de population plus importante de 200 000 habitants.

Par rapport aux autres métropoles françaises, Lille possède la particularité d'avoir un des potentiels fiscaux le plus faible (64% de celui de Lyon) et un des revenus par habitant les plus faibles des métropoles.

En conclusion, fallait-il fusionner les deux régions et/ou fallait-il choisir de désigner Lille comme capitale régionale, car nous venons de montrer les incohérences de ce choix bancal ?

A suivre

M.E.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :