Des tiques infectées par le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo découvertes dans le sud de la France

Publié le par Le Figaro Santé via M.E.

Ce virus, qui circule déjà depuis une dizaine d’années en Espagne, a récemment été détecté dans les Pyrénées-Orientales et en Corse. Le risque de transmission à l’homme est très faible.

Bruno Manunza CP 313, sassari / antasfoto - stock.adobe.com

Les tiques du genre Hyalomma sont les principaux vecteurs du virus de la fièvre hémorragique Crimée-Congo.

Il est peut-être arrivé à dos d’oiseaux migrateurs, transporté dans des larves de tiques. Le virus de la fièvre hémorragique Crimée-Congo - endémique dans certains pays d’Afrique, des Balkans, du Moyen-Orient et d’Asie - semble s’être installé en France hexagonale. Il a été détecté pour la première fois fin 2023 dans les Pyrénées-Orientales et plus récemment en Corse. À chaque fois dans des tiques. Chez l’être humain, ce virus entraîne le plus souvent une infection peu sévère, mais, dans de rares cas, elle peut évoluer vers des formes graves, mortelles dans 10 à 40% des cas. Pour autant, les scientifiques estiment qu’il n’y a pas lieu de tirer la sonnette d’alarme. Explications.

«Ce virus est transmis par des tiques du genre Hyalomma , qui sont présentes en Corse depuis déjà plusieurs décennies et dont la présence est rapportée depuis 2015 sur le reste du pourtour méditerranéen français», indique Thomas Pollet, chargé de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), spécialiste des tiques. Pour se nourrir, ces tiques ont une préférence pour les bovins et les chevaux. Quand une tique infectée pique un animal, elle peut lui transmettre le virus. Le cas échéant, l’animal devient à son tour infecté et il est susceptible de transmettre le virus à d’autres tiques.

Le virus n’est pas capable d’infecter tous les animaux. Mais ceux chez qui il parvient à se répliquer ne développent pas de symptôme, comme le précise Thomas Pollet. Par ailleurs, les scientifiques ont des raisons de penser qu’ils ne restent pas infectés très longtemps. «Ils ne portent le virus que pendant dix jours environ, le temps de développer leur réponse immunitaire», souligne Laurence Vial, vétérinaire épidémiologiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), et spécialiste des tiques.

5 % des tiques porteuses du virus

Sur plus de 2000 tiques collectées aux printemps 2022 et 2023 sur des vaches et des chevaux dans des départements du sud de la France, environ 100 se sont révélées être positives au virus. Une proportion faible, qui témoigne néanmoins d’une circulation active de l’agent pathogène. Malgré cela, les scientifiques ne sont pas particulièrement inquiets. «Aucun cas humain n'a pour l'instant été rapporté en France et la probabilité d'infection humaine est très faible», confirme Laurence Vial. Quelques cas (moins d’une dizaine) ont toutefois été rapportés en Espagne depuis 2016, dont un mortel.

Aucun cas humain n'a pour l'instant été rapporté en France et la probabilité d'infection humaine est très faible.

Laurence Vial, vétérinaire au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), et spécialiste des tiques

De manière générale, cette tique n’est pas particulièrement attirée par l’homme, elle préfère s’en prendre à d’autres animaux. «L'homme n'est qu'un hôte très occasionnel», indique Laurence Vial. Par ailleurs, cette espèce de tique est loin d’être présente sur tout le territoire. «Elles ont besoin d'un climat sec et chaud de type méditerranéen», renseigne Thomas Pollet. Une zone géographique qui a toutefois tendance à s’accroître avec le réchauffement climatique. «Selon certains modèles climatiques, le climat méditerranéen devrait s'étendre, en particulier dans la vallée du Rhône et le long de la côte atlantique ouest», souligne Laurence Vial.

Une menace très limitée

La tique incriminée a d’ores et déjà été identifiée dans l’Aude, le Gard, l’Hérault, l’Ardèche, le Var et les Alpes-Maritimes. Mais ce n’est pas parce qu’elle est présente sur un territoire que le virus y circule forcément. «C’est bien plus complexe», souligne Laurence Vial. Et quand bien même une tique serait infectée, elle ne transmet pas le virus à tous les coups. Il faut néanmoins préciser que le virus peut aussi se transmettre par contact direct entre de la peau lésée (coupure, petite blessure) avec le sang ou les fluides corporels d'un animal infecté. Au printemps - quand les tiques sont actives - le risque est donc plus élevé pour les personnels des abattoirs, de même que pour les éleveurs.

Pour toutes ces raisons, le risque de développer une fièvre hémorragique Crimée-Congo en France reste très mince. «Il n’y a pas de raison majeure de s’inquiéter», rassure Thomas Pollet. L’équipe de chercheurs corses qui ont découvert la présence du virus sur l’Ile de beauté est un peu moins optimiste. «La menace d'une éventuelle expansion et circulation continue du virus en Europe occidentale ne doit pas être ignorée. Les professionnels de santé et les autres groupes à risque d'infection, notamment les chasseurs et les agriculteurs, doivent être informés de la circulation du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo en Corse», préviennent-ils dans leur étude. Précisons qu’il n'existe à l'heure actuelle aucun vaccin ni traitement contre cette maladie.

Dans les pays où le virus circule activement, le nombre de malades reste modéré en Afrique et en Asie (moins de 50 cas par an rapportés par pays, selon l’Organisation mondiale de la Santé). Les pays du Moyen-Orient sont davantage touchés, avec plus de 50 cas annuels.

Les autorités sanitaires recommandent des mesures simples pour prévenir les piqûres de tiques lors d’activités en pleine nature : le port de vêtements couvrants, de préférence de couleur claire pour mieux repérer les tiques ; des chaussures fermées ; éventuellement l'utilisation de répulsifs cutanés. Il faut aussi s’inspecter minutieusement tout le corps après une balade. En cas de piqûre, il faut retirer la tique le plus rapidement possible (avec une pince en prenant la tique à la base de la peau ou un tire-tique) avant de désinfecter la zone de piqûre. Des conseils qui permettent aussi de se protéger vis-à-vis de l’infection par les bactéries de type borrelia responsables de la maladie de Lyme, transmises par une autre espèce de tique.

Source : https://sante.lefigaro.fr/social/sante-publique/des-tiques-infectees-par-le-virus-de-la-fievre-hemorragique-de-crimee-congo-decouvertes-dans-le-sud-de-la-france-20240426

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