Cour des comptes : la SNCF a-t-elle un train de retard sur le changement climatique ?
Dans leur rapport annuel, les Sages de la Cour des comptes s’alarment de la vulnérabilité du réseau ferroviaire face aux changements climatiques.
Dans son dernier rapport annuel, publié mardi 12 mars, la Cour des comptes met en lumière les défis qui attendent la SNCF (SNCF Réseau et SNCF Gares et connexions) face au changement climatique.
- Comment gère-t-elle ces risques ?
- Comment s'y adapte-t-elle ?
À lire les Sages de la rue Cambon, il est évident que, malgré le déploiement de nombreuses initiatives, un engagement plus profond et coordonné est nécessaire pour assurer la durabilité et la résilience à long terme du réseau ferroviaire français.
La Cour met en avant son constat. Selon les informations qu'elle a obtenues au cours de son enquête, les intempéries ont été à l'origine de 19 % des minutes perdues imputables à SNCF Réseau pour causes externes, en 2022. Au cours de la période 2019-2021, les principales causes d'incidents ont, en moyenne, été les vents forts et les orages (41 %), les pluies violentes (21 %), suivis du givre et de la neige (20 %) et des fortes chaleurs (12 %), mais il existe de fortes variations d'une année à l'autre.
Selon la Cour, les tendances qui se dégagent des modèles de prévision climatique montrent un accroissement de la pression des aléas météorologiques sur le réseau ferroviaire, malgré la raréfaction des épisodes de grands froids en plaine. Plus qu'à la température moyenne, l'infrastructure ferroviaire (alimentation électrique, caténaire, ouvrages en terre, voies, signalisation…) est sensible aux fortes chaleurs et aux grands froids.
Le rapport détaille la vulnérabilité de ce réseau, composé de plus de 27 000 kilomètres de lignes. La vétusté de l'infrastructure et son exposition aux événements extrêmes, tels que fortes chaleurs, foudres, inondations et vents violents, augmentent sa sensibilité. Les équipements électroniques et métalliques (voies, caténaires) sont en effet sensibles à la température, les voies et leurs assises sont exposées aux inondations et ruissellements, etc.
L'ancienneté des technologies présentes sur le réseau historique obère aussi sa capacité à absorber, tant les exigences du trafic ferroviaire actuel que les contraintes météorologiques – les deux pouvant se cumuler. Un exemple : le réseau des télécommunications ferroviaires reste constitué de 33 000 kilomètres de fils de cuivre, souvent mal isolés et sensibles aux inondations, contre 27 765 kilomètres de fibre optique, résistante face au changement climatique.
Ces phénomènes météorologiques qui se comptent par milliers chaque année ne sont pas sans conséquence sur la circulation des trains : de retards mineurs à la fermeture de voies pour réparations, sans parler du retentissement sur l'attractivité de ce moyen de transport.
C'est ainsi qu'un comité stratégique sur l'adaptation au changement climatique se réunit bi-annuellement ; et une étude de vulnérabilité est en cours chez SNCF Gares et Connexions. Toutefois, les conséquences des événements météorologiques sur la fiabilité du réseau, ses coûts de fonctionnement, les dépenses d'investissement induites ou encore le produit des péages, ne sont pas suivies en tant que telles et de façon exhaustive dans les outils de gestion des deux entreprises, déplore la Cour. Les études existantes ne donnent donc encore qu'une vision incomplète des effets du changement climatique sur la performance de l'infrastructure.
Les Sages de la rue Cambon soulignent l'importance de réaliser ces études de vulnérabilité et d'intégrer les prévisions climatiques dans les stratégies de modernisation et de développement durable du réseau. Selon eux, il reste beaucoup à faire pour évaluer et minimiser les impacts opérationnels et financiers du changement climatique sur le réseau ferroviaire. SNCF Réseau ne dispose pas d'outils fiables de suivi des pertes de recettes et des coûts occasionnés par les intempéries, en investissement comme en fonctionnement. Les projections à moyen et long termes constituent donc un exercice délicat, dont les résultats ne peuvent être considérés que comme des ordres de grandeur provisoires.
D'après le rapport de la Cour, il est crucial d'intégrer les adaptations nécessaires dans les plans stratégiques et opérationnels, nécessitant une collaboration accrue entre les gestionnaires d'infrastructure, les pouvoirs publics, et d'autres acteurs clés pour définir des objectifs de résilience.
En conclusion, la Cour formule plusieurs recommandations, telles que la mise à jour des normes de construction, l'intégration des risques climatiques dans les analyses socio-économiques des projets de transport, et l'établissement de plans d'adaptation clairs et financés. Un regret à la lecture de ce rapport : les Sages n'évoquent pas l'autre défi de taille associé au changement climatique.
Quid du financement, quand on sait que la SNCF est lestée d'une dette de 24,4 milliards d'euros ?