La disponibilité des réacteurs nucléaires commence à poser de sérieuses questions

Publié le par Actu-Environnement et ASN via M.E.

Alors que de nombreux candidats à l'élection présidentielle ont utilisé des qualificatifs dithyrambiques sur l'énergie nucléaire, en passant sous silence, au passage, complètement ses risques intrinsèques et les faiblesses du parc actuel, l'actualité remet les pendules à l'heure, voir à ce sujet notre billet publié le 18 décembre 2021. EDF va devoir réaliser un audit sur la disponibilité du parc nucléaire.

Centrale nucléaire de Civeaux (Vienne). W.Stevens

 

Avec l'arrêt de deux réacteurs nucléaires supplémentaires à la suite de la découverte de fissurations dans le circuit primaire des réacteurs de Civaux (Vienne), la tension monte d'un cran sur la disponibilité du parc nucléaire cet hiver. Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a reçu, ce vendredi, Jean-Bernard Levy, président-directeur général d'EDF, pour une réunion sur ce sujet. Elle lui a demandé de « prendre toutes les mesures pertinentes pour renforcer à court terme la sécurité d'approvisionnement » et de rechercher par ailleurs à favoriser la flexibilité de ses clients consommateurs.

Afin de vérifier si la fissuration est liée ou non à un défaut générique, EDF a mis à l'arrêt les réacteurs de même conception que celui de Civaux : le réacteurs B1 de la centrale nucléaire de Chooz ce jeudi, le B2 le sera samedi 18 janvier. La fermeture de deux réacteurs supplémentaires modifie le calendrier de disponibilité du parc alors que RTE a récemment indiqué que la sécurité d'approvisionnement restait sous « vigilance particulière » pour l'hiver 2021-2022. Barbara Pompili a également demandé à l'entreprise de mener un audit indépendant sur la maîtrise industrielle des arrêts de réacteurs. Un point d'étape est attendu avant mi-mars.

Source : https://www.actu-environnement.com/ae/news/EDF-audit-disponibilite-parc-nucleaire-38766.php4

La note d'information de l'Autorité de Sûreté Nucléaire ci-après :

Phénomène de corrosion sous contrainte détecté sur le circuit d’injection de sécurité du réacteur 1 de la centrale de Civaux - Arrêt des réacteurs de 1 450 MWe pour réalisation de contrôles

Le 21 octobre 2021, à la suite de contrôles par ultrasons réalisés au titre de la visite décennale du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Civaux, EDF a informé l’ASN de la détection d’indications [1] sur des soudures des coudes de la tuyauterie raccordant le système d’injection de sécurité [2] au circuit primaire principal du réacteur (voir image ci-après). Afin d’identifier l’origine de ces indications, les parties de tuyauteries concernées ont été découpées pour expertise métallurgique en laboratoire.

EDF a  par ailleurs pris la décision d’arrêter le réacteur 2 de la centrale de Civaux pour réaliser, de manière anticipée, ces contrôles des zones concernées, les précédents contrôles datant de 2012. Les résultats préliminaires de ces contrôles ont confirmé la présence d’indications similaires à celles du réacteur 1.

Le principe de fonctionnement d’un réacteur à eau sous pression

Le 15 décembre 2021, EDF a informé l’ASN que les premières expertises métallurgiques réalisées sur les parties déposées des tuyauteries du réacteur 1 de la centrale de Civaux avaient mis en évidence la présence de fissuration résultant d’un phénomène de corrosion sous contrainte. EDF poursuit ses investigations afin de caractériser les facteurs à l’origine de ce phénomène et d’identifier les zones possiblement concernées.

Coude de la tuyauterie et soudures adjacentes faisant l’objet d’un contrôle décennal (palier N4)

Au regard de l’origine inattendue des fissurations constatées, EDF a pris la décision de mettre à l’arrêt, dans les meilleurs délais, les réacteurs de conception similaire. Les réacteurs B1 et B2 de la centrale nucléaire de Chooz seront ainsi prochainement arrêtés afin de réaliser des contrôles complémentaires à ceux réalisés en 2019 et 2020 lors de leur visite décennale.

L'ASN considère que cette décision, prise par EDF en tant que premier responsable de la sûreté, est appropriée à la situation.

L’ASN, avec l’appui technique de l’IRSN, suit avec attention les investigations menées par EDF et les conclusions qui en seront tirées, notamment vis-à-vis du suivi en service sur ces équipements. L’ASN autorise les interventions sur les équipements concernés et se prononcera sur leur remise en service.

Photo montrant les soudures présentant des fissures

[1] Une indication est un signal (typiquement un écho pour des contrôles par ultrason) mettant en évidence la possible présence d’un défaut dans le matériau contrôlé.

[2] Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d'accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d'introduire de l'eau borée sous pression dans celui-ci afin d'étouffer la réaction nucléaire et d'assurer le refroidissement du cœur.

A lire aussi depuis :

Mi-décembre, 17 réacteurs nucléaires, soit 30% du parc français, étaient à l’arrêt. Ces fermetures dont certaines n’avaient pas été programmées conduisent ce jeudi 30 décembre RTE à relever son niveau de vigilance pour l’approvisionnement électrique en janvier. En cas de vague de froid de l’ordre de 4 degrés en dessous des normales saisonnières ou de situation de faible production éolienne en Europe, le gestionnaire des lignes à haute tension, filiale à 50% d’EDF, n’exclut pas de recourir à des moyens "post marché": interruption de grands consommateurs industriels et baisse de 5% de la tension sur les réseaux de distribution.

Le risque de black-out impliquant une perte généralisée de l’alimentation électrique sur le territoire est pour le moment écarté. Pour autant, la situation de la production électrique et tout spécialement celle du nucléaire interpelle. Alors que la capacité des 56 réacteurs du parc s’élève à 61 gigawatts, la disponibilité prévisionnelle se situe aujourd’hui dans une fourchette comprise entre 43 et 51 GW. "Il s’agit du niveau le plus bas jamais atteint pour le parc à cette période de l’année", indique Thomas Veyrenc, directeur exécutif de RTE en charge de la stratégie, de prospective et de l’évaluation. Juste avant Noël, du 21 au 23 décembre, la France a recouru massivement à l’importation d’électrons auprès de nos voisins. Le solde net était de 12-13 GW. "On était alors proche du maximum de nos capacités techniques d’importation", observe Thomas Veyrenc.

https://www.challenges.fr/energie-et-environnement/les-arrets-des-reacteurs-nucleaires-creent-des-tensions-sur-le-reseau-electrique-cet-hiver_794831

Publié dans Energie, Nucléaire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :