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Publié le par M.E.

La région est la championne de France du nombre de friches industrielles et urbaines. Les collectivités veulent en faire un atout économique majeur.

Laurent Cousin/Haytham-rea

« Les sites en friches pourraient représenter dans la région un peu plus de dix ans d'artificialisation des sols. »

D'anciennes centrales thermiques, des usines textiles abandonnées, des sites industriels orphelins… L'ancien Nord-Pas-de-Calais comptait déjà, à lui seul, la moitié des friches de l'Hexagone. La nouvelle région Hauts-de-France, qui a intégré la Picardie, affiche pour sa part l'équivalent de 23 000 terrains de foot en friches industrielles et urbaines - un record - répertoriées par la base nationale de référence, Cartofriches. Soit précisément 700 sites représentant 16 000 hectares, vient de calculer la Chambre Régionale des Comptes, dans un rapport sur le recyclage des friches.

Ces nombreuses verrues qui parsèment le territoire régional depuis des décennies, issues notamment de la grande industrie minière, sidérurgique ou textile, deviennent soudainement des atouts sur lesquels se jettent les collectivités comme les acteurs privés. L'ambition du zéro artificialisation nette (ZAN) et la pénurie de foncier sont passées par là. « Toutes choses égales par ailleurs, les sites en friches pourraient représenter dans la région un peu plus de dix ans d'artificialisation des sols », soulignent les magistrats financiers.

« Pas de toit, pas d'emplois »

Le conseil régional veut aussi pousser l'avantage, après avoir largement déminé les dangers de la loi ZAN sur son territoire : les très vastes emprises du futur Canal Seine Nord Europe et de ses ports intérieurs ont été écartées du comptage national, soit 2 954 hectares épargnés. Les grandes industries vertes également, à commencer par les quatre gigafactories de batteries .

Olivier Romain, Directeur général délégué de Ramery : "Les friches permettent de disposer de foncier relativement accessible. Mais il y a un inconvénient : la nature a parfois repris ses droits et cela ne facilite pas les mesures compensatoires."

Xavier Bertrand , le président LR de la région, ne voit pas d'un très bon oeil le gel complet de l'artificialisation. « Oui, il faut qu'on change de rythme. Mais le ZAN tel qu'il est met une bonne partie de la France sous cloche, surtout au moment où on veut réindustrialiser. Pas de toit, pas d'emplois », résume l'ancien ministre, qui affirme une stratégie offensive de requalification de friches à des fins économiques ou vers du logement.

Il s'agit d'abord de répertorier très finement l'existant, territoire par territoire, en lien avec les intercommunalités, l'Etablissement public foncier (EPF) régional et l'Etat. L'EPF s'est imposé depuis sa création, il y a plus de trente ans, comme l'acteur central du recyclage de ces sites. Entre 2014 et 2019, il a remis 440 hectares sur le marché. Pour son programme 2020-2024, il a prévu de mobiliser 420 millions d'euros. Il compte aujourd'hui plus de 350 opérations en cours.

Objectif dépolluer et compacter

Le patron des Hauts-de-France veut aussi dynamiser les structures qui travaillent sur la dépollution des sols, « pour dépolluer moins cher et plus vite, avec des subventions nationales et européennes ». Autre axe : la région entend pousser les entreprises au foncier abondant à le compacter - à l'exemple de Stellantis à Douvrin - et rendre disponible des surfaces utiles. Dernier axe que lorgne Xavier Bertrand : les friches commerciales, qui ne manqueront pas de fleurir du fait des bouleversements des modes de consommation, afin d'anticiper au maximum leur conversion avec les opérateurs privés.

Tout n'est cependant pas si simple. La réhabilitation des friches n'est pas un long fleuve tranquille. S'appuyant sur treize contrôles récents, la chambre régionale des comptes pointe un défaut général d'anticipation, notamment sur les besoins de dépollution et les contraintes techniques et financières.

Résultat : des retards, des surcoûts, « voire une modification substantielle du projet d'aménagement en raison de la persistance de polluants à des taux supérieurs à ceux autorisés », à l'exemple de l'opération Grands Moulins de Paris à Marquette-lez-Lille (une ancienne usine reconvertie en logements) en 2019.

Les magistrats financiers en appellent à des « plans de financement robustes », qui peuvent s'adosser désormais à un outil national comme le fonds friches . Ce dernier, mis en place en 2021 dans le cadre du plan France relance, a déjà mobilisé 76,5 millions d'euros en Hauts-de-France à travers 107 opérations.

Compensations vertes

Les collectivités se plaignent aussi du zèle de l'administration à geler parfois un nouvel usage des friches au nom d'espèces végétales ou animales qui se seraient développées entre-temps. « Il n'y a pas de règle, ça dépend de l'interlocuteur », témoigne le directeur du développement économique d'une ancienne commune minière.

La loi sur les Zones d'accélération de la production d'énergie renouvelable (ZAER) de mars 2023 réduit certes les temps d'instruction. Mais cela ne résout pas tout. « Les friches permettent de disposer de foncier relativement accessible. Mais il y a un inconvénient : la nature a parfois repris ses droits et cela ne facilite pas les mesures compensatoires », décrit Olivier Romain, directeur général délégué de Ramery.

"Les collectivités se plaignent aussi du zèle de l'administration à geler parfois un nouvel usage des friches au nom d'espèces végétales ou animales qui se seraient développées entre-temps."

Ce groupe familial de construction (2.700 salariés, 610 millions d'euros de chiffre d'affaires) est ainsi bloqué dans la reconversion d'un site de 32 hectares à Violaines (Pas-de-Calais), où une centrale thermique a fermé en 1981. Il y porte avec Engie Green un projet de centrale photovoltaïque et de centre de valorisation de déchets bois de plus de 20.000 tonnes par an.

Un investissement global de plus de 20 millions d'euros en panne car la DREAL (la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) demande que pour chaque hectare utilisé, les industriels reboisent trois hectares dans un rayon de 25 kilomètres. « Ça nous bloque, on n'arrive pas à trouver les surfaces », grince le dirigeant, Matthieu Ramery , qui craint des difficultés similaires sur deux autres friches que porte le groupe dans une ancienne sucrerie près de Calais et, à Alaincourt, dans l'Aisne.

Source : https://www.lesechos.fr/pme-regions/hauts-de-france/dans-les-hauts-de-france-limmense-defi-de-la-reconversion-des-friches-2041892

Publié dans Economie, Sols

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