Claude Alphandery, inventeur de l’ESS et fondateur de France Active, est mort après un siècle de combats
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Jusqu’à son dernier souffle, Claude Alphandéry a défendu ses convictions humanistes de grand résistant. Quelques jours avant sa mort, il a lancé un appel poignant pour une “grande alliance humaniste des forces de vie” contre le retour de la barbarie. Il avait inventé l’économie sociale et solidaire (ESS) comme alternative au libéralisme économique débridé. Son crédo : la solidarité !
Grand résistant, Claude Alphandéry avait 18 ans quand la Seconde Guerre mondiale a commencé. Il en avait 20 quand il rejoint le maquis. Il finit la guerre lieutenant-colonel des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et parvient à faire dialoguer communistes et gaullistes.
Sourire malicieux et engagement sans faille, telles sont ses qualités de rassembleur qui furent précieuses dans son parcours de vie pour le moins éclectique.
Communiste, il part à Moscou dans un premier temps avant de passer le concours de l’ENA et d’entrer à l’ONU à New York après avoir abandonné le communisme.
En 1960, il publie un livre “L’Amérique est-elle trop riche ?” dans lequel il raconte : “Je découvris l’ampleur de la consommation, étrange pour un Européen sortant tout juste de la pénurie. L’abondance de produits, la débauche de publicité m’ont sidéré ; la fréquentation des sociologues m’a aidé à réaliser l’ampleur du marketing qui s’y fondait.” Quand il rentre en France, il devient banquier et importe des Etats-Unis le concept de crédit hypothécaire de longue durée. En 1974, il soutient François Mitterrand qui veut nationaliser les banques. Il est alors viré du secteur !
Commence alors son combat pour promouvoir une économie alternative, l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) qui a pour but premier de réparer les préjudices environnementaux et sociaux provoqués par l’expansion grandissante de l’économie de marché dérégulée qu’il appelait “le modèle dominant”.
Son dernier livre “Nous résistons”, écrit avec Bastien Sibille, jeune acteur de l’ESS, est sorti aux éditions des Petits Matins cinq jours avant sa mort, à 101 ans. Tous deux y appellent à “résister aux marchés qui détruisent le vivant et réclament la création d’un fonds doté d’un milliard d’euros pour une transition écologique juste”. Cette “opération milliard” a été lancée le 26 mars, le jour de la mort de Claude Alphandéry.
Pour Pierre-René Lemas, actuel président de France Active, l’association devenue au fil du temps le principal soutien financer de l’ESS, fondée en 1988 par Claude Alphandery : “Continuer à agir contre la fatalité, se battre pour l’inclusion, construire une société à la fois solidaire et écologique, c’est le meilleur hommage que nous puissions lui rendre”.
Claude Alphandéry aimait déplacer des montagnes. Proche de Stéphane Hessel, auteur d’”Indignez-vous”, ils avaient lancé ensemble, en 2011 un grand mouvement de soutien à l’ESS et avaient rassemblé plus de 10 000 personnes à Paris. Claude Alphandéry était aussi un compagnon de route d’Edgar Morin qui parle ainsi de lui dans Le Monde : “Claude possédait une ardeur juvénile, un élan pour le bien collectif, une âme militante. Il portait en lui le principe de la régénération permanente, qui est celui de la vie. Jusqu’au bout, il n’a pas dérivé, il ne s’est pas sclérosé, il ne s’est pas dégradé.”
Se sentant fatigué, Claude Alphandéry avait lancé un dernier appel dans Le Nouvel Observateur début mars pour lutter contre le retour de la barbarie qui menace. Il écrivait : “Aujourd’hui, alors qu’hospitalisé mes forces déclinent, je viens vous demander de prendre l’engagement de tout faire partout où vous êtes avec les moyens qui sont les vôtres, pour empêcher une nouvelle nuit noire de l’humanité.”
Espérons que son message résonne longtemps et bien au-delà du cercle de l’ESS, orphelin de cette silhouette frêle et joyeuse qui participait à chaque réunion avec une curiosité insatiable.