Catastrophes naturelles : le gouvernement veut empêcher les stratégies d’esquive des assurances
Des zones géographiques en France qui ne seraient bientôt plus assurables à cause du changement climatique ? Pour éviter cette situation, un rapport commandé par le gouvernement émet une série de recommandations visant à inciter les assureurs à œuvrer même dans les zones à risques. Mais aussi à renforcer l’investissement dans l’adaptation des bâtiments contre les événements climatiques.
Face à la hausse des catastrophes naturelles, certains assureurs préfèrent ne plus intervenir dans certaines régions.
Le régime des catastrophes naturelles, connu sous le nom de “cat nat”, est sous pression. La multiplication des événements climatiques et des pertes économiques que cela engendre risque de mettre par terre la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui gère le régime pour l’Etat, et qui se trouve en situation de déficit depuis 2016. Le rapport des trois experts missionnés par les ministères de l’Economie et de la Transition écologique vient d’être rendu public, avec sa liste de recommandations pour tenter de préserver l’assurabilité des événements climatiques. Les événements climatiques coûtent en effet de plus en plus cher aux assurances, 6,5 milliards d’euros en France cette année, et au régime de garantie publique qui assume la moitié des coûts des catastrophes naturelles. Des tensions caractérisées par l’intervention récente de Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, qui a cité huit assureurs n’ayant toujours pas indemnisé les victimes des inondations dans la région.
Une première mesure préconisée par le rapport avait déjà été adoptée en urgence par le gouvernement au mois de décembre 2023, afin de préserver les finances de la CCR. Il s’agissait de l’augmentation de la surprime “catastrophes naturelles” sur les contrats d’assurance habitation qui passera de 12 à 20% en 2025. Mais le rapport préconise aussi de s’intéresser au comportement des assureurs dans les régions les plus à risques. “De plus en plus d’outils d’intelligence géographique peuvent inciter les assurances à prendre des stratégies d’évitement des zones les plus touchées“, souligne Thierry Langreney, président des Ateliers du futur et co-auteur du rapport avec Gonéri Le Cozannet, ingénieur du BRGM, et Myriam Merad, directrice de recherche au CNRS.
Des communes peinent déjà à s’assurer contre les aléas climatiques et doivent trouver des solutions, souvent plus coûteuses. Tarifs dissuasifs dans les zones trop risquées, voire politique d’exclusion de ces géographies, le rapport pointe des pratiques jugées “toxiques” pour le régime à moyen et long terme. “Nous devons prendre des actions fortes pour renforcer la prévention en adaptant nos lieux de vie et pour éviter l’apparition de déserts assurantiels“, déclare ainsi Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, dans un communiqué.
Le rapport Langreney émet plusieurs recommandations pour garantir l’assurabilité des zones risquées. La première consiste à rééquilibrer le régime “cat nat”, l’augmentation prévue de la surprime devant y remédier en rapportant près de 1,2 milliard d’euros dans les caisses de la CCR. Des mesures doivent par ailleurs être prises pour que les zones les plus risquées restent assurables. “Nous ne préconisons pas de majoration de la surprime en fonction des territoires, hormis pour les résidences secondaires ou les biens locatifs pour les responsabiliser. Pour la majorité des assurés, les coûts ne doivent pas changer“, martèle Thierry Langreney.
En revanche, il propose un système de vase communicant dans l’allocation de la surprime. Celle-ci est répartie entre l’indemnisation des sinistres, et la prévention au sein du fonds Barnier. Le rapport propose de moduler cette répartition, pour que la part allouée à l’indemnisation soit plus forte dans les zones très exposées. “Cela peut inciter les assureurs à rester dans ces zones“, soutient le gouvernement. En parallèle, les rapporteurs proposent de mettre en place un mécanisme de suivi et de comparaison des parts de marché des assureurs au niveau national et dans les zones à risques, pour “rappeler aux assureurs leurs responsabilités“.
Outre les mesures sur l’indemnisation des sinistres climatiques, le rapport insiste également sur la nécessité de renforcer les mesures de prévention et d’adaptation des bâtiments : financement de diagnostics de résilience, aide au financement de travaux d’adaptation sur le mode de “Ma prime rénov’”, jusqu’à la possibilité de bénéficier des indemnités d’assurance en cas de sinistres dans une zone risquée pour permettre le déménagement du foyer.
Le gouvernement doit désormais travailler, à partir du rapport, sur les mesures qu’il mettra effectivement en œuvre. “Nous nous donnons jusqu’à la fin de l’été pour consulter les parties prenantes afin de calibrer les mesures“, explique-t-on à Bercy. Elles devraient figurer notamment dans le prochain Plan national d’adaptation au changement climatique, qui doit être publié cet été.