Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Campagne contre l’alcool chez les jeunes : "Le message, c’est : surtout, continuez à boire !"

Publié le par Marianne via M.E.

Ce lundi 25 septembre a marqué le lancement, par le gouvernement, de la campagne contre la banalisation de la consommation d’alcool, destinée aux jeunes. Une opération centrée sur la prévention des risques liés à « ce fléau de santé publique » mais totalement contre-productive, selon Yann Alex G, auteur de « Sacrée Descente : comprendre l'alcoolisme, comment tout est fait pour nous inciter à boire ».

La campagne contre la banalisation de la consommation d’alcool a été lancée ce lundi 25 septembre. Hans Lucas, AFP

« Manger avant de consommer de l’alcool », « raccompagner tes potes s’ils ont bu » ou encore « ne pas insister si tes potes ne veulent pas consommer »… Voilà quelques slogans promus par la nouvelle campagne contre la banalisation de la consommation d’alcool, destinée aux jeunes et lancée ce lundi 25 septembre. Fini les injonctions et autres visuels choquants, l’exécutif laisse la place aux conseils en matière de risques de coma éthyliques et de gueule de bois. Au risque de « banaliser » la pratique et de taire les risques d’une consommation précoce ? C’est en tout cas la crainte de Yann Alex G, ancien alcoolodépendant et auteur de Sacrée Descente : comprendre l'alcoolisme, comment tout est fait pour nous inciter à boire (2022), qui dénonce une opération « contre-productive » pilotée par les lobbys de l'alcool.

Pour lire la défense du message « non moralisateur » véhiculé par le gouvernement dans cette campagne et salué par l’addictologue Stéphanie Ladel, c’est ici.

« Sur les six visuels, on se rend compte qu’il n’y en a qu’un seul qui vise à limiter la consommation » – et encore, le ministère ne l’a même pas publié sur sa page Twitter, contrairement à Santé Publique France. Les autres concernent la réduction des risques, mais le message n’est pas clair. Prenons celui qui incite à boire de l’eau si on consomme de l’alcool. Je ne l’ai pas compris, c’est extrêmement maladroit. Il a fallu que quelqu’un m’explique que c’était pour éviter la déshydratation. De fait, je crains qu’il véhicule une mauvaise compréhension parce que certaines personnes pensent qu’en buvant beaucoup d’eau, le niveau d’alcoolémie baisse – ce qui est évidemment faux.

Ensuite, celle qui encourage à « raccompagner [ses] potes s’ils ont trop bu » peut être bénéfique dans la réduction des risques, pour éviter un éventuel accident de voiture par exemple, mais le problème n’est pas là. Il fallait tout simplement éviter que le « pote » boive moins. Finalement, le message de cette campagne, c’est : « Surtout, continuez à boire. » C’est complètement banalisé. La campagne va peut-être permettre d’éviter un coma éthylique, mais le mal est déjà fait.

Le visuel qui conseille de « ne pas insister si [ses] potes ne veulent pas consommer » fait penser aux messages qu’on véhicule lors du Dry January, notamment sur la pression sociale et la capacité à savoir dire « non ». J’y suis favorable, mais il faut rappeler que cette opération est organisée par les associations et n’est pas financée par l’État parce que les lobbys de l’alcool s’y opposent. De fait, ça brouille le message parce qu'on se demande ce que cette idée de lutte contre la pression sociale fait parmi les autres qui ne font que prévenir des risques.

« Il n’y a pas de risque zéro »

Par ailleurs, sur la vidéo qui promeut le fait de « manger avant de boire de l’alcool », on voit des jeunes qui engloutissent un gros plat de pâtes mélangé à un pot entier de Ketchup. Et ensuite, ils vont picoler. Il ne manque plus qu’à faire une prise de sang pour mesurer la glycémie en fin de soirée. Certes, le fait de manger va ralentir l’assimilation de l'alcool, mais en termes de santé publique, c’est catastrophique. 

À ces adolescents, il faut leur expliquer les dangers de l’alcool. Il faut rappeler que le « binge drinking » [en français, « alcoolisation ponctuelle importante »], provoque des conséquences parfois irréversibles, surtout chez les jeunes, avec des impacts sur le cerveau, des difficultés de concentration, des pertes de mémoire temporaires…

Il n’y a pas de risque zéro, et le lobby de l’alcool fait tout pour qu’on ne le dise pas. Le risque de maladie augmente dès les premiers verres et les jeunes doivent le savoir. Ensuite, il faut leur montrer que plus on consomme tôt, plus les risques de développer une dépendance plus tard sont grands.

Ce sont ces messages qu'il faut relayer, et non pas le fait de manger des pâtes avant d’aller boire. Le gouvernement fait les choses à l'envers, c'est contre-productif. Si on en arrivait à ce stade, ça voudrait dire qu’on aurait déjà réglé tous les autres problèmes. Ce serait la cerise sur le gâteau. Avec cette campagne, on s’attaque aux quelques comas éthyliques alors que 49 000 personnes décèdent chaque année à cause de l'alcool. Sans compter les violences conjugales : plus d’une violence sur deux est liée à une surconsommation. Mais ça, on ne le dit pas, évidemment.

Source : https://www.marianne.net/societe/sante/campagne-contre-lalcool-chez-les-jeunes-le-message-cest-surtout-continuez-a-boire

Publié dans Addictions, Santé

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :