Alcool : trop d’adolescents en consomment en dépit des risques et des interdictions
Les mineurs achètent facilement de l’alcool en France, et y sont souvent initiés par leurs propres parents. Les associations poussent un cri d'alerte.
55 % des Français jugent acceptable que des mineurs consomment de l’alcool à partir de 15 ans et 70 % d’entre eux estiment possible de les laisser boire lors des fêtes de fin d’année.
Un « appel à l'occasion des fêtes », et une « demande récurrente ». Alors que les Français boivent en moyenne leur premier verre à l'âge de 14 ans, Addictions France et la Ligue contre le cancer alertent ce lundi sur les dangers de la consommation d'alcool chez les adolescents.
Les deux associations ont chacune mené leur enquête, et les chiffres sont éloquents. Quatre parents sur dix déclarent par exemple avoir déjà fait goûter une boisson alcoolisée à leur adolescent, 55 % des Français jugent acceptable que des mineurs consomment de l'alcool à partir de 15 ans et 70 % d'entre eux estiment possible de les laisser boire lors des fêtes de fin d'année.
« C'est un danger, rappelle Bernard Basset, président d'Addictions France et médecin spécialiste en santé publique. On banalise la consommation d'alcool chez les jeunes, alors que ce n'est pas du tout anodin. Les enfants sont habitués dès l'âge de 14 ans à cette norme sociale qui veut que l'on consomme de l'alcool dès que c'est la fête. »
Une banalisation qui se double d'une grande facilité d'accès, malgré l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs. Addictions France a ainsi envoyé des clients mystères mineurs tester 42 commerces en Loire-Atlantique. Seul un établissement a refusé de leur fournir de l'alcool.
« Les adolescents peuvent se procurer de l'alcool sans problème et la consommation d'alcool en milieu familial est fortement répandue, pointe à son tour Yana Dimitrova, de la Ligue contre le cancer. Elle est à la fois acceptée et banalisée auprès des mineurs… 30 % des jeunes de 17 ans en consomment avec leurs parents. C'est un problème de santé publique. »
La consommation précoce d'alcool entraîne en effet différentes conséquences néfastes, à court comme à long terme. En plus de favoriser les comportements à risque aboutissant à des accidents de la route, des violences sexuelles ou des comas, elle accroît les risques de dépendance.
« Le cerveau achève son développement vers 24-25 ans, explique Bernard Basset. La consommation précoce laisse des empreintes réactivables sur leur cerveau dans le circuit de la récompense. Avec l'alcool, comme le reste des psychoactifs, plus on commence tôt, plus on a de chances d'avoir des problèmes de consommation à l'âge adulte, d'être dans l'excès ou l'addiction. »
Le tabac agit de la même façon sur le cerveau des ados, dont on sait l'addiction bien plus profonde lorsqu'elle commence tôt. Mais si le gouvernement déploie des moyens massifs pour lutter contre ce fléau – interdiction des puffs, augmentation des prix, campagnes de communication –, les associations déplorent qu'il n'en soit pas de même pour l'alcool.
« En France, la campagne pour le « défi de janvier » n'est portée que par des associations, sans soutien du gouvernement, fustige Yana Dimitrova. Ce n'est pas normal. Il y a une ingérence très forte des industriels de l'alcool qui parviennent à repousser les mesures publiques. Nous avons pourtant besoin d'un véritable plan national. Le gouvernement doit se saisir de cette problématique. »
Car si la consommation d'alcool a baissé depuis 2005, les chiffres stagnent depuis plusieurs années. Un quart de la population française dépasse ainsi les recommandations de Santé publique France – ne pas consommer plus de deux verres d'alcool par jour, pas tous les jours et sans dépasser dix par semaine. Les adolescents ne sont pas épargnés : selon la Ligue contre le cancer, près de la moitié des jeunes de 17 ans ont expérimenté un épisode d'alcoolisation massive le mois dernier.
Or, rappelle Yana Dimitrova, « l'alcool est loin d'être sans danger pour la santé ». En plus de faciliter l'apparition de huit cancers, dont celui du foie et de l'appareil digestif, il aurait un rôle dans le développement du cancer du sein. 16 000 personnes meurent ainsi chaque année d'un cancer évitable causé par l'alcool. Et en ajoutant les risques cardiovasculaires, hépatiques, neurologiques, digestifs et psychiatriques, en tout, ce sont 49 000 décès qui lui sont imputables chaque année.