Le Parlement européen prêt à renforcer le rôle du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies
La proposition d’étendre le mandat du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a été adoptée au Parlement européen ce mercredi (15 septembre) par une large majorité de députés européens.
À la suite des débats organisés en session plénière au Parlement européen lundi (13 septembre), les eurodéputés se sont prononcés majoritairement (598 pour, 84 contre et 13 abstentions) en faveur de l’extension du mandat de l’ECDC, une agence européenne établie en 2005, dont la mission est d’aider l’UE à lutter contre les maladies infectieuses.
« Nos propositions visent à renforcer la coopération et l’échange d’informations, d’expertise et de bonnes pratiques entre les États membres et la Commission, le comité de sécurité sanitaire et l’ECDC lui-même. Il s’agit d’améliorer la préparation et la coordination des interventions pour gérer les défis en matière de santé », a déclaré la rapporteure Joanna Kopcińska (CRE, PL).
Deux propositions phares sont à retenir. Tout d’abord, les eurodéputés souhaitent que les pays membres de l’UE élaborent des plans nationaux de préparation et de réaction et fournissent en temps utile des données comparables et de haute qualité.
« Nous avons convenu d’intensifier l’analyse et la modélisation afin d’aider les États membres à contrôler les foyers de maladie en recueillant et en traitant davantage de données épidémiologiques, tout en préservant les compétences nationales essentielles en matière de protection de la santé », a expliqué Mme Kopcińska.
Ensuite, les députés européens espèrent garantir l’extension du mandat de l’ECDC aux principales maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires et respiratoires, le cancer, le diabète et les maladies mentales. Pour l’heure, l’ECDC couvre uniquement les maladies transmissibles.
À ce propos, la commissaire européenne Stella Kyriakides a émis des doutes : « Nous pensons que certains des amendements doivent être ou devraient être reconsidérés, notamment en ce qui concerne l’extension du mandat du ECDC aux maladies non transmissibles, parce que les ressources de l’agence seraient considérablement sollicitées, ce qui affaiblirait son action au lieu de la renforcer », a-t-elle déclaré lors des débats lundi.
Le 23 juillet dernier, le Conseil de l’UE avait obtenu un mandat après un accord sur des propositions permettant de renforcer le rôle de l’ECDC et permettant de modifier une législation européenne sur les menaces transfrontalières pour la santé.
« L’accord d’aujourd’hui est une nouvelle étape importante pour renforcer le système de sécurité sanitaire de l’UE », avait déclaré ce jour-là Janez Poklukar, ministre slovène de la Santé.
Parmi les propositions adoptées par le Conseil, quelques modifications sont à noter, à commencer par une meilleure coordination des recommandations et des actions avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Deuxième modification importante : les États membres ont renforcé les dispositions relatives à la protection des données. « Les données personnelles ne seront pas traitées ni communiquées, sauf dans les cas où cela est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission de l’ECDC », précise le Conseil dans un communiqué.
Les propositions du Conseil et le vote des députés font partie d’un paquet plus large sur l’Union européenne de la santé. La Commission européenne a proposé le 11 novembre 2020 un nouveau cadre de sécurité sanitaire, fondé sur les enseignements tirés de la crise sanitaire de Covid-19.
Bruxelles a également annoncé la création d’HERA, une nouvelle agence sanitaire qui devrait entrer en fonction début 2022.
Les députés européens ont par ailleurs également adopté la proposition législative visant à renforcer la prévention des crises, la préparation et la réaction de l’UE face aux futures menaces transfrontalières graves pour la santé par 594 voix pour, 85 contre et 16 abstentions.
« Je suis très heureuse que les amendements du Parlement préservent le cadre de sécurité sanitaire de la Commission qui a été envisagé », a conclu Stella Kyriakides, à la fin de la session plénière.
Prochaine étape : les trilogues qui devraient débuter le 27 septembre prochain.
EURACTIV a eu accès à certains documents ayant fuité qui révèlent la structure de la nouvelle autorité proposée par la Commission européenne pour lutter contre les futures crises sanitaires en développant des « contre-mesures médicales. »
Les tâches et les pouvoirs de la nouvelle Autorité de préparation et de réaction aux urgences sanitaires (HERA) seront détaillés dans une décision qui sera discutée aujourd’hui (14 septembre) lors d’une réunion des 27 membres du collège des commissaires européens.
Elle sera ensuite officiellement adoptée jeudi (16 septembre), date à laquelle la proposition devrait être officiellement dévoilée.
Déjà annoncée en février, l’HERA deviendra un acteur clé du renforcement de la capacité de l’Europe à prévenir, détecter et répondre rapidement aux urgences sanitaires transfrontalières.
« La Covid-19 ne sera pas la dernière urgence de santé publique au monde, ni nécessairement la pire », écrit l’exécutif européen dans la communication vue par EURACTIV, soulignant l’importance d’améliorer la préparation pour faire face aux « risques permanents et croissants, non seulement de pandémies, mais aussi de menaces telles que le bioterrorisme. »
L’annonce de l’HERA, qui deviendra pleinement opérationnelle en début 2022 après une courte phase de transition, devrait être l’un des principaux points forts du discours sur l’état de l’Union que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, prononcera devant le Parlement européen mercredi (15 septembre).
La nouvelle autorité sera essentiellement chargée « du développement, de la fabrication, de l’approvisionnement et de la distribution équitable des principales contre-mesures médicales. »
Les vaccins, les antibiotiques, les équipements médicaux, les antidotes chimiques, les produits thérapeutiques, les tests de diagnostic et les équipements de protection individuelle (EPI), tels que les gants et les masques, sont énumérés comme « contre-mesures médicales » dans la proposition de la Commission.
Ses principales missions seront de renforcer la coordination entre l’UE et les États membres en matière de préparation et de réponse aux crises, ainsi que de traiter les vulnérabilités et les dépendances stratégiques au sein de l’UE liées au développement, à la production, à l’approvisionnement, au stockage et à la distribution des contre-mesures médicales.
L’HERA aura deux modes de fonctionnement différents selon qu’il s’agit de la phase de préparation ou de la phase de crise.
Dans la « phase de préparation », la nouvelle agence orientera les investissements et les actions en vue de renforcer la prévention, la préparation et l’état de préparation aux nouvelles urgences de santé publique. Lorsque la phase d’urgence est activée, un conseil de crise sanitaire est mis en place pour coordonner les actions urgentes en réponse aux crises.
La phase d’urgence comprendra également un mécanisme de suivi des contre-mesures pertinentes en cas de crise, un financement d’urgence et l’établissement d’un inventaire des contre-mesures médicales pertinentes en cas de crise.
L’HERA ne sera pas une agence de l’UE comme le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ou l’Agence européenne du médicament (EAM) mais plutôt « une structure au sein de la Commission européenne ».
En tant que telle, elle « bénéficiera de toute la gamme d’outils ainsi que de l’expertise financière, réglementaire, technique et organisationnelle dont dispose la Commission, et ce dès le départ », peut-on lire dans les documents ayant fait l’objet d’une fuite.
L’« opérationnalisation rapide » de l’HERA en début 2022 est rendue possible par la flexibilité obtenue par l’utilisation des pouvoirs, des outils et des programmes existants de la Commission, ce qui n’entraîne pas de changements complexes du cadre législatif.
Toutefois, l’autorité sera en contact étroit avec l’ECDC et l’EAM, les deux principales agences sanitaires de l’UE, et une annexe à la décision montre l’importance de la coordination pour éviter les chevauchements.
« Les opérations de l’HERA nécessitent un budget important et durable », peut-on lire dans le document de la Commission.
La Commission a déjà fourni à la nouvelle agence un budget indicatif de 6 milliards d’euros provenant du budget pluriannuel actuel de l’UE, dont une partie proviendra du fonds de 750 milliards d’euros de l’UE consacré au coronavirus, NextGenerationEU.
Le cœur de l’HERA sera constitué par son conseil d’administration qui réunira l’expertise de la Commission et de représentants de haut niveau des États membres, les deux contribuant à la préparation conjointe de la planification stratégique pluriannuelle.
Des représentants des agences et organes de l’UE seront invités à participer en tant qu’observateurs au conseil d’administration, indique le document.
La base juridique de la proposition a déjà déclenché des critiques de la part de l’eurodéputée verte Tilly Metz, qui s’est plainte que le Parlement européen sera tenu à l’écart des négociations sur la création de la nouvelle agence.
« Tous les domaines clés dans lesquels l’HERA interviendra relèvent de la compétence du Parlement européen. Dès lors, pourquoi seul le Conseil devrait-il avoir son mot à dire à ce sujet ? » a déclaré Mme Metz à EURACTIV.
Elle a prévenu que les eurodéputés pourraient ne pas être les bienvenus dans ces discussions en raison de leur récent appel à mettre en place des mécanismes transparents de suivi des fonds publics et à garantir un programme axé sur la santé publique.