Les voitures sont-elles vraiment de plus en plus imposantes ?
Il est de plus en plus difficile de se garer pour les véhicules neufs dont le gabarit gonfle, au point de frôler - et parfois de dépasser - celui des places de parking. D’après une ONG, les constructeurs élargiraient leurs modèles de près d’un centimètre tous les deux ans.
Faut-il imposer une cure de minceur aux voitures ? La largeur des véhicules neufs vendus en Europe grandit de près d’un centimètre tous les deux ans, révèle une étude de l’ONG Transport & Environment publiée le 22 janvier. La dynamique, portée par l’engouement des automobilistes pour les SUV qui ont inondé le marché, s’accélère : en France par exemple, les véhicules se sont élargis de 0,45 cm par an entre 2001 et 2020, contre +0,36 cm par an entre 1960 et 2000.
La largeur moyenne d’un véhicule neuf dépasse désormais les 180 cm, calculent les auteurs de l’étude, qui s’inquiètent notamment de difficultés croissantes pour se garer. Cette largeur moyenne est désormais plus grosse que la largeur minimale d’une place de parking parallèle à la rue à Paris (180 cm), par exemple. Ce n’est guère mieux pour les places en bataille, qui doivent mesurer au moins 230 cm de large en France : avec un véhicule de taille moyenne, il reste donc à peine 50 cm de chaque côté pour ouvrir les portes et s’extirper de l’habitacle.
Ces véhicules de plus en plus larges empiètent sur les espaces de circulation des autres usagers de la route, notamment les cyclistes, qui ont ainsi de moins en moins de place entre les véhicules garés sur le côté et ceux occupant la voie pour circuler en respectant les distances de sécurité. Sans compter qu’un véhicule plus gros suppose une visibilité plus faible pour les autres usagers, des piétons aux automobilistes au volant de modèles de taille plus classique.
On pourrait bien sûr élargir les places de parking pour les adapter aux nouvelles automobiles. Mais cela ferait «grimper le prix» du stationnement, préviennent les auteurs de l’étude, car l’espace serait moins bien rentabilisé. Plusieurs villes ont décidé de s’attaquer aux SUV en leur faisant payer plus cher leur stationnement : Lyon l’a promis, Paris va consulter ses habitants sur la question le 4 février. Un moyen également pour les élus de pointer du doigt ces gros modèles critiqués pour leur impact environnemental.
Cette croissance sans fin des automobiles a déjà été documentée par de nombreuses études : elles sont de plus en plus larges, de plus en plus longues, de plus en plus hautes et de plus en plus lourdes. Plus de 1,2 tonne en 2022 en moyenne contre 953kg en 1990, selon l’ADEME.
Leur taille «évolue avec celle des Français» et leur largeur «grandit pour suivre les besoins en siège autos et par sécurité», justifiait en novembre, auprès du Figaro, Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes. Pour l’ingénieur spécialiste des transports et auteur de La ruée vers la voiture électrique Laurent Castaignède, ce sont plutôt les constructeurs qui ont remodelé le marché pour écouler ces véhicules «sur lesquels ils font leurs plus grosses marges», à grand renfort de publicité. En 2019, 42 % des dépenses publicitaires du secteur étaient consacrées à des modèles SUV, selon une étude de WWF à partir de chiffres du cabinet Kantar.
Le SUV est aussi devenu une démonstration de réussite, souligne le chercheur, ajoutant que d'autres «s'y mettent par mimétisme, parce qu'ils ont peur face à eux dans leur petit véhicule et veulent se sentir plus en sécurité». L'assureur suisse Axa estimait toutefois qu'en 2019, ses assurés en SUV ont provoqué «10 % de dommages de responsabilité civile [impliquant un tiers, NDLR] de plus que les autres voitures de tourisme».
Cette tendance à l’élargissement «continuera sans régulation» de la part de l’Union européenne, estiment les auteurs de l’étude, qui appellent à instaurer une nouvelle limite de taille pour les futurs véhicules commercialisés sur le Vieux continent. Aujourd’hui, ils peuvent mesurer jusqu’à 255cm de large.