Ce que coûterait l'inaction climatique à la France
Selon un rapport de l'ADEME publié ce mercredi, les conséquences du réchauffement climatique dans l'Hexagone pourraient coûter au moins 260 milliards, si aucune politique de transition écologique n'est mise en place.
Le village de Neuville-sous-Montreuil, dans le Nord de la France, a été un des plus touchés par les inondations du mois de novembre.
Quelles seraient les conséquences pour l'économie française de ne rien faire face au réchauffement climatique ? La question a été soulevée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans une étude publiée ce mercredi et que « Les Echos » ont pu consulter en exclusivité.
La conclusion de l'organisme public est sans appel : il faut agir dès à présent car le coût de l'inaction serait colossal et dans tous les cas bien supérieur aux efforts financiers que doit consentir le pays pour assurer sa transition écologique.
En prenant pour hypothèse une élévation des températures mondiales de près de +3,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle, les experts évaluent à 10 points de PIB annuel de la France le coût des dommages qu'il faudrait assumer d'ici à la fin du siècle comparé à un « scénario fictif » sans changement climatique. Soit une facture de 260 milliards d'euros annuels - en retenant pour base de calcul le PIB de l'an dernier. A comparer aux 66 milliards d'euros par an à l'horizon 2030 que devrait consacrer la France pour assurer la décarbonation de son économie, selon le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz.
« Il y a une prime à l'action », soutient Patrick Jolivet, directeur des études socio-économiques de l'ADEME, qui a coordonné les travaux. Et ce d'autant que « cette évaluation est probablement très sous-estimée », selon lui.
De fait, les chercheurs de l'Agence n'ont pas intégré dans leur modélisation une partie des effets attendus du réchauffement climatique : par exemple, le coût économique de la perte de la biodiversité ou encore les conséquences d'un emballement du climat, avec des épisodes extrêmes (canicules, inondations, etc.) plus fréquents et plus violents.
L'ADEME a, en revanche, cherché à détailler l'impact des différentes catégories de dommages auxquels la France serait exposée sans action climatique. « Il s'agit d'une version simplifiée de la réalité entourée de nombreuses incertitudes », souligne Patrick Jolivet. Selon l'étude, la baisse des rendements agricoles coûterait 3 points d'activité au pays. De leur côté, les catastrophes naturelles dans l'Hexagone et la montée du niveau de la mer auraient, chacune, un impact estimé à un demi-point de PIB.
Selon les auteurs, plus de la moitié des dommages attendus - soit 6 points de PIB sur 10 - serait liée aux catastrophes naturelles se produisant dans le reste du monde. En d'autres termes, des événements sur lesquels la France n'a que peu de prise mais dont elle subirait les conséquences de plein fouet avec une baisse très sensible de ses flux commerciaux, et notamment des ruptures dans ses chaînes d'approvisionnement.
« Avec des dispositifs tel le mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières , on a des leviers pour inciter nos partenaires à agir », tempère-t-on au ministère de la Transition écologique.
Dans son étude, l'ADEME a également mesuré le coût d'une action climatique retardée parce que l'Etat attendrait 2030 pour agir. Les effets négatifs sur la croissance économique seraient significatifs : en différant les mesures à prendre pour freiner la montée des températures, l'Etat se priverait de près de 1,5 point au PIB en 2030 et de 5 points en 2050 par rapport au scénario d'une « transition ordonnée » qui correspond peu ou prou à la politique actuelle. A savoir, la mise en oeuvre progressive dès à présent de politiques afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
« Cette étude met en lumière le fait que chaque année de retard dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre accroît le coût pour l'ensemble de la société », insiste le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
Un argument de poids pour le ministre qui doit présenter d'ici à janvier 2024 un plan d'adaptation pour la France. Il s'agit de prendre des mesures réglementaires ou législatives pour adapter les référentiels techniques des futures infrastructures et instaurer de nouvelles règles d'urbanisme par exemple, avec pour objectif une meilleure prise en compte des nouveaux risques liés au réchauffement climatique.