Lutte contre l’artificialisation des sols : la définition de la friche en consultation
Au carrefour des enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols, de revitalisation urbaine et de réindustrialisation, les friches sont un objet de moins en moins non identifié. Un décret d’application de la loi Climat et Résilience, soumis à consultation jusqu’au 15 novembre, vient préciser les deux critères cumulatifs introduits à l’article L.111-6 du code de l’urbanisme pour les définir.
Un projet de décret précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme est soumis à consultation publique (Lien sortant, nouvelle fenêtre)jusqu’au 15 novembre prochain. Le texte n’arrive pas en terrain vierge. À la suite du rapport de la mission d’information sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives, une définition de la friche a été intégrée dans la loi Climat et Résilience (art.222) dans le chapitre consacré à la lutte contre l’artificialisation des sols.
Cette définition - qui figure à l’article L.111-26 du code de l’urbanisme (CU) - fixe deux critères cumulatifs : le caractère inutilisé du bien ou d’un droit immobilier, bâti ou non bâti, et l’absence de possibilité de réemploi sans aménagement ou travaux préalables. Plusieurs articles de la loi Climat et Résilience y font d’ailleurs référence afin d’encourager la sobriété foncière, notamment dans la planification urbaine (art.194) ou dans l’aménagement opérationnel avec l’expérimentation d’un certificat de projet dédié aux friches (art.212).
Et plus récemment, d’autres véhicules législatifs, comme la loi n°2023-175 d’accélération de la production d'énergies renouvelables (ENR) et la loi n°2023-630 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, ont également mobilisé ce levier à la main des collectivités pour déroger aux restrictions définies par la loi Littoral au bénéfice du déploiement des ENR ou élargir le droit de préemption urbain.
L’objet du projet de décret est de préciser les modalités d’application de la définition de friche en détaillant les deux critères introduit à l’article L.111-26. Il s’agit ainsi "de l’éclairer et de faciliter l’identification des friches", souligne le ministère de la Transition écologique. Pour ce faire, le texte crée deux articles dans la partie réglementaire du CU.
L’un (D.111-54) indique des éléments pouvant être pris en compte pour la reconnaissance d’une friche, tels que la présence de locaux ou équipements vacants ou dégradés, une pollution identifiée pour laquelle le responsable a disparu ou est insolvable, ou encore le coût significatif du réemploi.
Ces éléments doivent notamment permettre d’appréhender "la diversité et la dimension évolutive des friches", relève la notice de consultation. Y sont également précisés les aménagements et travaux préalables à un réemploi d’un tel bien - à savoir les interventions permettant la remise en état, la réhabilitation ou la transformation -, tout en évoquant le cas spécifique de l’urbanisme transitoire.
Ce même article ajoute que les terrains non bâtis à usage agricole ou forestier ne peuvent être considérés comme des friches au sens de la définition donnée par le CU. "Les terrains à caractère naturel, y compris après avoir fait l’objet d’une renaturation, ne sont pas non plus concernés", décrypte la notice.
L’autre (D.111-55) étant donné les recensements de friches qui peuvent être opérés, en particulier dans le cadre des observatoires locaux de l’habitat et du foncier prévus à l’article L.302-1 du code de la construction et de l’habitation, indique que les inventaires conduits par certains acteurs publics ou des agences d’urbanisme sont réalisés notamment d’après les standards du Conseil national de l’information géolocalisée (CNIG) et contribuent à alimenter un inventaire national.
Issu du modèle initial de Cartofriches, le Géostandard "CNIG Friches" a été mis au point pour faciliter l'échange des données. L’outil en ligne mis en oeuvre par le CEREMA a déjà répertoriés près de 9 788 friches sur l’ensemble du territoire en intégrant notamment des données remontées par les observatoires locaux. Selon le ministère, le gisement de friches représente environ 170 000 hectares à reconquérir et valoriser. Autre outil développé par le CEREMA avec l'INRAE, Urbansimul, qui lui aussi a bénéficié du plan de relance, offre une vision cartographique des dynamiques foncières et immobilières, et permet d'identifier les réserves foncières jusqu’à une précision à la parcelle.
Portail de l’artificialisation des sols, données de l’occupation du sol à grande échelle (OSGE), de Sitadel (base des permis de construire), demandes de valeurs foncières-DVF (recensant les ventes de biens fonciers réalisées au cours des cinq dernières années), Mon Diagnostic Artificialisation (tableaux de bord et des cartographies à la maille d’une région, un département, un SCoT, un EPCI ou une commune) et les fichiers fonciers retraités par le CEREMA sur la base des données brutes produites par la DGFiP complètent le panel de dispositifs d'observation et d’accompagnement des collectivités à la réhabilitation des friches. Le ministère rappelle également le rôle clef des établissements publics fonciers (EPF) "qui disposent d’une connaissance des marchés fonciers (veille foncière, connaissance du territoire via les conventionnements et les projets portés) peuvent produire et cofinancer des études avec des collectivités et les accompagner dans l’identification des gisements fonciers".
Les dispositions prévues par le projet de décret "n’emportent pas en elles-mêmes d’impacts financiers", souligne-t-il également, rappelant au passage les résultats du fonds dédié au financement des opérations de recyclage des friches (750 millions d’euros sur 2021-2022), qui dans le cadre du Plan de relance, "a permis d’accompagner 1 385 lauréats, et le recyclage de 3 370 ha de friches". Une démarche poursuivie depuis par le fonds vert.