Patrick Pelloux : « Il y a une urgence à s'emparer du problème de la canicule dans sa globalité »
Patrick Pelloux, praticien hospitalier au SAMU de Paris, revient sur les conséquences de la canicule de 2003. Vingt ans plus tard, il appelle à prendre en compte les fortes chaleurs au-delà de ses conséquences néfastes sur l'humain.
En août 2003, les records absolus de température maximale ont été battus dans 70 stations météorologiques sur 180. A Paris, le mercure est monté jusqu'à 39,5 °C.
Oui, en effet. Le GIEC, le Conseil économique social et environnemental (CESE), l'Assemblée nationale - qui avait produit une commission d'enquête - se sont emparés de la question. Il y a eu une prise de conscience par de nombreux acteurs. Cette date marque un tournant après les multiples erreurs, l'amateurisme de ce triste épisode. Malgré tout, la canicule de 2003 aurait dû être un coup de semonce, mais le processus de casse du service public a continué.
Oui, les précédentes, comme celle de 1986, n'étaient pas de ce niveau-là. C'est comme si on avait passé la France au chalumeau, du Sud-Ouest à l'Alsace-Lorraine. Je pense qu'il faut faire évoluer une certaine idée du beau temps. Maintenant, pour moi, le beau temps, c'est la pluie.
Victor Castanet [qui a publié l'enquête « Les Fossoyeurs » en 2022, NDLR] l'a bien montré. La situation n'a pas beaucoup évolué depuis plus de vingt ans, avec une maltraitance dans les Ehpad. J'ai l'impression qu'on laisse les Françaises et les Français à l'abandon par rapport aux conséquences du réchauffement climatique.
« Les gens ont compris que la canicule, c'est dangereux. Les messages de prévention ont été diffusés correctement. »
Les gens ont compris que la canicule, c'est dangereux. Les messages de prévention ont été diffusés correctement. Les communes ont aussi été sensibilisées, et elles ont souvent réussi à nouer une proximité avec les populations les plus démunies. Cela donne de bons résultats. Par contre, l'hôpital reste la dernière roue du carrosse. Ce serait difficile, aujourd'hui, face à une forte canicule. On l'a vu avec le COVID, où les pouvoirs publics ont préféré arrêter la société car l'hôpital ne réussissait plus à faire face.
La disparition des insectes, la végétation qui manque d'eau… c'est épouvantable. Il faut prendre en compte les conséquences des canicules de manière globale, pas uniquement sous le prisme des risques qu'encourent les populations. Car si le réchauffement se poursuit, des maladies tropicales comme le paludisme, la dengue et le chikungunya vont arriver en France. Il y a une urgence à s'emparer du problème dans sa globalité et à ne pas le banaliser. Il faut, par exemple, revenir du bitume et remettre des pavés, qui prennent beaucoup moins la chaleur, dans les villes. Peindre plus de surfaces en blanc et repenser les toits : les toits en zinc, qui sont légion à Paris, transforment les immeubles en de véritables plaques de cuisson. De grandes politiques doivent urgemment être mises en place, car tout est imbriqué.