Le dérèglement climatique (re)devient la première préoccupation des citoyens et des experts
La 9e édition du "Future Risks Report" d’Axa, qui mesure et classe les risques émergents en fonction de leur perception, couronne le dérèglement climatique comme principale source d’inquiétude. Ce n’est pas la première fois, mais la pandémie avait éclipsé ce combat. Problème : les autorités publiques ne sont pas préparées pour y faire face.
La matérialisation des conséquences physiques du dérèglement climatique le hisse en tête des préoccupations des citoyens et experts, d'après Axa.
Chaque année, Axa publie une étude mondiale cartographiant les cinq risques (sur 25) qui pourraient avoir le plus d’impact sur la société au cours des cinq à dix prochaines années. 4 500 experts en risques issus de 28 pays et 20 000 personnes constituant un échantillon représentatif de 15 pays se sont prêtés à l’exercice.
Le premier enseignement du rapport, c’est que le risque climatique met tout le monde d’accord. Du côté des experts et du grand public, c’est lui qui remporte la majorité des suffrages. Avec 65% des votes, il (re)devient le risque le plus élevé identifié par les personnes interrogées. Renaud Guidée, directeur des Risques du Groupe Axa, nous confie que chaque année, ce sont 1,5 milliard d'euros d'indemnisation qui sont versés à des gens qui ont subi des catastrophes climatiques. Un montant en constante augmentation depuis plusieurs années, ajoute-t-il, et qui se justifie à cause du dérèglement climatique "mais aussi par la tendance des populations à s'installer dans les zones côtières, plus exposées aux conséquences de celui-ci comme les cyclones, les tempêtes ou les vagues de submersion marine."
Petite nouveauté : le dérèglement climatique se hisse en tête du classement dans toutes les régions du monde, y compris aux États-Unis. Une première. En 2021, seule l’Europe lui attribuait la première place.
Les citoyens et les experts s’accordent à dire que les aspects du dérèglement climatique qui les préoccupent le plus sont les risques physiques. Inondations, canicules, tempêtes, élévation du niveau de la mer… prennent le pas sur les questions de transition énergétique, par exemple.
Rien d’étonnant à cela selon Apostolos Voulgarakis, titulaire de la Chaire de recherche Axa sur le climat et les feux de forêt. Il témoigne de conséquences sociales et économiques "catastrophiques" liées aux récents incendies. Par ailleurs, le rapport souligne une plus grande prise de conscience des conséquences des conditions climatiques extrêmes, notamment en matière de migration forcée… et donc de tensions géopolitiques.
Ce n’est pas la première fois que le dérèglement climatique arrive en tête du rapport Axa. En 2018, les experts interrogés le plaçaient en risque principal à 63%. En 2019, cette proportion grimpait même à 67%. En 2020, avec le Covid-19, cette part chutait à 54%, derrière les pandémies et maladies infectieuses, pour remonter en 2021 à 56%, derrière les risques de cybersécurité.
Alors que les préoccupations liées au dérèglement climatique remontent, la confiance envers les autorités publiques pour y faire face baisse. Seuls 14% des experts et 27% du public estiment que les autorités sont bien préparées aux risques, contre respectivement 19% et 33% en 2021. Des chiffres que Renaud Guidée tient à nuancer. "La France a une très grande maturité sur ces sujets. Le régime de garanties catastrophes naturelles permet de protéger la population, par exemple."
Il reconnaît néanmoins que le système est loin d'être généralisé au niveau mondial, et que, bien souvent, "il faut que de grandes catastrophes se produisent pour qu'il y ait une prise de conscience des pouvoirs publics."
Ls experts ont été invités à se prononcer sur le type d’actions à mener par les pouvoirs publics. La proposition de partenariats public-privé a systématiquement recueilli le plus de suffrages.
Parmi les propositions dressées par les experts pour répondre au dérèglement climatique, on retrouve des investissements dans la prévention et l’atténuation des risques – notamment dans les infrastructures de protection. L'adaptation demeure en effet le parent pauvre de la finance climatique, les investisseurs s'étant principalement concentrés sur les infrastructures vertes comme les énergies renouvelables. Pourtant, de telles structures permettent de réduire considérablement les risques. "Il y a des exemples très précis, illustre Renaud Guidée. L'ouragan Ida, qui a sévi en 2021 en Louisiane, a fait beaucoup moins de dégâts que l'ouragan Katrina, pourtant de force équivalente, en 2005. Cela s'explique par les infrastructures de protection construites entre temps."
Il identifie trois pistes principales d'investissement : les mesures de protection, les normes de construction des bâtiments, et la répartition des zones d'installation.
Le programme de planification écologique du gouvernement, sobrement baptisé "France Nation Verte", ne détaille pas vraiment les investissements prévus. Le gouvernement mentionne le lancement d’un "chantier" qui doit permettre "de définir des trajectoires d’investissement crédibles et cohérentes". Reste à savoir si les infrastructures de protection mentionnées par les experts interrogés seront concernées.