En ville, les arbres favorisent aussi la biodiversité
Arbres et villes ne sont pas antagonistes ; du moins, ils ne le sont plus tout à fait. Ces dernières années, de nombreuses métropoles ont en effet mis en place des programmes ambitieux de plantations d’arbres, témoignant d’un véritable engouement pour le sujet. Il y a toutefois un paradoxe, puisque l’extension des villes continue de se faire au détriment des espaces naturels, entraînant la fragmentation des habitats et la disparition des espaces boisés, lesquels sont remplacés par des surfaces imperméables qui emmagasinent et irradient la chaleur.
L’arbre en ville est souvent présenté comme une « solution fondée sur la nature » permettant de rafraîchir les villes. Mais les arbres jouent également un rôle plus discret, et pourtant tout aussi fondamental : celui de soutenir durablement la biodiversité.
Pendant longtemps, cette dernière n’a été considérée que sous l’angle du nombre d’espèces présentes dans un environnement donné. Mais il est une autre dimension dont l’importance est de plus en plus reconnue : celle de la diversité des interactions entre les espèces.
Elles sont en effet à l’origine de l’évolution du vivant et de son adaptation aux contraintes environnementales. Et c’est aussi sur elles que pourraient se créer les « solutions fondées sur la nature ». Du chemin reste néanmoins à parcourir dans ce sens.
En ville, les arbres et les bois abritent une grande diversité d’organismes. Le lecteur citadin pensera peut être aux pucerons dont le miellat goutte sur le toit des voitures et des vélos garés sous les tilleuls, aux chenilles processionnaires qui inquiètent tant en ce début de printemps, ou aux étourneaux qui s’abritent la nuit dans les frondaisons (tant d’exemples existent !).
Tous ces organismes sont en interaction constante avec l’arbre et les uns avec les autres. Levez la tête sous un chêne, vous y verrez la trace du passage des insectes herbivores : les chenilles ont mangé le bord des feuilles, les pucerons et les punaises y ont percé de petits trous pour aspirer la sève. Mais s’il reste des feuilles à observer, c’est aussi que des prédateurs, notamment des oiseaux, ont attaqué ces insectes, assurant ainsi la protection de l’arbre.
Les arbres, les insectes herbivores et les oiseaux insectivores représentent une dimension de la biodiversité urbaine, et qui plus est d’une biodiversité dynamique.
De nombreux travaux de recherche ont par ailleurs démontré que l’urbanisation homogénéise la biodiversité : celle-ci est plus semblable entre deux villes d’une même région qu’entre une ville et sa campagne avoisinante. Avec des conséquences sur les interactions entre les organismes, et par extension sur la dynamique de la biodiversité et les services fournis aux citadins, qui sont encore mal comprises.
Il faut dire que l’urbaniste ne facilite pas la tâche de l’écologue ! De même que la ville n’est pas un désert biologique, ce n’est pas non plus un territoire homogène. La quantité d’arbres peut varier considérablement d’une zone à l’autre, ce qui peut avoir un effet très important sur la biodiversité qu’elle abrite.
Des chercheurs de l’Université d’État de Caroline du Nord ont par exemple montré que les zones moins arborées fournissent moins de ressources aux herbivores. Cela diminue leur abondance et par conséquent les dégâts causés aux arbres. Au contraire, des chercheurs de l’Université de Queensland en Australie ont mis en évidence que la préservation d’arbres adultes dans les rues permet de maintenir la diversité des oiseaux.
Nous avons étudié l’hétérogénéité de la biodiversité liée aux arbres urbains dans le cadre d’un projet de science participative mené au niveau européen.
52 écoles et 41 scientifiques ont échantillonné des feuilles de chêne dans 17 pays. Certains étaient en ville, d’autres à la campagne. En examinant les 18 060 feuilles envoyées par l’ensemble des partenaires du projet, nous avons pu étudier l’impact de l’urbanisation sur les insectes associés au chêne pédonculé (Quercus robur) dans la majeure partie de son aire de répartition en Europe.