COVID-19 : des signes neurologiques fréquents, parfois au premier plan

Publié le par Le quotidien du médecin via M.E.

Les patients atteints de Covid-19 ont souvent des manifestations neurologiques, révèle une étude rétrospective chinoise. Mais des neurologues rapportent aussi de très rares cas d’encéphalite aux États-Unis, de syndrome de Guillain-Barré et de myélite en Chine. Ce nouveau coronavirus serait-il neuro-invasif ?

Si les patients atteints de Covid-19 présentent typiquement des complications respiratoires, d’autres manifestations, notamment cardiaques mais aussi neurologiques, sont observées.

L'équipe de Ling Mao à Wuhan, épicentre de l'épidémie en Chine, donne un premier aperçu des manifestations neurologiques associées au COVID-19. Publiée dans le « JAMA Neurology » (1), leur étude rétrospective porte sur 214 patients hospitalisés pour COVID-19 modéré (59 %) ou sévère (41 %). Plus d’un tiers des patients (78/214) ont des manifestations neurologiques, allant de symptômes assez spécifiques (anosmie ou agueusie, myopathie, accident vasculaire cérébral) à des symptômes non spécifiques (céphalées, troubles de la conscience, vertiges ou épilepsie).

Sans surprise, les patients présentant une forme grave de COVID-19 et ayant souvent des comorbidités sont plus à risque d’accident vasculaire cérébral (5 %), de troubles de la conscience (15 %) et de myopathie squelettique (19 %). Enfin, de façon notable, de nombreux patients présentent d’emblée des symptômes neurologiques telles qu’anosmie/agueusie et myopathie. En contexte épidémique, les neurologues doivent penser au COVID-19 pour éviter le risque de transmission du coronavirus et traiter au plus vite. « Les futures études devront déterminer si les symptômes non spécifiques sont des manifestations de la maladie elle-même ou s’ils sont liés à une réponse inflammatoire systémique », indique le Dr Pleasure de l'université de San Francisco dans un éditorial.

Encéphalopathie hémorragique nécrosante aiguë

Aux États-Unis, des radiologues (2) ont décrit un premier cas d’encéphalopathie hémorragique nécrosante aiguë (EHNA) associée au COVID-19. La patiente âgée de 58 ans était arrivée aux urgences avec une altération de l’état de conscience après trois jours de fièvre avec toux et myalgies. Un test rapide a confirmé une infection par le SARS-CoV-2. Puis, l'imagerie par scanner et l'IRM ont établi le diagnostic. « Les signes radiologiques étaient typiques de l’EHNA, montrant des lésions thalamiques bilatérales et d'autres lésions multifocales symétriques dans la matière blanche et grise, avec des hémorragies et un rehaussement de contraste sans démyélinisation », commente le Dr Avindra Nath, directeur clinique du National Institute of Neurological Disorders and Stroke, l'une des branches des Instituts nationaux de la santé américains (NIH).

« Le signalement de ce cas est important car l’altération de la conscience est fréquente chez les patients COVID-19 qui sont en détresse respiratoire aiguë et elle est souvent attribuée à l'hypoxie ou à une défaillance multiviscérale. L’IRM cérébrale doit donc être envisagée chez ces patients pour rechercher des lésions cérébrales », souligne-t-il. L’EHNA est une complication rare des infections virales qui serait associée à « l’orage de cytokines » intracérébral.

Syndrome de Guillain-Barré et myélite

En Chine, l'équipe de Hua Zhao (3) a décrit un premier cas de syndrome de Guillain-Barré (SGB) associé au COVID-19. Il s’agit d’une femme de 61 ans qui a tout d’abord présenté des signes de SGB (faiblesse des jambes et grande fatigue) et une baisse des lymphocytes et des plaquettes. Elle était revenue cinq jours plus tôt de Wuhan. L’examen de conduction nerveuse a permis de confirmer la neuropathie démyélinisante (auto-immune) du SGB. Huit jours après la présentation initiale, la patiente a développé une maladie Covid-19 (fièvre, toux et signes radiologiques typiques des poumons). « Notre cas unique suggère une association possible entre le SGB et l’infection par le SARS-Cov-2. Il reste à savoir si la relation est causale. Davantage de cas sont nécessaires », précise le Dr Sheng Chen qui recommande toutefois la prudence en cas de SGB, avec protection et test rapide du coronavirus.

Sur le site de prépublication MedRxiv, une équipe de Wuhan (5) rapporte le cas d'une myélite aiguë chez un patient de 66 ans infecté par le SARS-CoV-2. Le patient a présenté une paralysie flasque brutale des membres inférieurs et une incontinence urinaire et anale et le diagnostic de myélite aiguë post-infectieuse a été retenu. Après un traitement combinant du ganciclovir, du lopinavir/ritonavir, de la moxifloxacine, de la dexaméthasone, des immunoglobulines humaines et de la vitamine B12 (mécobalamine), la paralysie des membres inférieurs s'est améliorée et le patient a pu être transféré vers un centre de rééducation.

Le nouveau coronavirus serait-il neuro-invasif ?

Le SARS-CoV-2 et le SARS-CoV sont similaires et infectent les cellules par le même récepteur (ACE2), lequel est présent sur les neurones et dans le cerveau. L’infection par le SARS-CoV au niveau cérébral a été constatée chez certains patients en 2002 et 2003. Étant donné le potentiel neuro-invasif du SARS-CoV2, une équipe chinoise (4) soulève la possibilité que l’invasion du tronc cérébral puisse jouer un rôle dans la détresse respiratoire des patients atteints de COVID-19.

« Il a été démontré que les coronavirus de souris se propagent par voie neuronale à partir des voies olfactives vers le tronc cérébral et à partir du poumon de façon rétrograde vers le tronc cérébral inférieur, note le Dr Avindra Nath. L’anosmie est un symptôme très courant du COVID-19, suggérant l'invasion du nerf olfactif. Cependant, des études autopsiques seront nécessaires pour déterminer si le SRAS-CoV-2 est réellement neuro-invasif ».

(1) L. Mao et al., JAMA, 10.1001/jamaneurol.2020.1127 , 2020N.
(2) Poyiadji et al., Radiology, 10.1148/radiol.2020201187, 2020H.
(3) H Zhao et al., The Lancet Neurology, 10.1016/S1474-4422(20)30109-5, 2020Y-C
(4) Li et al, Journal of Medical Virology, 10.1002/jmv.25728, 2020
(5) K Zhao et al. preprint MedRxiv. doi.org/10.1101/2020.03.16.20035105

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