Immobilier : les limites du DPE

Publié le par Les Echos via M.E.

Une étude du Conseil d'analyse économique, que « Les Echos » ont pu consulter, s'est penchée sur la fiabilité du très contesté diagnostic de performance énergétique (DPE). Avec des enseignements instructifs.

Nicolas Guyonnet/Hans Lucas/AFP

Le DPE attribue aux logements une étiquette de A à G, selon qu'ils sont plus ou moins énergivores et émetteurs de gaz à effet de serre.

Le débat est loin d'être seulement technique. La performance énergétique des bâtiments et sa juste mesure sont un instrument essentiel pour les politiques publiques de l'environnement, car le logement fait partie des sources importantes d'émissions de CO2 en France (autour de 20 %).

Certes, des progrès ont été faits dernièrement : chez les particuliers, les émissions liées au chauffage, à l'eau chaude et à la cuisson ont baissé de 7,5 % sur les neuf premiers mois de l'année 2023. Mais le plus dur reste à faire, d'où l'intérêt d'avoir de bons indicateurs entre les mains.

Le Conseil d'analyse économique (CAE), un centre d'étude rattaché à Matignon, s'est penché sur la fiabilité du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui attribue aux logements une étiquette de A à G, selon qu'ils sont plus ou moins énergivores et émetteurs de gaz à effet de serre. Mis en place en 2006 et révisé en 2021, cet outil est très décrié par les professionnels de l'immobilier et par les particuliers qui le jugent peu fiable.

L'effet rebond

Le rapport du CAE, que « Les Echos » ont pu consulter, devrait éclairer les pouvoirs publics. Son originalité est de s'appuyer sur des données bancaires, ce qui permet une évaluation au plus près des consommations d'énergies des ménages. Les auteurs ont notamment voulu mettre en valeur l'écart plus ou moins important entre consommation réelle et consommation théorique DPE.

Cet écart s'explique par des biais propres au calcul du DPE mais aussi par un effet comportemental : les ménages ont tendance à adapter leur consommation en fonction du confort énergétique de leur logement. C'est l'effet rebond : plus mon logement est bien isolé, plus la température moyenne de mon appartement sera élevée.

Progressivité de la consommation d'énergie réelle contre consommation théorique, par étiquette de DPE

On surestime ainsi les économies d'énergie réalisées après une rénovation énergétique. Selon le CAE, l'ajustement comportemental explique les deux tiers de l'écart mesuré entre consommation réelle et consommation théorique du DPE. « Une grande partie des politiques publiques sont décidées sur la base de modèles théoriques qui ne tiennent pas suffisamment compte des comportements réels des ménages. Une meilleure connaissance empirique de ces ajustements devrait permettre d'adapter au mieux les outils et les incitations à mettre en place », note Gabrielle Fack, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine et co-auteur du rapport.

L'intérêt du rapport, qui s'appuie sur un échantillon de 178.110 ménages, est de pouvoir mettre des chiffres précis derrière ce que l'on appelle l'« Energy Performance Gap ». Premier constat : le DPE surestime largement la consommation d'énergie des logements les moins performants (à partir de la lettre D). Selon les calculs du CAE, la hausse réelle de la consommation par mètre carré est de 86 % entre les logements les plus performants (A et B) et les moins performants (G), soit un taux six fois plus faible que celui prédit par la consommation théorique DPE.

Raisons de l'écart entre consommation théorique du DPE et consommation réelle
Caractéristiques sociodémographiques

A noter également : la progressivité s'atténue à mesure que la superficie du logement augmente. « Les logements de moins de 30 m2 ont en moyenne une consommation réelle nettement supérieure à leur consommation prédite », notent les auteurs de l'étude. Ce qui contredit les professionnels de l'immobilier selon lesquels le DPE pénalise les petites surfaces.

Enfin, les caractéristiques sociodémographiques (âge, revenu, composition du ménage) sont aussi déterminantes : elles représentent jusqu'à 45 % de la variance totale observée. En somme, la consommation des ménages dépend autant des revenus que de l'étiquette DPE. Les ménages les plus aisés ont une consommation largement supérieure à la prédiction, alors que la consommation réelle des ménages les plus modestes est, elle, inférieure.

Ces résultats plaident pour une refonte du DPE, mais pas forcément dans le sens de ce qu'attendent les professionnels de l'immobilier. Le débat devrait être tranché en ce début d'année.

Source : https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/immobilier-les-limites-du-dpe-2045321

Publié dans Habitat, Energie

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