Eoliennes : la France n'a pas les moyens de ses ambitions, selon la Cour des comptes

Publié le par M.E.

Les Sages estiment que l'administration doit revoir son organisation pour réduire les délais de développement et accélérer la production. Ils préconisent aussi un réexamen périodique des soutiens.

Le premier parc éolien en mer en France a été inauguré l'an dernier, au large de Saint-Nazaire. (STEPHANE MAHE/POOL/AFP)

La France n'est pas taillée pour tenir ses objectifs en matière de production d'électricité d'origine éolienne. C'est en substance le message de la Cour des comptes, dans un rapport qui doit être publié ce mardi.

Les « sages » partent du constat que les capacités éoliennes développées dans l'Hexagone ne représentaient que 20,9 GW, soit 80 % seulement de l'objectif fixé dans la dernière programmation pluriannuelle de l'énergie.

Le cancre de l'Europe

La France est ainsi le seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 2018, ce qui l'oblige à acheter des « droits statistiques » à d'autres pays, qui ont, eux, atteint ces objectifs. Le pays ne s'en est pas encore acquitté mais cela représenterait environ 500 millions d'euros par an, selon les derniers chiffres du marché. Et cela n'empêcherait pas d'éventuelles amendes, liées à des procédures contentieuses…

Plusieurs facteurs expliquent ce retard, selon la Cour des comptes. D'abord, le cadre réglementaire, complexe, ne favorise pas le développement rapide de la filière.

« Les servitudes réglementaires, qui visent à interdire ou limiter les interférences avec les radars et les zones de survol des avions civils et militaires, limitent le foncier disponible et la hauteur des éoliennes. Seulement 20 % du territoire est ainsi disponible pour l'éolien », souligne le rapport.

Sept à dix ans de délais

Par ailleurs, le délai moyen pour obtenir une autorisation de construire un parc est de sept ans pour l'éolien terrestre et dix ans pour l'éolien maritime.

« C'est deux fois plus que dans certains pays voisins », explique-t-on à la Cour des comptes, qui salue toutefois les avancées permises par la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables .

Les magistrats préconisent surtout une meilleure organisation des services de l'Etat. « Aujourd'hui, l'action est menée par plusieurs administrations. La coordination interministérielle n'est pas encore structurée », soulignent-ils. Or, les objectifs élevés de l'Elysée, en matière d'éolien en mer notamment, nécessitent un changement d'échelle.

« Mode projet »

« La création de 50 parcs (d'ici à 2050, NDLR) a la nature d'un grand projet industriel, mais l'organisation actuelle de quelques services de l'Etat en 'mode projet' est en décalage avec ces ambitions », indique le rapport, qui penche pour un « pilotage unifié », à défaut d'être unique. Les premiers retours du gouvernement sur la question, au cours des échanges qui ont nourri ce rapport, laisseraient entendre, en outre, que la question n'est pas prioritaire…

La Cour des comptes regrette aussi la baisse du nombre de candidats aux appels d'offres, favorisée pendant longtemps par le système du « guichet ouvert », qui offrait des conditions attractives. Avec la limitation de ce dernier, les sages de la rue Cambon espèrent que les procédures d'appels d'offres vont se généraliser et contribuer au développement de la filière terrestre.

« Vigilance » sur les enchères

Le rapport préconise aussi un réexamen périodique des soutiens et appelle la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à se pencher sur l'économie des parcs éoliens.

« Depuis l'étude réalisée par la CRE en 2014, ni cette dernière, ni la DGEC, ni EDF OA, ni l'Ademe n'ont conduit d'analyses sur des données réelles et comptables provenant d'un échantillon suffisant de parcs. » Et « aucun contrôle de l'administration sur les comptes des parcs éoliens aidés n'est intervenu. »

Il s'agirait surtout de mettre fin aux rentabilités excessives et d'éviter les effets d'aubaine comme ce fut le cas l'an dernier. Les sorties de contrats anticipées auraient provoqué une perte de plus de 700 millions d'euros pour l'Etat. Mais en y remédiant, celui-ci a évité des pertes encore plus importantes : le risque avait été évalué par la CRE entre 6 et 7 milliards d'euros. La Cour des comptes évoque, par exemple, des « clauses de rendez-vous » ou encore des mécanismes de partage de la rentabilité, qui minimiseraient les risques pour l'Etat.

Enfin, elle se veut prudente sur le niveau de prix des derniers appels d'offres pour l'éolien en mer, qui a valu des critiques de la part des concurrents d'EDF, accusé de proposer un tarif peu viable. « Il n'est pas simple de tirer des conclusions des derniers appels d'offres et du premier parc en service . Mais ce sera forcément un point de vigilance dans le cadre du développement de 50 parcs », répond-on à la Cour des comptes, tout en soulignant que les tarifs ne sont pas si éloignés de ceux de certains projets en mer du Nord.

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/eoliennes-la-france-na-pas-les-moyens-de-ses-ambitions-selon-la-cour-des-comptes-1987547

Publié dans Energie

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