Les 10 mensonges les plus courants sur la voiture en France
Remettre en cause la place de la voiture individuelle en France, c’est parfois comme critiquer une religion. C’est s’assurer un torrent d’insultes, des messages comme “et ma grand mère tu veux qu’elle fasse 60km en vélo !”
Et pourtant, il va bien falloir s’y pencher. Les transports représentent 32 % des émissions territoriales de notre pays, et les émissions ont augmenté de +2.9 % en 2022 (données provisoires). C’est catastrophique. Parmi les principales raisons, l’électrification trop lente du parc automobile, et le poids des véhicules. Les constructeurs continuent de vendre des SUV bien trop grands et lourds, à l’encontre de nos objectifs climatiques et des recommandations des experts sur le sujet.
Depuis quelques années, certaines idées reçues, voire des mensonges, reviennent quasiment quotidiennement dans la presse et dans la bouche de certains politiques. Cet article revient sur les 10 mensonges les plus courants. Il y aura une réponse ‘courte’, et une ‘réponse longue’, avec probablement un article spécifique à lire sur le sujet.
Version courte : c’est faux !
Pour résumer l’effet des autoroutes sur les émissions de CO2 des transports, on peut reprendre les impacts sur les 5 leviers d’action de la transition énergétique des transports, cités dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Il apparaît ainsi que l’effet des autoroutes est négatif sur 3 des 5 leviers de transition :
- Demande de transport : de nouvelles infrastructures et la hausse de vitesse qu’elles entraînent, ont un effet à la hausse sur les km parcourus ;
- Report modal : l’infrastructure routière favorise l’usage de modes routiers fortement émetteurs, encourageant un report défavorable depuis des modes plus vertueux ;
- Efficacité : ces nouvelles infrastructures ne réduisent pas forcément les embouteillages, et encouragent au contraire des vitesses importantes, plus émettrices par kilomètre parcouru
Enfin, sur le levier d’intensité carbone ou de décarbonation de l’énergie, les effets sont plus indirects, mais les circulations rapides (pour les véhicules électriques) et les hausses de consommation (carburants liquides, gazeux, hydrogène) qu’entraînent ces infrastructures auront plutôt tendance à retarder ou à limiter les gains liés à une décarbonation de l’énergie déjà trop lente.
S’aligner sur l’objectif de neutralité carbone pour le secteur des travaux publics devra donc aussi s’accompagner d’une baisse aussi rapide que possible des travaux de nouvelles routes soutenant l’étalement et l’émiettement urbain (et les hausses de distance qui en résultent), et aussi … l’abandon des projets de créations et d’élargissements d’autoroutes. Les Pays de Galles et l’Autriche l’ont fait, pourquoi pas la France ?
Version longue : l’article d’Aurélien Bigo sur Bon Pote Autoroutes et climat : l’urgence d’un virage à 180°
Version courte : non, le passage à 30 km/h en ville n’augmente pas la pollution ! Et c’est comme souvent, compliqué.
De nombreux médias (Le Point, Turbo, Auto Plus, France Bleu…) ont prophétisé que cela entraînerait une hausse de la pollution émise par les véhicules en circulation. A l’appui, une étude publiée par le CEREMA mettant à jour des courbes d’émissions de polluants par kilomètre en fonction de la vitesse moyenne des véhicules routiers.
Mais le changement de la limitation de vitesse en ville modifie les conditions, en fluidifiant le trafic et en évitant des accélérations inutiles. Ainsi la littérature nous dit qu’il n’y a pas de réponse simple sur le sujet du passage de 50 à 30 km/h, comme le montre une méta-analyse de ADEME sur les Impacts des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit. Certaines études concluent à une hausse des émissions des véhicules, d’autres à une baisse.
Aussi le passage à 30 km/h en ville a d’autres co-bénéfices. L’impact des baisses de vitesse sur le report modal peut être au moins de deux natures. En rendant la voiture moins attractive avec une vitesse maximale plus faible, cela encourage à utiliser les autres moyens de déplacement.
Mais surtout, dans le cas du 30 km/h, c’est le rôle de sécurisation des mobilités actives (marche, vélo, etc.) qui permet de favoriser le report modal, et ainsi diminuer les volumes de trafic automobile et les émissions associées.
Version longue : l’article Non, le passage à 30 km/h en ville n’augmente pas la pollution !
Version courte : c’est FAUX, et de loin le sujet qui concentre le plus de désinformation en France ! Il existe même un article dédié sur le sujet sur Bon Pote.
En France, les émissions sont de l’ordre de 2 à 5 fois plus faibles pour la voiture électrique que pour la voiture thermique (essence ou diesel).
La voiture électrique est plus émettrice de gaz à effet de serre sur la phase de production du véhicule. Ce surplus d’émissions est d’environ +50 % (mais varie d’environ +20 % à plus d’une multiplication par 2 selon les études) et est essentiellement dû à la fabrication de la batterie. En revanche, les émissions à l’usage de la voiture électrique sont facilement 15 fois plus faibles que pour le thermique en France.
En France et pour l’électrique, le gros des émissions provient donc de la production du véhicule. Et c’est là une différence majeure avec les véhicules thermiques en ce qui concerne les émissions sur leur cycle de vie. Pour les véhicules au pétrole, c’est plus des trois quarts des émissions de gaz à effet de serre qui sont liés à l’usage des voitures, c’est-à-dire à la production et la combustion des carburants.
Pour l’électrique, au contraire, c’est de l’ordre des trois quarts de l’impact climatique qui se concentrent sur la production du véhicule, tandis que l’usage émet peu de CO2. Cette infographie résume les principales informations à retenir :
Version longue : l’article complet sur la voiture électrique d’Aurélien Bigo : La voiture électrique, solution idéale pour le climat ?
Version courte : c’est parfois vrai, mais ce n’est ni une généralité, ni une fatalité !
La marche ou le vélo étaient majoritaires avant le milieu du siècle dernier et sont aujourd’hui très largement minoritaires. Historiquement, le report d’une mobilité majoritairement à pied vers une mobilité dominée par la voiture s’est faite en remplaçant des trajets de l’ordre de 1 km à pied en moyenne par des trajets d’environ 10 km en voiture. Cela a entraîné une explosion du nombre de kilomètres parcourus par personne.
La voiture est utilisée pour 72 % des trajets domicile-travail. Mais même pour les Français dont le lieu de travail se trouve à moins de 2 km de leur domicile, 53 % y vont en voiture. Il est probablement possible de réduire facilement ce chiffre.
Aujourd’hui, c’est avant tout le manque d’infrastructures qui démotive les Français. C’est vrai pour le vélo, mais aussi pour les autres types de transport. Un enjeu de taille relevé par le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport annuel 2023, qui appelle également à investir significativement dans les transports publics.
Version longue :
- Le vélo est le futur de nos mobilités (1/5)
- Faut-il vivre en ville ou à la campagne pour être écolo?
Version courte : c’est faux, et heureusement pour nous !
L’explosion des SUV a moins de vingt ans. Ils représentaient moins de 10 % des ventes en 2010 et 5 % en 2008. De plus, dans une étude de l’ADEME, nous pouvons voir que la possession d’un SUV est bien plus fortement corrélée aux revenus qu’au lieu de vie :
Finalement, être propriétaire d’un SUV est davantage un marqueur social qu’un besoin indispensable. Quand on regarde le graphique ci-dessus, on se demande bien l’utilité d’un SUV à Paris. Sauf erreur, les routes de montagne n’y sont pas très nombreuses…
Version longue : le livre Airvore, ou le mythe des transports propres, de Laurent Castaignède, et Sociologie de l’automobile de Yoann Demoli et Pierre Lannoy
Version courte : nous sous-estimons les effets négatifs de la voiture sur la santé.
La pollution de l’air provenant des véhicules thermiques n’est pas le seul effet négatif de la voiture sur la santé :
- Les nuisances sonores : l’Agence de la transition écologique (Ademe) a même récemment estimé que les coûts sociaux attribuables aux nuisances sonores (dont 55 % provient du trafic routier) seraient supérieurs à ceux attribuables à la pollution atmosphérique.
- Le manque d’activité physique : les infrastructures de transports sont majoritairement prévues pour la voiture et délaissent les autres modes de déplacement qui permettent une activité physique.
- L’aménagement du territoire favorisant la voiture consomme énormément d’espace, avec pour conséquences l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité, etc.
Version longue :
- Cycling for climate and public health: a missed opportunity for France
- Article de Kévin Jean et Aurélien Bigo : Nous sous-estimons les effets négatifs de la voiture sur la santé
Version courte : c’est un peu plus compliqué que ça. D’après Aurélien Bigo, la voiture s’est imposée dans nos mobilités, notre vie, nos territoires. Elle a indéniablement permis d’accéder à de nouvelles opportunités, de vivre à la campagne tout en travaillant en ville, de partir en vacances, d’élargir nos horizons.
Malheureusement, la promesse initiale de liberté s’est souvent transformée en dépendance, voire en addiction, quand le réflexe de la voiture empêche d’envisager les modes alternatifs, même quand ce serait possible. Tout cela pour se retrouver coincé(e) dans les embouteillages…
De plus, l’usage excessif de la voiture prive de liberté de nombreuses autres personnes (que les enfants jouent dans la rue, la liberté de faire du vélo à la campagne en sécurité, etc.)
Plus simplement : combien de millions de Françaises et Français sont dépendant(e)s de leur voiture et aimeraient avoir une alternative ?
Version longue : Le livre Voitures, Fake or not ? d’Aurélien Bigo chez Tana Editions
Source : https://bonpote.com/les-10-mensonges-les-plus-courants-sur-la-voiture-en-france/