Espèces envahissantes : l'IPBES veut désamorcer la bombe à retardement
L'équivalent du GIEC pour la biodiversité incite les Etats à se saisir de la question des espèces exotiques envahissantes. Les scientifiques proposent des pistes pour lutter contre ce fléau planétaire.
Des mesures simples - comme verser de l'insecticide sur les cargaisons qui ont traversé des continents ou les mettre en quarantaine - se révèlent efficaces.
L'IPBES sonne l'alerte contre la menace silencieuse des espèces exotiques envahissantes. L'équivalent du Giec pour la biodiversité publie un rapport très attendu sur la question pour « combler les lacunes critiques en matière de connaissances, soutenir les décideurs et sensibiliser le public », souligne Helen Roy qui copréside la publication. Car si la situation est critique , elle n'est pas irrémédiable à condition de s'en saisir rapidement, préviennent les scientifiques.
Jusqu'à présent, les pays ont globalement ignoré cette menace. Si 80 % des Etats ont fixé des objectifs en matière de lutte contre les espèces envahissantes, seuls 17 % d'entre eux disposent de lois spécifiques, déplore le rapport. A l'image de la France qui « ne dispose d'aucun cadre légal sur la vente dans l'Hexagone de plantes en provenance de Tahiti par exemple », relève Franck Courchamp, directeur de recherche au CNRS spécialiste des questions de biodiversité.
Par ailleurs, moins d'un pays sur deux (45 %) consent à engager des investissements pour enrayer ce fléau. Pourtant, l'IPBES insiste sur la nécessité de mettre en place des mesures pour freiner la propagation des espèces exotiques envahissantes. « La bonne nouvelle, c'est que, pour presque tous les contextes et toutes les situations, il existe des outils de gestion, des options de gouvernance et des actions ciblées qui fonctionnent réellement », se réjouit Anibal Pauchard, coprésident de l'évaluation.
« La prévention est absolument la meilleure option, la plus rentable », constate le panel international d'experts réunis sous l'égide d'ONU. Des mesures simples - comme verser de l'insecticide sur les cargaisons qui ont traversé des continents ou les mettre en quarantaine - se révèlent efficaces.
Mais une fois que ces espèces sont importées, des solutions restent possibles. Les scientifiques constatent qu'un contrôle de ces espèces permet de les détecter rapidement et d'agir vite. Le rapport cite le succès des confinements ou de la lutte biologique.
L'éradication peut aussi fonctionner, comme pour le lapin de garenne ou le rat noir en Polynésie française. Cette solution n'est toutefois pas toujours possible, ni bien comprise par le grand public. A ce titre, il est nécessaire de sensibiliser les citoyens pour en faire des alliés de cette lutte, estime le rapport.
« Ce qu'il faut, c'est une approche intégrée spécifique au contexte, à travers et au sein des pays et des différents secteurs concernés », soulignent les auteurs. Une instance internationale pourrait mieux gérer ces invasions.
En effet, si la plupart de ces espèces sont involontairement introduites, ce n'est pas le cas pour certaines à l'image de la coccinelle asiatique en Europe. Elle devait initialement lutter contre les pucerons mais elle est devenue une concurrente des coccinelles locales.
Une meilleure coordination entre différents secteurs, que ce soit le commerce, le transport, l'agriculture ou la santé est aussi encouragée. « Il faut mener des politiques internationales et intersectorielles », lance Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l'IPBES. Sur ces questions, « il faut que l'OMS, la FAO, l'ONU et les organismes internationaux tissent des liens », ajoute-t-elle.