TVA, taxe sur l'électricité, droits de péage : voilà pourquoi le train est deux fois plus cher que l’avion (1/5)
Si le train présente des avantages flagrants en termes de bilan carbone, ses prix peuvent décourager même les usagers les plus motivés. Et pour cause : en France et plus largement en Europe, le transport ferroviaire ne bénéficie pas des mêmes facilités que l’avion. Une situation dénoncée dans plusieurs rapports. Cet été, Novethic s'interroge sur les barrières à lever pour faire du train le grand mode de déplacement du futur.
Pour voyager bas-carbone cet été, rien de tel que le train. Pourtant, le transport ferroviaire, dont les tarifs donnent parfois des sueurs froides aux usagers, peine encore à concurrencer les compagnies aériennes qui vantent au travers de campagnes marketing massives leurs prix bon marché. Résultat, le trafic aérien européen frôle ces derniers mois les records enregistrés avant la pandémie, alors que son impact climatique atteint jusqu’à 80 fois celui du train. Pour mieux comprendre cette dynamique, Greenpeace a publiée le 20 juillet dernier une étude comparant les tarifs ferroviaires et aériens pour une centaine de trajets.
Et ses conclusions ne laissent pas de place au doute. "Voyager en train est en moyenne deux fois plus cher qu’en avion en Europe" rapporte l’ONG, qui pointe particulièrement du doigt les compagnies aériennes low-cost. Avec des prix extrêmement bas, ces dernières proposent des liaisons "presque dans tous les cas moins chères que le train". L’itinéraire Barcelone-Londres remporte ainsi la palme de l’écart de prix le plus important. Un billet de train entre ces deux villes vous coûtera, pour une même date, jusqu’à 30 fois plus cher en train qu’en avion.
En France, un trajet par rail revient en moyenne 2,6 fois plus cher qu’un voyage par les airs. Par exemple, l’itinéraire entre Paris et Milan affiche des tarifs près de trois fois inférieurs en avion comparé au train. Empruntée par plus de 2 millions de personnes, cette liaison aérienne a engendré environ 175 000 tonnes de CO2 en 2019, souligne Greenpeace. Mais comment expliquer ce désavantage ? Du côté du train, une partie de la réponse réside dans les taxes et droits de péages dont doivent s’acquitter les voyageurs et qui pèsent lourd sur le budget.
Les péages français représentent environ 40 % du prix d’un billet de TGV. Avec un coût de 9 euros du kilomètre pour les trains à grande vitesse, ils sont parmi les plus chers d’Europe et défavorisent en particulier les trajets longs. "Il y a un problème de compétitivité : l’avion peut facilement atteindre des longues distances sans que cela pèse sur son business model, alors que pour le train, plus on va loin, plus cela va coûter cher", dénonce auprès de Novethic Victor Thévenet, Rail Coordinator au sein de Transport & Environnement (T&E). Les péages devraient par ailleurs augmenter dans les trois prochaines années en réponse "au contexte inflationniste", selon l'Autorité de régulation des transports.
Versée à SNCF Réseau, cette redevance permet en effet de "financer l'infrastructure et l'ensemble du service qui va avec", explique Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs interrogé par Les Échos. Si d'autres pays européens subventionnent les gestionnaires de réseau, la France a fait le choix de faire reposer ce coût sur les compagnies ferroviaires. "En tant que transport du quotidien, bas carbone et public, le train mériterait d’avoir un avantage sur ces péages", avance Victor Thévenet. "L’État pourrait les alléger pour permettre d’accroitre l’offre, de proposer des billets moins chers et in fine de redynamiser des lignes sous-utilisées, comme l’axe Perpignan-Barcelone", ajoute l’expert.
En parallèle, lors de l’achat d’un billet de train, les usagers doivent payer la TVA qui représente 10 % du prix. Une taxe qui ne s’applique pas aux vols internationaux. Autre obstacle pour le transport ferroviaire, l’électricité utilisée pour le fonctionnement du matériel roulant est elle aussi taxée à hauteur de 20 %, ce qui n’est pas le cas du kérosène employé pour propulser les avions. Ces exemptions ont d’ailleurs fait l’objet d’une étude publiée le 12 juillet dernier par T&E. D’après l’ONG, cette fiscalité "avantageuse" a représenté en 2022 un manque à gagner de 4,7 milliards d’euros pour l’État français. Si les billets d’avions sont tout de même assujettis à plusieurs taxes, elles restent "minimales".
"C’est un choix politique qui a été fait d’avantager le secteur aérien", regrette Victor Thévenet. Pour inverser la tendance, entraîner "une baisse de la demande et une réduction des émissions de CO2", T&E propose d’augmenter les taxes sur les billets les plus onéreux, de première ou classe affaire, allant jusqu’à 864 euros pour les vols en dehors des frontières européennes. De son côté, l’UE considère une taxation du kérosène qui permettrait une réduction de 6 à 15% des émissions du secteur aérien. Enfin, Greenpeace appelle à la création d’un ticket climat ou encore à la relance du train de nuit pour entraîner une nouvelle dynamique ferroviaire.