Retour du train de nuit : une relance semée d'obstacles (3/5)
Enfin la relance du train de nuit ! Ce roi de la longue distance, bien plus écologique que l'avion, revient en France. Mais la SNCF comme l'État doivent relever de nombreux défis pour transformer l'essai. Cet été, Novethic s'interroge sur les barrières à lever pour faire du train le grand mode de déplacement du futur.
La relance du train de nuit, voulue par le gouvernement est enfin là, après un recul drastique en 2016.
De nouvelles dessertes pour les trains de nuit feront leur apparition en décembre 2023. La ligne Paris - Aurillac nocturne complètera l'offre de jour qui dure au minimum 6 heures. Également, la ligne de nuit Paris - Perpignan se dotera d'un crochet vers plusieurs villes maritimes. Pour le Paris - Pau, il faudra attendre 2024.
La relance voulu par le gouvernement est enfin là, après un recul drastique en 2016. La raison est écologique. Selon un rapport publié en 2021 par la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer (DGITM), le report modal vers le train de nuit pourrait économiser 95 % de CO2 par rapport à des trajets en avion et en voiture.
Le rapport juge que "le potentiel de déplacements en France de longue distance, au-delà de 600 kilomètres" est "important". "Le train de nuit fait gagner du temps et économiser une nuit d'hôtel, quand on veut arriver tôt", explique à Novethic le collectif Oui au train de nuit. La nouvelle ligne Paris-Nice se targue ainsi d'un remplissage moyen de 80 % en 2022.
Mais pour faire durer la relance, des investissements importants sont nécessaires dans le matériel roulant. Les trains de nuit actuels, des wagons "Corail" des années 1980 rénovés, "ne fonctionneront que jusqu'en 2030, guère au-delà", explique le collectif Oui au train de nuit. En France, l'État se charge de cet investissement. Il devrait atteindre "à peu près 300 wagons", a annoncé en 2022 Clément Beaune, au lieu des 600 proposés en 2021 dans le rapport de la DGITM. Un choix que regrette le collectif Oui au train de nuit : "comme tous les transports publics, le train de nuit a besoin de financements". Actuellement, les voyageurs des trains de nuit paient environ la moitié du coût réel, contre un quart pour les TER et la totalité pour les TGV, selon Les Echos.
Des progrès peuvent aussi être faits sur les coûts d'exploitation. Selon la DGITM, il est possible de faire mieux que par le passé. Le rapport propose plusieurs solutions pouvant réduire de 25 % les coûts. Parmi les préconisations pour y arriver se trouve l'augmentation de la longueur moyenne des déplacements de 46 %. Cela ferait passer les trajets à 1 000 kilomètres en moyenne contre 624 auparavant. Contactée par Novethic à ce sujet, la SNCF n'a pas souhaité répondre à nos questions.
En plus de cela, les défenseurs du train de nuit prônent des mécanismes financiers plus avantageux, à l'image de l'avion. "On pourrait abaisser les péages, mais il faudrait alors compenser la perte de revenu pour le réseau par d'autres subventions", nuance le collectif Oui au train de nuit. Toutefois, "il y a des coûts directs du rail à maintenir mais aussi d'autres qui ne sont pas liés au réseau", déplore Victor Thévenet Rail, coordinateur au sein de Transport & Environnement (T&E).
Autre difficulté, l'organisation du trafic. Les trains de nuits entrent en concurrence avec les nombreux travaux effectués sur les voies, en majorité la nuit. "Il faut par exemple réaliser des détours ou des changements d'horaires, ou encore rallonger la durée des travaux, ce qui peut aussi coûter plus cher", explique Victor Thévenet.
Reste le sujet de la communication internationale. Certaines lignes ont été relancées, mais des progrès importants peuvent encore être réalisés. "Il n'y a pas d'entité européenne de gestion du train de nuit. C'est d'abord réfléchi par pays, puis de manière transfrontalière. Or les calendriers sont parfois incompatibles", analyse le spécialiste du rail. Une collaboration pourrait avoir de nombreux effets vertueux. "Réaliser des achats groupés au niveau de l'Union Européenne pourrait aider de nombreuses entreprises", imagine-t-il.