"Le ticket climat ouvrirait la voie à une mobilité populaire et décarbonée", Karima Delli, eurodéputée Les Verts (2/5)
Imaginez que vous puissiez voyager à travers le pays en transports en commun grâce à un abonnement illimité. Une idée folle, non ? Pas vraiment. Karima Delli, eurodéputée Les Verts, présidente de la Commission transports et tourisme du Parlement européen, milite pour instaurer un "Ticket climat" en France, calqué sur le modèle de son voisin d'outre-Rhin, qui l'a instauré en mai dernier. Cet été, Novethic s'interroge sur les barrières à lever pour faire du train le grand mode de déplacement du futur.
La France prendra-t-elle le train en marche ? En 2021, l’Autriche a adopté le "ticket climat", un abonnement offrant un accès à la quasi-totalité des transports en commun. Deux ans plus tard, en mai 2023, l’Allemagne lui a emboîté le pas. En France, l’idée séduit, à tel point qu’une pétition pour l’instaurer à l’échelle du territoire nationale a été lancée en juin dernier. Elle a déjà récolté plus de 36 500 signatures.
Dans un entretien récemment donné au média Brut, le ministre des Transports Clément Beaune s'est également dit séduit par ce projet de pass unique et se donne d'ailleurs deux ans pour que le pays se dote d'"un billet ou une appli pour les transports, qu'on prenne un TER, un transport de type RER en Île-de-France, le métro de la RTM à Marseille ou par exemple qu'on recharge aussi sur une borne électrique". Et concernant l'idée d'un tarif unique, "je souhaite qu'on s'y engage aussi. C'est un peu de boulot, l'Allemagne a mis un an à le faire, donc on va essayer de la faire dans les prochains mois", a-t-il précisé.
Pour Novethic, l’eurodéputée du groupe Les Verts, présidente de la Commission transports et tourisme Karima Delli, revient sur cette initiative "d’importance environnementale et sociale", prise avec l’eurodéputé Raphaël Glucksmann et le député François Ruffin.
Pourquoi la France devrait également mettre en place un ticket climat, comme ont pu le faire avant elle ses voisines, l’Allemagne et l’Autriche ?
Karima Delli : Ce ticket climat est avant tout une nécessité. En France, le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre. Il représente environ 30 % de nos émissions. Nous le savons, mais nous n’arrivons pas pour autant à les réduire. Or le train peut être un merveilleux moyen d’action contre le dérèglement climatique. Il peut aussi transformer notre rapport à la mobilité.
Ce n’est pas un simple abonnement illimité à tous les transports en commun, c’est aussi un levier d’importance environnementale et sociale. Il faut notamment en finir avec la France des villes et la France des champs. Nous avons d’un côté des centres-villes ultra-connectés et de l’autre, des territoires ruraux confinés où les habitants n’ont pas d’autres solutions que de prendre la voiture, pour ceux qui en ont une. Cette fracture territoriale est un désastre social puisqu’elle prive l’accès d’une partie de la population aux bassins d’emploi, aux infrastructures médicales, ou à la culture. Donc le ticket climat permet à la fois de redonner un accès à la mobilité populaire et décarbonée, et de mettre fin au tout-voiture.
En quoi consiste concrètement cette proposition ?
K. D. : Le ticket climat n’est pas juste un slogan, nous proposons un abonnement illimité, de 30 à 49 euros par mois, permettant d’avoir accès à tous les réseaux de transports publics ferroviaires. Nous voulons ainsi inciter les Français à abandonner leurs voitures, qui pèsent souvent lourd sur leur pouvoir d’achat (essences, assurances, entretien…).
La France a-t-elle les moyens techniques et financiers pour mettre en place ce "pass" ?
K. D. : La France est véritablement le pays du ferroviaire. 90 % des Français habitent à moins de dix kilomètres d’une gare. Or notre modèle tombe en lambeaux. Les lignes sont aujourd’hui fortement dégradées, le matériel roulant est vieillissant, le système de signalisation est obsolète et de nombreuses gares ont fermé. Ainsi, la mise en place du ticket climat doit s’accompagner d’un ambitieux plan de rénovation du réseau ferroviaire. Car si les Français sont des millions à y souscrire, les autorités n’auront pas d’autres choix que de constater que les infrastructures ne suivent pas.
Et il faut ajouter que ce n’est pas un programme onéreux. En Allemagne, les pouvoirs publics ont accordé trois milliards d’euros par an pour rendre possible le ticket climat. Et cela est en partie pris en charge par une hausse des péages pour les poids lourds. En France, il faut aussi pousser les secteurs carbonés à financer l’économie décarbonée. Car il n’est plus normal aujourd’hui qu’un billet d’avion soit moins cher qu’un billet de train. Donc si l’Allemagne a réussi à le faire, pourquoi pas nous ?