Artificialisation des sols : radiographie d'une France toujours plus bétonnée
Laisse béton. Le 6 juillet dernier, sénateurs et députés se sont mis d'accord sur une série de mesures pour mettre en œuvre le projet Zéro artificialisation nette (ZAN). Ainsi, la France s'est fixée pour objectif de diviser par deux le nombre d'hectares artificialisés d'ici à 2031. Une sobriété foncière devenue indispensable pour enrayer la perte de biodiversité et limiter le réchauffement climatique. Novethic fait le point sur la situation en France.
Maisons individuelles, routes, parkings, ou centres commerciaux… L’artificialisation des sols progresse toujours en France. Pour endiguer ce phénomène, députés et sénateurs ont trouvé un accord, le 6 juillet dernier, sur une série de mesures pour mettre en œuvre le premier volet de la loi ZAN, pour Zéro Artificialisation Nette. Derrière ce sigle, issu de la loi Climat et Résilience de 2021, se trouve un objectif en deux temps : diviser l'artificialisation par deux en dix ans pour passer de 250 000 à 125 000 hectares artificialisés entre 2021 et 2031, et puis plus aucune artificialisation à l’horizon 2050, à moins de "renaturer" des surfaces équivalentes.
Un projet ambitieux, dont la réalisation le sera tout autant. Car au cours de la dernière décennie en France, entre 20 000 et 30 000 hectares ont été artificialisés chaque année en moyenne. Soit un peu plus de deux fois la surface de Paris. Au total, 276 377 hectares ont été bétonnés entre 2009 et 2019, l'équivalent de la superficie du département du Rhône.
Cette course effrénée a débuté dans les années 1960, plaçant la France au quatrième rang des pays européens ayant le plus haut niveau d’artificialisation des sols par habitant. Selon Eurostat, un Français occupe en moyenne 443 m2 de terres artificialisées, soit 36% de plus qu’un Allemand (325 m2/hab.) ou 79% de plus qu’un Britannique (247 m2/hab.).
Selon les dernières données, les surfaces artificialisées représentent désormais 8% du territoire national, contre 47% pour les espaces naturels (forêts, bois, landes, friches, …) et 45% pour les terres agricoles (sols cultivés et surfaces destinées à l’élevage). Toutefois, cette part ne cesse de réduire, -10% en l’espace de 20 ans. Faisant ainsi la part belle à l’habitat, selon un rapport de France Stratégie. Avec 42%, ce secteur représente la plus grosse part de la consommation des espaces naturels et agricoles, devant les infrastructures de transports (18%) principalement les nouvelles routes et les autoroutes, ou les activités de services et de loisirs (16%), à l’image des zones commerciales.
Or cette artificialisation augmente quatre fois plus vite que la population. Alors comment expliquer ce phénomène ? Plusieurs facteurs sont évoqués, dont l’étalement des villes, la sous-exploitation du bâti existant, l’augmentation du nombre de ménages (+4,2 millions depuis 1999) et l’évolution de nos modes de vie. Dont la volonté de vivre en résidence pavillonnaire. La construction de maisons individuelles est aujourd’hui responsable de l’artificialisation d’un hectare sur deux.
Mais toutes les régions ne sont pas égales face à l’artificialisation. Les grandes agglomérations, la façade atlantique ainsi que la côte méditerranéenne sont les premières victimes. Parmi les régions les plus artificialisées, l’Île-de-France arrive en tête, avec 21,3% de sa surface artificialisée, loin devant la Bretagne (12,4 %), les Hauts-de-France (11,5 %), les Pays de la Loire (11%) et la Normandie (10,4%).
L’exception revient à la Corse. Cette région est aujourd’hui la moins artificialisée de France métropolitaine avec seulement 3,7% de sa surface occupée. Cependant, l'artificialisation sur l’île de beauté progresse plus rapidement qu’en métropole. Entre 2012 et 2018, les surfaces artificialisées y ont augmenté de 1,5%, contre 1,3% en France métropolitaine. La raison de cette croissance est multifactorielle. D’un côté, l’augmentation du tissu urbain et de l’autre, l’attractivité touristique de l’île.
Cette artificialisation des terres n’est pas sans conséquence. Bien souvent, elle rime avec imperméabilisation des sols. Ces derniers ne sont plus en capacité d'absorber l’eau de pluie, ce qui peut provoquer des inondations en cas de fortes précipitations. Et il en est de même pour le stockage du CO2. Une fois artificialisés, les sols ne sont plus en mesure d’absorber le carbone émis par les activités humaines. Il faut également ajouter que l’artificialisation des terres a également d’importantes répercussions sur l’autonomie alimentaire, car il réduit de fait la surface des terres agricoles, destinées initialement à l’approvisionnement alimentaire.
Côté biodiversité, l’artificialisation est aussi très néfaste puisque la transformation d’un espace naturel en terre artificialisée modifie ou détruit l’habitat d’espèces animales ou végétales. Or la protection et la renaturation des sols sont devenues un véritable enjeu pour prévenir, voire atténuer les risques engendrés par le changement climatique, comme le préconisent les experts du GIEC.