Artificialisation des sols : les députés cherchent une réponse aux angoisses des maires
L'Assemblée nationale se penche à partir de ce mardi sur une proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la tâche des élus locaux qui doivent mettre en oeuvre l'objectif de « zéro artificialisation nette ». Les associations environnementales vont scruter la manière dont l'artificialisation liée aux grands projets nationaux sera prise en compte.
Entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés en France chaque année, ce qui fait de notre pays le plus mauvais élève en Europe.
C'est un sujet bouillant chez les maires qui arrive à l'Assemblée nationale. Les députés se penchent à partir de ce mardi en commission sur une proposition de loi du Sénat qui vise à aider les collectivités à mettre en oeuvre le fameux objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols.
Les associations d'élus tirent la sonnette d'alarme : le principe, inscrit dans la loi depuis près de deux ans, relève du casse-tête. L'été dernier, le gouvernement avait promis de revoir sa copie, avant que les sénateurs posent un texte sur la table en décembre, puis que des députés de la majorité fassent à leur tour des propositions deux mois plus tard.
La classe politique tente désormais de trouver un terrain d'entente. « Le fait qu'on reprenne la proposition de loi sénatoriale et qu'il y ait une approche constructive de la part des groupes démontre qu'on est sur un sujet transpartisan », veut croire le rapporteur du texte Bastien Marchive. Le député des Deux-Sèvres, apparenté Renaissance, a « bon espoir » que les parlementaires aboutissent à un consensus « qui soit le plus large possible ».
Les objectifs ZAN sont « une évolution majeure dans la manière dont on pense l'aménagement », prend soin de rappeler l'élu. Et cela nécessite, selon lui, un certain nombre d'accompagnements. « Tout le monde s'accorde sur le constat : des difficultés surviennent dans la mise en oeuvre, il faut garantir un maillage territorial qui soit équilibré et mieux prendre en compte la manière dont les objectifs quantitatifs doivent se décliner au sein des collectivités », décrit-il.
L'une des propositions promises à un débat animé revient à accorder une « garantie rurale » aux communes, dans l'objectif de mieux répartir les droits à construire et de manière équilibrée. Une sorte donc de droit à se développer « quand elles en ont besoin », précise le député Renaissance des Landes et rapporteur Lionel Causse. Le Sénat a proposé que cette garantie prenne la forme d'un hectare par commune, ce qui est loin de faire l'unanimité.
Les rapporteurs entendent surtout veiller à ce que, si garantie il y a, les hectares concernés soient bien comptabilisés dans l'enveloppe globale de 125 000 hectares que la France peut désormais artificialiser sur la décennie, conformément à la loi. Lionel Causse l'assure : il en irait de même pour les grands projets nationaux (LGV, ports, etc.) que les sénateurs voulaient compter à part (et pas imputer aux régions) ou pour les projets d'industrie verte.
« La définition des grands projets nationaux va être discutée, cela fait partie des choses qui sortiront par décret », explique le député. « Sur les objectifs, c'est 125 000 hectares et pas plus », dit-il, en indiquant qu'il s'agit là d'une « ligne rouge » pour les rapporteurs qui ont « le soutien du gouvernement ».
Ce dernier a choisi de resserrer ce texte très technique par rapport à la version des sénateurs, qui souhaitaient un vote final à l'été. De quatorze articles - volumineux pour une proposition de loi -, il pourrait passer à sept ou huit. Le reste passerait par voie réglementaire. L'exécutif, qui a donc déposé plusieurs amendements de suppression, promet notamment de traiter par décrets « la prise en compte des efforts passés des collectivités » ou encore la référence à la nomenclature des surfaces artificialisées ou non.
Les associations de défense de l'environnement sont sur le qui-vive. Pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO), le texte contient de « nombreuses incertitudes ». Elles seront particulièrement attentives à la manière dont seront comptabilisés les grands projets et ceux de l'industrie verte, ou encore les pelouses de lotissement et les entrepôts agricoles, ainsi qu'à la prise en compte des spécificités des territoires de montagne et du littoral.
Pour Vanessa Lorioux, la directrice du pôle mobilisation citoyenne de la LPO, « le plus gros recul serait que les dérogations qui sont accordées au fur et à mesure dans la discussion parlementaire mettent à mal l'objectif phare de la loi de 2021, qui était la division par deux de l'artificialisation dans les dix prochaines années ».