Pourquoi le ministre Christophe Béchu a raison d’anticiper un réchauffement à +4°C

Publié le par Novethic & The Huffington Post via M.E.

L’adaptation est enfin inscrite à l’agenda du gouvernement français. Il faut dire que l’année 2022 a fait accélérer la prise de conscience sur le fait que les impacts du changement climatique se font déjà sentir, y compris en France. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a ainsi appelé à se préparer à un réchauffement de +4°C. Est-ce à dire que l'Exécutif fait une croix sur l’Accord de Paris ? 

"Il faut préparer notre pays à 4°C de réchauffement climatique", a affirmé la semaine dernière Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. "À 4°C, les deux tiers des stations de ski manqueront de neige dans les Alpes. À 4°C, on aura cinq fois plus de sécheresse et des jours de canicule beaucoup plus intenses. C’est aussi 1 mètre 20 d’augmentation de montée des eaux dans la deuxième moitié du siècle", énumère le ministre de la Transition écologique au micro de France Info, à la veille d’un comité de pilotage sur l’adaptation au changement climatique, jeudi 23 février.

Une sortie qui lui aura valu une avalanche de critiques, sur les réseaux sociaux en particulier. "Christophe Béchu nous explique tranquillou que le gouvernement n’a pas l’intention d’agir et qu’on va atteindre 4°C ?! Mais ce sera invivable ! L’urgence c’est d'agir sérieusement pour limiter le réchauffement à un niveau supportable !", écrit sur Twitter la députée LFI Danielle Simonnet. Plusieurs militants écologistes n’hésitent pas également à pointer du doigt l’inaction du gouvernement en matière de lutte contre le changement climatique et à l’accuser de renoncer à respecter l’Accord de Paris.

"Sortir du déni"

Si la formulation du ministre a pu choquer, dans le même temps, de nombreux spécialistes du climat et scientifiques ont salué cette prise de conscience sur l'importance de l’adaptation (démarche d’ajustement au climat actuel ou à venir, ainsi qu’à ses conséquences). Le sujet, qui fait l’objet de travaux de recherche depuis vingt ans, a toujours été le parent pauvre de la lutte contre le changement climatique par rapport à l’atténuation (réduction de nos émissions de gaz à effet de serre). C’est aussi une problématique qui a toujours davantage été portée par les pays du Sud, plus touchés par les impacts du changement climatique.

Mais désormais, les pays riches, la France y compris, sont concernés, et l’adaptation doit aller de pair avec l’atténuation, ce sont les deux faces d’une même médaille. C’est ce qu’explique le ministre, en réponse aux attaques. "Le réchauffement a déjà commencé", souligne Christophe Béchu, avec une augmentation de la température qui atteint déjà 1,7°C en France par rapport à l’ère préindustrielle. "Se préparer à ça, ce n’est pas le souhaiter, c’est au contraire sortir du déni et se dire qu’on fait tout pour tenir les objectifs", soutient le ministre.

Le gouvernement travaille actuellement à l'élaboration de la 3e édition du PNACC (Plan national d'adaptation au changement climatique), qui comprendra donc un scénario "pessimiste" à +4°C alors que les deux précédents s’appuyaient sur un seul scénario optimiste de réchauffement à +2°C. Ce plan sera ajouté à la Stratégie française énergie-climat (SFEC) qui "traite pour la première fois atténuation et adaptation ensemble", note dans un tweet Lola Vallejo, directrice Climat à l'Iddri. "Inutile d'opposer adaptation et atténuation. Christophe Béchu a raison de prévoir plusieurs scénarios d'adaptation."

Au moins 50 milliards d'euros investis par an sans prendre en compte le climat qui change

"Ces derniers mois, enfin, la France a pris conscience de la nécessité d’adapter tous les territoires aux conséquences du dérèglement climatique. Il était temps. Car jusqu’alors, nous continuions à concevoir des politiques et à investir dans des infrastructures comme si le climat ne changeait pas", constate dans un édito, Morgane Nicol, Directrice du Programme Territoires au sein d’I4CE. Chaque année, au moins 50 milliards d’euros d’investissements publics sont réalisés sans systématiquement prendre en compte le fait que le climat change, pointe le think tank dans une étude.

Sur le terrain, le premiers crash-test va concerner le plan anti-sécheresse, attendu pour la fin du mois. L’adaptation devra y occuper une place centrale. Le gouvernement va-t-il se positionner sur les méga-bassines (ou réserves de substitution), identifiées par le GIEC comme une "mal-adaptation au réchauffement climatique" et défendre un autre modèle agricole plus résilient au changement climatique ? "Construire de tels réservoirs pour maintenir sous assistance respiratoire la monoculture et le modèle de production intensif n’est pas pérenne", résume sur Public Sénat le sénateur EELV Daniel Breuiller, vice-président de la mission sénatoriale sur la gestion de l’eau, mise en place début février.

Pour l’instant, alors que le pays est frappé par une sécheresse hivernale historique, le gouvernement a appelé à un "plan de sobriété de l’eau" sur le modèle de ce qui a été fait pour l’énergie. Et les préfets ont été invités à prendre des mesures de restriction dès maintenant. Certains maires ont d’ores et déjà décidé d’aller plus loin. Dans le pays de Fayence, dans le Var, un collectif de maires a décidé de geler les nouvelles demandes de permis de construire dans leurs villes pour les quatre prochaines années en raison de la sécheresse. 

Source : https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/pourquoi-le-ministre-christophe-bechu-a-raison-d-anticiper-un-rechauffement-a-4-c-151381.html

A lire aussi : Pourquoi le plan d’« adaptation » d’une France à +4 °C en 2100 marque un tournant politique

Face à un réchauffement climatique inéluctable, Christophe Béchu a annoncé le lancement d’une stratégie d’« adaptation ». Un aspect qui était jusqu’ici le « parent pauvre » des politiques climatiques.

Dans un long entretien accordé au JDD ce dimanche 21 mai, Christophe Béchu a annoncé la mise en place d’un plan d’« adaptation » avec deux scénarios : un réchauffement à +2 degrés en 2100, et un autre à + 4 degrés en France. Or si les scientifiques du monde entier appellent depuis le Sommet de Rio de 1992 les États à se préparer aux bouleversements climatiques à venir, le gouvernement français ne s’était pas encore vraiment penché sur la question.

« L’adaptation était le parent pauvre des politiques climatiques car on craignait que le fait de parler d’adaptation ne soit interprété comme un renoncement », explique le ministre de la Transition écologique dans son interview de ce dimanche. « Mais nous ne pouvons pas rester avec cette crainte. Il faut affronter la réalité de ce que nous vivons déjà et ce qui est en train de se produire », a-t-il renchéri.

Et pour cause : 2022, qui a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, a illustré à la perfection l’emballement climatique sans précédent que nous vivons.

L’adaptation, le « mouton noir »

Dès 1992 et le Sommet de la Terre convoqué par l’ONU à Rio pour s’attaquer aux défis environnementaux, le mot « adaptation » est employé. Mais il n’est réellement défini que cinq ans plus tard, lors des négociations du protocole de Kyoto, rappelle Le Monde. Puis dans les années 1990, la priorité est surtout de « stabili­ser les émissions » de gaz à effet de serre pour endiguer la hausse des températures.

L’adaptation était alors perçue comme « le mouton noir de la politique climatique », explique la chercheuse américaine Lisa Schipper, autrice du GIEC.

Pourtant, les experts du climat, notamment au sein du Giec, n’ont cessé de le marteler depuis plus de 30 ans : la stratégie climatique des pouvoirs publics repose sur deux jambes : « l’atténuation », qui consiste à réduire nos activités polluantes et émettrices de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique et ses effets. Mais aussi « l’adaptation », soit les mesures destinées à freiner ou à éviter les dommages affectant les sociétés et les écosystèmes.

Attention aux fausses bonnes idées

Désormais, alors que l’Humanité se trouve au pied du mur et que le monde se dirige inéluctablement vers un réchauffement compris entre +2,8 et +3,2 degrés en 2100 en moyenne au niveau mondial (ce qui correspondrait à +4 degrés pour la France), l’adaptation à la hausse des températures et à la multiplication des évènements extrêmes n’est de toute façon plus un choix.

Et on peut le dire, il s’agit d’un défi monstre, qui nécessite de repenser les modèles économiques, touristiques, agricoles… et les modes de vie, notamment en Occident. Pour l’agriculture par exemple, s’adapter, c’est par exemple faire migrer des cultures du sud au nord, remplacer les champs de maïs par du sorgho ou du sarrasin, ou encore adopter un régime végétarien, comme nous vous l’expliquons dans la vidéo ci-dessous.

En annonçant au moins trois chantiers en 2023 pour que « tous les secteurs » se préparent à ce changement climatique, le gouvernement prend donc un tournant remarquable. Mais attention : l’adaptation nécessite des mesures sur le très long terme, et les plans du gouvernement devront comprendre de réels changements structurels.

Il y a en effet deux formes d’adaptation : celle dite « transformationnelle », qui nécessite le plus de changements structurels, et « l’incrémentale », qui « repose sur le maintien du système existant », détaillent deux chercheurs spécialisés en économie de l’écologie dans la revue Polytechnique insights. Si l’adaptation incrémentale est nécessaire à court terme, par exemple pour définir un plan canicule pour l’été à venir, « l’adaptation transformationnelle est la seule réponse aux enjeux climatiques long terme », précise d’ailleurs l’un des auteurs, Jean-Paul Vanderlinden, professeur à l’Université Paris-Saclay.

Les scientifiques mettent également en garde le gouvernement face à la « maladaptation ». Il s’agirait de « fausses bonnes idées » pour se protéger temporairement des effets du changement climatique. On peut citer à cet égard les climatiseurs, qui refroidissent certes les intérieurs, mais qui réchauffent en même temps les villes en créant des îlots de chaleur par temps de canicule. Ou encore le modèle des « mégabassines », dont de nombreux chercheurs expliquaient encore récemment qu’elles aggravent les sécheresses en stockant la ressource en eau.

Source : https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/pourquoi-le-plan-d-adaptation-d-une-france-a-4-c-en-2100-marque-un-tournant-politique_218106.html

Publié dans Climat

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