Lille : l’état des nappes phréatiques inquiète toujours, malgré le retour de la pluie
Après un mois de février le plus sec jamais observé depuis 1959, Lille (Nord) est sur ses gardes. Les spécialistes craignent un été sous tension hydrique. Décryptage.
Malgré le retour salvateur de la pluie, la sécheresse inquiète toujours dans la métropole de Lille (Nord).
Seulement 8 mm de pluie ont été enregistrés sur la métropole de Lille (Nord) au mois de février 2023. Des niveaux très faibles, atteignant des records. « Il faudrait que des quantités d’eau improbables s’abattent pour ré-humecter des sols tellement secs », s’alarme Aurélien Honoré, conseiller en grande culture pour la Chambre d’agriculture sur le secteur Lille.
Les récentes pluies, plus de 60 litres par m2, permettent d’entrevoir un espoir sur l’état des nappes phréatiques lilloises. Mais le spécialiste s’inquiète que cela ne suffise rattraper le retard de l’hiver en remplissant correctement les nappes phréatiques souterraines.
« Tout n’est pas encore joué », relativise Aurélien Honoré. À cette période de l’année, uniquement des cultures peu gourmandes en eau sont en place. L’inquiétude se porte alors surtout sur les cultures du printemps, beaucoup plus sujettes au stress hydrique. Pois de conserve, haricots verts, pomme de terre, betteraves ou encore maïs sont en première ligne. Ces cultures demandent beaucoup d’eau et le niveau bas des nappes phréatiques risque de ne pas suffire.
Il s’agit pourtant des « dernières semaines où le rechargement des nappes est possible ». Passé mars, les pluies resteront principalement en surface pour subvenir au besoin de la végétation et n’alimenteront plus les réserves souterraines.
Les récentes pluies qui se sont abattues sur la métropole étaient donc plus que vitales. Malgré ces précipitations salvatrices, l’horizon d’un été 2023 aussi sec que celui de 2022 reste en ligne de mire des agriculteurs qui avaient beaucoup souffert de la sécheresse estivale. Aurélien Honoré s’inquiète donc.
« Même s’il est prévu de la pluie ces prochains jours, je doute qu’on arrive à remplir les nappes correctement ». Dans un élan de pessimisme, il lâche « j’ai peur que cette année, les dés soient jetés ».
Même son de cloche du côté des pêcheurs de la région. Nicolas Andre Godefroy va pêcher toutes les semaines, et ce depuis l’âge de 7 ans. Ce menuisier, passionné de pêche, s’inquiète également des conséquences du manque d’eau. « On va le ressentir cette année sur les niveaux de reproduction ».
Plus les niveaux d’eau sont bas, plus la reproduction des œufs en bordure des zones humides est difficile. Une situation qui menace tout l’écosystème. « Les niveaux d’eau sont trop bas et il y un risque pour tout le cycle, pour les batraciens notamment », détaille le pêcheur.
Le réchauffement climatique bouscule en effet tout l’environnement des poissons, très gourmands en oxygène. Un oxygène qui se raréfie avec le manque d’eau et les nappes phréatiques asséchées.
Même si cette première quinzaine de mars renoue avec des pluies tant attendues, la situation reste dramatique et risque de menacer la souveraineté alimentaire. « Si demain notre disponibilité en eau diminue, c’est inévitablement notre potentiel de production et donc la souveraineté alimentaire qui est en impacté », explique Aurélien Honoré.
Selon les projections du GIEC, le réchauffement climatique va s’intensifier, augmentant alors l’évapo-transpiration et le manque d’eau.
Le spécialiste estime que la profession agricole est la première à être touchée par le dérèglement climatique. Les potentiels de production ainsi que l’instabilité des saisons les mettent en grande difficulté. « Petit à petit, on va devoir adopter les pratiques les plus résilientes possibles face au réchauffement climatique ».
Doucement, l’inquiétude se propage parmi les agriculteurs de la métropole. « On le ressent au quotidien dans les discussions avec les agriculteurs », témoigne Aurélien Honoré. « C’est préoccupant pour cet été », partage également Nicolas Andre Godefroy. « Les poissons manquent d’oxygène et il y a de la mortalité chez ces poissons », déplore le pêcheur.
Malgré des projections climatiques pessimistes de la part du GIEC avec une augmentation des printemps et étés secs, Aurélien Honoré veut croire que « rien ne prédit que le mois de février reflètera celui de mars et avril ». Il reste méfiant sur la situation météorologique. « On peut encore tomber sur un scénario comme en 2016 ou 2020 avec des printemps et étés très humides ».
Face à ces dérèglements climatiques, les professionnels regrettent un manque d’aide et de soutien concret. « On ne pourra pas tout résoudre à coup de subventions », clame Aurélien Honoré. Il conclut en prédisant : le changement climatique va nous taper de plein fouet, avec ou sans prime.