Le nucléaire français "sous emprise" de la Russie, dénonce l'ONG Greenpeace

Publié le par Challenges via M.E.

Greenpeace a affirmé samedi que la filière nucléaire française était "sous emprise" de la Russie, qui contrôle selon l'ONG plus de 40% des importations d'uranium naturel en provenance du Kazakhstan et d'Ouzbékistan, et un tiers de celles d'uranium enrichi.

AFP - ERIC PIERMONT

Le stand de l'agence russe de l'énergie nucléaire Rosatom lors de l'exposition mondiale du nucléaire au Bourget, près de Paris, le 28 juin 2016.

En 2022, année de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, "près de la moitié de l'uranium naturel importé en France provenait du Kazakhstan et d'Ouzbékistan", 43% exactement, a souligné Greenpeace dans un rapport publié deux jours avant le début de l'examen par l'Assemblée nationale française d'un projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.

Or, selon l'ONG, "la quasi-totalité de l'uranium naturel en provenance du Kazakhstan, et une partie considérable de celui venant d'Ouzbékistan, passent entre les mains (du monopole russe du nucléaire civil, NDLR) Rosatom qui contrôle le transport de toutes les matières nucléaires transitant sur le sol russe", via des convois ferroviaires jusqu'au port de Saint-Pétersbourg, puis des cargos jusqu'en France.

"Ces transports ne peuvent être réalisés que sous condition de l'obtention d'une licence délivrée par Rosatom", entreprise en outre impliquée dans la production d'uranium au Kazakhstan, note Greenpeace.

Des routes évitant le territoire russe "ne représentent aujourd'hui pas de véritables alternatives", ajoute le rapport.

Le rapport de 99 pages, publié le 11 mars 2023, s'appuie sur des données publiques (douanes, publications d'entreprises, d'organisations publiques, d'ONG, de groupes de réflexion et de médias).

AFP/Archives - Lou BENOIST

La centrale nucléaire de Penly à Petit-Caux, en Seine-Maritime, le 9 décembre 2022.

L'uranium naturel, extrait des mines, doit être enrichi pour être utilisé comme combustible dans les centrales nucléaires. La France dispose d'une usine dédiée au Tricastin (sud-est), gérée par Orano.

Greenpeace avait déjà qualifié de "scandaleuse" la poursuite du commerce nucléaire avec la Russie, secteur qui n'est pas visé par des sanctions internationales, contrairement aux hydrocarbures.

L'organisation avait en particulier relevé que la France avait reçu de la Russie "un tiers de l'uranium enrichi nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires françaises pendant un an", un triplement en 2022 selon elle.

"Toujours en 2022, l'intégralité des exportations françaises d'uranium de retraitement (URT) ont été envoyées en Russie, et l'intégralité des importations d'uranium ré-enrichi (URE) en France provenaient de Russie", selon la même source.

"Contrairement à ce qu'affirment les défenseurs de l'atome, la dépendance de la filière nucléaire française aux autorités russes est immense, ce qui pourrait expliquer pourquoi la France continue de s'opposer activement aux sanctions contre Rosatom au niveau européen", a affirmé Greenpeace samedi.

Contactés samedi matin par l'AFP, ni le Ministère français de la Transition énergétique, ni EDF, ni Orano n'ont réagi dans l'immédiat.

Source : https://www.challenges.fr/economie/le-nucleaire-francais-sous-emprise-de-la-russie-denonce-greenpeace_848450

 

Le communiqué de presse de Greenpeace :

Alors que l’Assemblée nationale examinera lundi le projet de loi d’accélération du nucléaire, Greenpeace France publie aujourd’hui une investigation inédite sur les liens entre l’industrie nucléaire française et l’entreprise nucléaire russe Rosatom, qui démontre que la France est pieds et poings liés à la Russie. 

Le constat est accablant : Rosatom a la mainmise sur une grande partie des importations d’uranium naturel provenant du Kazakhstan et d’Ouzbékistan. Or ces dernières représentent près de la moitié de l’uranium naturel importé chaque année en France. La filière nucléaire française, loin d’être gage de la souveraineté énergétique française, est donc dépendante de la filière nucléaire russe à toutes les étapes du parcours de l’uranium, sans alternative crédible possible.

Malgré le début de la guerre en Ukraine il y a plus d’un an, la France n’a pas stoppé son commerce nucléaire avec la Russie, bien au contraire. Au-delà de l’uranium naturel, la France a quasiment triplé ses importations d’uranium enrichi russe

  • En 2022, la Russie a livré un tiers de l’uranium enrichi nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires françaises pendant un an. 
  • Toujours en 2022, l’intégralité des exportations françaises d’uranium de retraitement (URT) ont été envoyées en Russie, et l’intégralité des importations d’uranium ré-enrichi (URE) en France provenaient de la Russie, qui possède la seule installation au monde capable de transformer l’URT. 

“L’opacité cultivée par l’industrie nucléaire française et l’État français est une tentative de masquer la dépendance de la France à des pays comme la Russie. Ce rapport, qui vient appuyer nos observations de livraisons d’uranium par des cargos russes en pleine guerre en Ukraine, met en lumière l’ampleur de la dépendance de l’industrie nucléaire française à Rosatom sur tout le commerce d’uranium, y compris l’uranium naturel. La construction de nouveaux réacteurs nucléaires, actuellement en débat, ne garantirait en aucun cas la souveraineté énergétique, car elle maintiendrait la France dépendante des pays fournisseurs d’uranium comme la Russie”, déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Nucléaire à Greenpeace France.

Face à ce constat, Greenpeace France demande à l’État français :

  • d’exiger la rupture des contrats d’EDF et d’Orano avec Tenex pour stopper le commerce d’uranium et de déchets nucléaires avec la Russie, 
  • d’arrêter de s’opposer aux sanctions européennes à l’encontre de Rosatom, 
  • de faire la lumière sur le commerce d’uranium en réalisant et en mettant à disposition un bilan des importations et exportations d’uranium de la France vers et depuis d’autres pays, détaillé pour chaque forme/catégorie d’uranium (uranium naturel, uranium enrichi, uranium de retraitement, uranium de retraitement ré-enrichi et uranium appauvri).

Source : https://www.greenpeace.fr/espace-presse/investigation-le-nucleaire-francais-sous-emprise-russe/

Publié dans Energie, Nucléaire

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