Plus écolo que le recyclage, la consigne en verre prépare son retour
Malgré son intérêt écolo, la consigne sur les bouteilles en verre peine à se généraliser. Une dizaine d’opérateurs ont uni leurs forces pour pousser un changement d’échelle.
Pour généraliser la consigne en verre, une dizaine d’opérateurs viennent de créer France Consigne.
Ramener sa bouteille de vin ou de jus en magasin après utilisation : ce geste bien connu de nos grands-parents va-t-il redevenir un réflexe ? Depuis une dizaine d’années, la consigne en verre a fait timidement son retour dans nos rayons, portée par quelques précurseurs. Mais la pratique demeure plus que marginale : en 2022, 1,4 million de bouteilles était réemployées par dix opérateurs [1], soit environ 700 tonnes, très, mais vraiment très loin des 2 millions de tonnes de verre recyclées.
Les acteurs du réemploi ont donc décidé de passer à la vitesse supérieure : une dizaine d’opérateurs — des entreprises qui collectent, lavent et redistribuent les bouteilles — viennent de créer France Consigne. Avec un objectif : « massifier » la réutilisation des contenants en verre. « 2023 sera une année charnière », prédit Clémence Richeux. Cette défenseuse du réemploi, gérante de Ma bouteille s’appelle reviens, dans la Drôme, insiste : « Soit ça passe, et on arrive à développer un réseau à l’échelle nationale, soit ça casse. »
Pour ces pionniers, la consigne a tout pour plaire : le réemploi d’une bouteille en verre consomme 80 % d’énergie et 50 % d’eau en moins qu’une même bouteille recyclée, et elle émet bien moins de gaz à effet de serre. À ces arguments écolos s’ajoute un intérêt économique : l’Europe connaît actuellement une pénurie de verre. « Ça a commencé avec le Covid, quand on a dû mettre des fours [où la silice est fondue en verre] à l’arrêt, puis ça s’est aggravé avec la destruction d’usines verrières en Ukraine », dit Michel Emmery, de Rebooteille. Sans oublier l’explosion des prix de l’énergie qui touche particulièrement cette industrie. Autant de raisons qui poussent viticulteurs, brasseurs et producteurs de jus de fruits à chercher des alternatives au neuf.
Dernier moteur, et non des moindres : la loi antigaspillage, votée en 2020, impose à tous les gros producteurs et distributeurs — faisant plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires — de réemployer 5 % de leurs emballages en 2023, et 10 % en 2027. « Tous les voyants sont au vert, s’enthousiasme Clémence Richeux, c’est maintenant qu’il faut y aller ! »
Pas si simple pourtant de sauter le pas. Productrice et négociante en vins bio dans le Gard, Carole Frelin réutilise une partie de ses flacons : « Les bouteilles réemployables sont 10 à 15 centimes plus chères à l’achat, car elles sont plus lourdes [2], ça demande un investissement supplémentaire. Et plein de petites adaptations sont nécessaires : il faut changer d’étiquette et de colle pour qu’elle soit hydrosoluble. » Rien d’insurmontable, mais ce n’est souvent pas la priorité pour des producteurs plus préoccupés par les aléas climatiques et l’inflation.
Côté consommateurs, malgré un plébiscite en faveur de la consigne — fin 2019, 88 % des personnes interrogées s’y déclaraient favorables —, la pratique peine encore à prendre racine. « Dans nos magasins partenaires, on atteint 50 % de taux de retour, une sur deux bouteilles consignées revient, dit Michel Emmery. C’est un des meilleurs taux de France. Le réseau des boutiques bio a été pionnier, par conviction écolo, mais la grande distribution s’y met tout juste. On n’en est qu’à des projets pilotes. »
France Consigne entend donc lever ces freins, en poussant à la mise en place d’un réseau national structuré. Pour ce faire, l’organisme ambitionne de « délivrer des certificats de réemployabilité » aux producteurs qui useront des bouteilles faciles à réutiliser : dans un verre plus épais, avec une colle hydrosoluble… et dans l’un des dix formats « homologués ».
« Il faudra convaincre et accompagner les producteurs, trouver de nouveaux magasins partenaires, améliorer le taux de retour », liste Camille Chanson, de L’Incassable. Le chemin est encore long avant le retour généralisé de la consigne en verre ; d’autant que le gouvernement ne paraît pas pressé de s’attaquer au problème, priorisant les emballages plastiques. « On a mis très peu de temps à déconstruire un système qui fonctionnait très bien, mais on risque de mettre longtemps à le reconstruire », conclut Mme Chanson.
Références :
[1] De France Consigne.
[2] Pour qu’elles puissent être lavées une vingtaine de fois sans casse, elles sont en effet plus épaisses que leurs cousines recyclables.
Source : https://reporterre.net/Plus-ecolo-que-le-recyclage-la-consigne-en-verre-prepare-son-retour