"Gigafactories" : comment la « vallée de la batterie » se structure dans les Hauts-de-France

Publié le par Les Echos via M.E.

La première région automobile prend le virage de l'électrique en accueillant les trois premières "gigafactories" de batteries en France. Tout l'écosystème se mobilise pour permettre la cristallisation d'une nouvelle filière de l'électromobilité.

MATTHIEU BOTTE/PHOTOPQR/VOIX DU NORD/MAXPPP

ACC sera la toute première gigafactory de batteries pour véhicules électriques à s'implanter en France.

« Oui, on est en guerre économique et industrielle. On a besoin d'un écosystème et de se battre contre nos concurrents chinois qui font du dumping et qui possèdent dix ou quinze ans d'avance sur les matières premières, le raffinage, la chimie. Il faut vraiment qu'on travaille ensemble. »

La requête vient de Frédéric Przybilski, vice-président industriel d' ACC , la toute première gigafactory de batteries pour véhicules électriques à s'implanter en France, à Billy-Berclau, près de Lens (Pas-de-Calais). L'entreprise associe Stellantis, Saft et Mercedes sur l'ancien site de l'usine de moteurs thermiques Française de Mécanique. Une première tranche d'investissement de 1 milliard d'euros est déjà avancée, et les premières batteries sortiront dès l'été. L'unité devrait compter 1 000 salariés en 2025.

Deux usines similaires, liées à Renault, verront ensuite le jourdans la même région des Hauts-de-France : Envision AESC à Douai en 2024 (1 milliard d'investissements) et Verkor à Dunkerque en 2025 (1,5 milliard). Soit un total de 5 500 à 7 500 emplois directs.

Un virage pris « bien avant les autres »

Si la crise de l'énergie a vivement inquiété les industriels à l'automne, ceux-ci tiennent aujourd'hui le pari de la batterie made in France. « C'est exceptionnel. Nous sommes la vallée de l'électromobilité qui se met en place en Europe. Dans dix, vingt, trente ans, on continuera à produire pour l'automobile, et on aura pris ce virage bien avant les autres », se félicite le président de la région , le LR Xavier Bertrand, ardent défenseur de l'automobile.

La collectivité a déroulé le tapis rouge en mettant la main à la poche pour ces trois implantations majeures. Elle entend prolonger les efforts à la fois pour accueillir de nouveaux projets, à l'exemple du groupe méridional Alteo qui envisagerait une unité de fabrication d'électrolytes, mais aussi pour structurer cette filière émergente et répondre aux besoins de formation.

L'Association régionale de l'industrie automobile (Aria) a porté une démarche collective associant constructeurs, gigafactories et organismes de formation, pour monter un programme « Electro'mob ». Labellisé Compétences Métiers d'Avenir, il mobilisera un budget de 25 millions d'euros, dont plus de 14 millions d'aides. Un premier plateau technique de formation sur les batteries doit voir le jour très prochainement près d'ACC.

13 000 embauches en cinq ans

Le besoin sera vaste. « Sur cinq ans, on l'estime à 13.000 embauches, dont beaucoup de nouveaux métiers, le délai est très court », dit Luc Messien, délégué général de l'Aria, qui dit y consacrer 100 % de son temps. Avec de premiers résultats : à Béthune, une école d'ingénieurs en génie électrique ouvrira ses portes en septembre.

L'agglomération de Béthune-Bruay joue aussi la carte de l'innovation à travers un projet de plateforme de transfert de technologies sur l'éco-efficacité énergétique, Tech3E, à 6,5 millions d'euros, porté par l'université d'Artois. « Les industriels vont développer des projets avec les chercheurs de nos labos », se félicite Pasquale Mammone, président de l'Université d'Artois.

L'esprit de filière gagne clairement des professionnels sous pression pour rester compétitifs face à la concurrence asiatique . « Il est nécessaire de travailler en synergie, en partenariat en profondeur, et non pas dans une relation donneur d'ordre-fournisseur », insiste Pierre-Benoît Hamon, manager performance et écosystème chez Renault Electricity. Le constructeur opère la mutation de son usine de boîtes de vitesses de Ruitz, qui va accueillir une fabrication de bacs de batteries dans le cadre d'une coentreprise avec le chinois Minth.

Chaîne de valeur

Les équipementiers suivent. A l'exemple de Delzen, spécialiste de l'emboutissage de pièces en métal (80 salariés et 17 millions d'euros de vente), qui vient de créer à Douvrin Delviatek, une coentreprise avec Elvia, fabricant de circuits imprimés, pour produire des têtes de batteries. Un investissement de 10 millions d'euros, qui permettra de produire des millions de pièces. L'entreprise a signé un contrat de sept ans avec ACC, mais vise aussi les autres gigafactories.

« Pour ne pas être envahi par des modèles asiatiques, il faut qu'on arrive à être beaucoup plus forts sur l'innovation, l'électricité, l'électronique. Il faut qu'on soit capable de maîtriser toute la chaîne de valeur. Il n'y a que comme ça qu'on y arrivera », lance Rodolphe Delaunay, président de l'Aria. Pour Xavier Bertrand, il faudrait aussi un soutien plus fort de l'Etat. « On serait bien avisé, au moment où les Américains et les Chinois mettent en place des mesures de protection, d'instituer un bonus pour les voitures produites en Europe. J'assume un lobbying politique sur ce sujet. » Le président de région se dit aussi très vigilant sur l'avenir des concessions automobiles , que les constructeurs ne devraient pas selon lui négliger, au risque d'une prise de contrôle chinoise et d'un déferlement commercial.

Source : https://www.lesechos.fr/pme-regions/hauts-de-france/gigafactories-comment-la-vallee-de-la-batterie-se-structure-dans-les-hauts-de-france-1905739

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :