Déjà 220 directeurs d'administration formés aux enjeux environnementaux, prémices d'un basculement
C'est une mobilisation exceptionnelle. Les 220 plus hauts fonctionnaires de l'État se sont formés à la transition écologique. Moyen de sensibilisation et de préparation à la complexité des enjeux, ce type de formation devra être proposé à l'ensemble des agents de la fonction publique d'ici 2027. Cet évènement témoigne aussi de l'intégration progressive des enjeux environnementaux dans toutes les politiques publiques, spécialisées ou non sur le sujet.
"Se retrouver avec tous les cadres dirigeants de l'État et réfléchir sur le réchauffement climatique et la protection de l'environnement, c'était très puissant", lance Claire Landais, secrétaire générale du gouvernement. Comme près de 220 autres directeurs d'administration, elle a suivi une formation obligatoire à la transition écologique. "J'y suis allée volontiers, c'est un enjeu majeur et cela rencontre mes convictions personnelles", affirme-t-elle, auprès de Novethic.
Le but ? "Prendre conscience des différentes crises et donner des moyens pratiques de réussir la transition", explique à Novethic le ministère de la Transformation et de la fonction publique, orchestre de l'opération. C'est le début d'une longue série de formations. En 2024, les 28 000 cadres de la fonction publique devront être formés. D'ici 2027, ce sera le tour de tous les agents de l'État, soit plus de 5 millions de personnes.
La formation, d'une durée de 28 heures, comprend trois modules. Le premier est composé des ateliers "Fresque du climat", qui présente les impacts du changement climatique, et "2tonnes" qui vise à trouver des moyens de limiter les émissions de CO2 par personne à deux tonnes au lieu de 10 en moyenne. Le second est composé de conférences avec des scientifiques de plusieurs disciplines et le troisième de visites de terrain.
"Avec l'atelier 2Tonnes, nous nous sommes glissés dans la peau de plusieurs personnages : un habitué du métro, un habitant dans la campagne, un végétarien ou encore un amoureux de la viande", décrit Claire Landais. L'exercice vise à trouver des moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour chacun.
"Une chose m'a frappée : si les actions menées par chaque citoyen sont importantes, les politiques publiques et la fiscalité sont des leviers encore plus forts", reprend-elle. Ses 28 heures de formation lui ont apporté une meilleure connaissance des "ordres de grandeur sur les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre" et de nouveaux "outils de réponse", explique-t-elle.
En plus des interventions de chercheurs, tels que Valérie Masson-Delmotte, coordinatrice du rapport du GIEC, sont ajoutés des moments d'émulation collective comme les ateliers "2Tonnes", "Fresque du climat" et des visites de terrain. "Le but est de s'inspirer de ce qui fonctionne", explique le ministère. Des hauts fonctionnaires ont par exemple visité une ferme bio avec l'Office National de la Biodiversité, ou encore une usine de la marque textile 1083 qui fabrique ses jeans en France.
"C'est un moment historique, on change de référentiel. À présent, pour chaque politique publique, il faut s'interroger sur l'effondrement du vivant, le dérèglement climatique, la disponibilité des matériaux et leurs interdépendances", abonde Véronique Balbo-Bonneval, référente formation dans l'association de professionnels de la fonction publique Le Lierre, qui a soutenu cette formation.
Reste que certains sujets semblent insolubles et sont difficiles à maîtriser. Pour aider les hauts fonctionnaires à agir, le ministère affecte à chaque agent un mentor expert ou chercheur pour l'aider à préparer un plan d'action. "Nous avons besoin d'accéder à la connaissance et à des outils de mesure de l'impact des politiques publiques et des efforts réalisés", abonde Claire Landais.
L'association Le Lierre souligne aussi la nécessité de prendre des initiatives : "Les fonctionnaires ont un devoir de conseil, pas seulement d'obéissance", rappelle Véronique Balbo-Bonneval. Tous les ministères et toutes les administrations sont concernés par la formation, quel que soit leur domaine. "Je ne travaille pas spécifiquement sur les politiques liées à l'écologie. En revanche, mon rôle peut consister à rappeler les engagements internationaux et les risques de sanctions, qui existent également dans ce champ", confie Claire Landais.