Cancers, infertilité : les "polluants éternels" contaminent les eaux françaises sans limite
C'est une pollution généralisée et largement sous-estimée, alerte l'association Génération futures dans un nouveau rapport. Celle aux PFAS, aussi appelés "polluants éternels" en raison de leur très faible dégradation dans l'environnement, présents dans les poêles, les emballages alimentaires, les textiles ou encore les cosmétiques. Malgré l'alerte lancée en 2019 avec le film Dark Waters, leur réglementation mais aussi rien que leur mesure est très insuffisante et disparate. Un nouveau plan d'action est attendu dans le courant de janvier.
Sur les 13 000 échantillons d’eau analysés en 2020, 4 sur 10 contiennent au moins un PFAS au-delà de sa limite de qualification.
Les eaux françaises sont-elles contaminées aux PFAS, ces polluants dits "éternels" car très peu dégradables dans l’environnement ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre l’association Générations Futures. Dans un rapport publié le 12 janvier, elle révèle la difficulté de dresser une évaluation tant les mesures divergent entre les départements. Ce qui est certain, c’est que "la pollution aux PFAS dans les rivières et les lacs français est généralisée et sans aucun doute sous-estimée", résume François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.
La principale difficulté est que les PFAS, qui regroupent près de 4 500 composés chimiques, utilisés dans tous nos objets du quotidien pour leurs propriétés antiadhésives, imperméables ou résistantes aux fortes chaleurs (poêles en Teflon, emballage alimentaire, textiles, cosmétiques…), ne sont pour la très grande majorité d’entre eux pas réglementés. Pourtant, de nombreuses études ont révélé leur effet néfaste sur la santé, "provoquant des cancers, ou perturbant les systèmes reproductifs, hormonaux et immunitaires", énumère Pauline Cervan, toxicologue, chargée de missions scientifiques et réglementaires pour l’ONG.
L’étude, qui s’appuie sur la base de données publiques Naïades sur la qualité des eaux des lacs et des rivières en France, a tout de même permis de tirer quelques enseignements. Ainsi, sur les 13 000 échantillons d’eau analysés en 2020, 4 sur 10 contiennent au moins un PFAS au-delà de sa limite de qualification (seuil de détection permettant une certaine fiabilité). C’est 11% de plus que ce qu’avait estimé l’Anses dans son étude de 2011, qui sert encore aujourd’hui de référence. Dans 57 départements, plus d’1 échantillon sur 2 est positif au PFAS et dans 2 départements, Paris et les Hauts-de-Seine, 100 % des échantillons contiennent un PFAS au moins. A contrario, 5 départements ont présenté des échantillons négatifs.
Une carte a pu être dressée, mais son interprétation est sujette à caution, en raison des disparités de mesures. "Par exemple, dans la Manche, 440 échantillons d'eau ont été prélevés contre seulement 6 à Paris et dans les Hauts-de-Seine. De même, le nombre de PFAS recherchés varie de 1 à 16 selon les départements et les limites de quantification de 0,2 à 500 nanogrammes par litre (ng/L). Nous sommes donc face à une grande hétérogénéité qui biaise notre carte des résultats", alerte la chercheuse.
De façon surprenante, l’Ouest plutôt rural présente des taux de présence de PFAS aussi élevés voire plus élevés que dans les régions industrielles comme la vallée du Rhône ou le Nord. "Il s’agit en fait des départements qui appliquent une limite de qualification particulièrement basse, et qui donc détectent plus de PFAS que les autres, explique François Veillerette. À cause de ces différences, nous ne pouvons pas affirmer que les départements en rouge sur la carte sont les plus touchés par une pollution des eaux aux perfluorés. Ce que l’on peut cependant dire, c’est que c’est dans ces départements que les PFAS sont les mieux recherchés".
En avril dernier, avant la diffusion d’un documentaire sur la pollution des eaux dans la vallée du Rhône, le ministère de la Transition écologique avait pris un arrêté pour élargir la surveillance des PFAS à cinq substances dans une limite de quantification fixée à 2 ng/L. Mais la France est encore très loin des futurs requis européens puisque Bruxelles a publié une proposition de révision de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) dans laquelle elle prévoit d’inclure un total de 24 substances PFAS dans la liste des substances à surveiller pour une valeur maximale de 4,4 ng/L.
Le ministère de la Transition écologique doit publier un plan d’action d’ici la fin du mois de janvier. Pour Générations futures, il est impératif que celui-ci intègre les 24 PFAS proposés par la Commission, sans attendre l’entrée en vigueur de la directive. Mais aussi que les taux les plus bas techniquement mesurables soient appliqués de façon homogénéisée sur l’ensemble du territoire. L’association appelle enfin à ce que la France pèse de tout son poids pour relancer les négociations sur la révision REACH, la législation européenne sur la gestion des risques liés aux substances chimiques. Elle est actuellement à l’arrêt sous la pression des lobbies industriels et de certains gouvernements.