Du maquillage aux brosses à dents, les nanoparticules sont consommées sans modération
L'association Avicenn a retrouvé des nanoparticules dans 20 produits du quotidien sur les 23 testés. Ces molécules extrêmement petites, pénétrant facilement dans notre organisme, semblent être utilisées dans de nombreux produits sans que les fabricants ne l'indiquent. Entre infractions et ambiguïtés dans les lois, les industriels jouent sur le manque de données et la complexité du sujet.
Poudre pour le visage, masque sanitaire, culotte menstruelle... Des nanoparticules ont été trouvées dans 20 des 23 produits testés par l'association Avicenn. Celle-ci milite pour une plus grande vigilance à propos des nanomatériaux dont la très petite taille, 50 000 fois plus petite qu'un cheveu, facilite la pénétration dans notre organisme. Or ces molécules peuvent devenir dangereuses pour la santé si elles sont utilisées trop souvent.
La question n'est pas nouvelle, l'UFC Que Choisir avait déjà épinglé des fabricants en 2018. Mais ces alertes ainsi que les avertissements de la Direction Générale des fraudes n'auront pas suffi.
L'étude publiée jeudi 15 décembre montre que l'affichage de la mention "[nano]" ou pire, l'interdiction de certaines molécules ne sont toujours pas respectés.
Certains cas semblent être de réelles infractions, comme la poudre illuminatrice "Light for paradise" de l'Oréal dont le dioxyde de titane utilisé pour améliorer la brillance serait en totalité sous la forme nano sans que cela ne soit indiqué par le fabricant. Ce composé également appelé E171 a été interdit dans les produits alimentaires et est suspecté cancérogène par la Commission européenne.
Autre exemple, une brosse à dent pour enfant de la marque Signal utilise des molécules d'argent comme antibactérien mesurées de taille nano par Avicenn, ce que le fabricant réfute sans toutefois présenter le détail de ses études. Or l'argent sous forme nano n'est plus autorisé à la vente depuis janvier 2022.
Mais d'autres marques, comme Aoste avec ses "tranches de jambon fines et fondantes", jouent sur des ambiguïtés dans la loi. Par exemple, lorsqu'une nano molécule est utilisée comme additif "de transfert", c'est-à-dire qu'elle vient d'un ingrédient ayant servi à la fabrication du produit, la mention n'est pas obligatoire. Pourtant, les nanoparticules ont des propriétés qui devraient alerter. "A cette échelle, les comportements des molécules sont différents, souvent exacerbés" explique Mathilde Detcheverry, déléguée générale d'Avicenn.
"Certaines PME peuvent être trompées par leurs fournisseurs ou par des laboratoires qui ne disposent pas d'équipements capables de mesurer les nanoparticules. Cependant nous n'y croyons pas lorsque ce sont de grandes entreprises qui ont les moyens de suivre les protocoles développés aujourd'hui", poursuit-elle." L'argument de la complexité de la mesure a trop longtemps été utilisé."
C'est l'ampleur de l'usage des nanoparticules qui inquiète Aviceen, indiquant dans son communiqué être "surpris de la forte proportion de produits contenant des nanos ainsi que d'en découvrir là où on ne s'y attendait pas".
"Il faut en effet faire attention aux expositions cumulées, quand une marque utilise des nanoparticules, il est fort probable que d'autres le fassent aussi" alerte Mathilde Detcheverry. "Les nanoparticules d'argent ont par exemple une vraie utilité à l'hôpital comme agent antibactérien. Leur usage dans des crèmes solaires n'est pas le pire puisqu'il y a aussi un enjeu de santé publique, mais elles peuvent devenir néfastes si elles sont utilisées partout. Il faut bien évaluer le rapport bénéfice risque", prévient-elle.
Les études scientifiques manquent également, entretenant le sentiment de flou sur la dangerosité des nanoparticules. "Il existe quelques études mais c'est très en deçà des besoins face à l'ampleur de l'utilisation de ce type de produits" explique Mathilde Detcheverry. "Nous ne voulons pas être des marchands de peur, comme certains nous accusent de l'être. L'objectif est que les marques prennent leurs responsabilités et préviennent les consommateurs. Ce n'est pas parce que certains produits sont utilisés depuis toujours qu'il ne faut pas réagir aux nouvelles connaissances dont nous disposons" conclue-t-elle.