Le COVID-19 affecte le microbiote, pouvant causer de graves infections du sang

Publié le par Sciences & Avenir via M.E.

L'infection par le virus du COVID-19, ajouté à l'effet des antibiotiques administrés préventivement à l'hôpital, peut causer de graves dysbioses de la flore intestinale. Avec à la clé un risque important de bactériémies, ces graves infections du sang. 

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Nos intestins sont tapissés de milliards de bactéries nécessaires à sa fonction : c'est le microbiote intestinal.

L’infection par le virus du COVID-19 perturbe directement le microbiote intestinal, conclut une étude parue dans la revue Nature Communications. Résultat, dans les cas de COVID-19 sévères, les déséquilibres de la flore peuvent causer des surinfections bactériennes... Provenant de leur propre microbiote.  

“Nos données suggèrent que la dynamique chez les patients atteints de COVID-19 pourrait être similaire à celle des patients atteints de cancer recevant des greffes de moelle osseuse” s'agissant du microbiote intestinal, affirment les chercheurs dans la publication. Les chimiothérapies précédant cette intervention perturbent en effet fortement la flore bactérienne intestinale."C’est l’un des rares cas où l’on peut observer chez certains patients une domination du microbiote par seulement une ou quelques espèces de bactéries", précise la chercheuse Lucie Bernard-Raichon, première autrice de ces nouveaux travaux.  

L’infection par le virus du Covid-19 altère le microbiote intestinal  

Plusieurs études ont montré des perturbations du microbiote, ou dysbioses, chez les patients atteints de COVID-19. Mais les antibiotiques, pris en préventif chez les patients hospitalisés pour éviter les maladies nosocomiales, ont un effet bien connu sur la dysbiose qui pourrait amplifier celui du SARS-CoV-2. Jusqu’à ces travaux donc, seuls deux (sur les souris et le hamster) ont démontré que le virus lui-même causait cette perte de diversité microbienne. "Mais nous sommes les premiers à détecter des effets sur les cellules épitheliales (de la paroi intestinale, ndlr) et à montrer que les antibiotiques peuvent aggraver la situation", précise Lucie Bernard-Raichon.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont penchés sur des souris modifiées pour que leurs cellules possèdent les récepteurs humains ACE2, ces protéines qui servent de porte d’entrée au virus du Covid-19. A mesure que les doses de virus inoculées augmentaient, la dysbiose mesurées dans les selles des souris s’intensifiait. “Le SARS-CoV-2 n’est pas un virus capable d’infecter les bactéries. La modification de la composition du microbiote que nous observons pendant l’infection est donc induite de manière indirecte, probablement par la suractivation de la réponse immunitaire”, cette fameuse "tempête cytokinique", explique Lucie Bernard-Raichon.  

En outre, deux types cellulaires très particuliers étaient touchés par l’infection et augmentaient la dysbiose chez les souris. Elles possédaient notamment un nombre réduit de cellules de Paneth, qui régulent habituellement la flore intestinale en produisant des molécules antibactériennes. “Leur diminution au cours de l’infection pourrait donc permettre la survie de bactéries normalement tuées par ces molécules”, affirme la chercheuse. Au contraire, des cellules productrices de mucus, nommées cellules calciformes, étaient retrouvées en plus grand nombre chez les souris infectées. Or ce mucus constitue une source de nutriments pour certaines bactéries intestinales, d’ailleurs présentes en plus grandes proportions chez les souris infectées. 

Une dysbiose sévère 

En analysant des échantillons des selles de 96 patients atteints de Covid-19, les chercheurs confirment la présence d’une dysbiose surprenamment sévère, en particulier chez ceux qui avaient reçu des antibiotiques. “La dysbiose était beaucoup plus importante que ce que nous prévoyons, même en prenant en compte les connaissances basées sur d’autres maladies et sur l’effet des antibiotiques”, soulève Lucie Bernard-Raichon. Tout comme chez les souris, les chercheurs observent chez ces patients la prédominance d'un petit nombre d'espèces bactériennes, dont certaines connues pour inclure des souches résistantes aux antibiotiques. Si l’atteinte des cellules de Paneth humaines et calciformes restent à confirmer, les conséquences de la dysbiose sont bien visibles. "Chez certains patients, des bactéries similaires à celles du microbiote sont présentes dans le sang", rapporte Lucie-Bernard-Raichon. “L’infection par le virus SARS-CoV-2 et la prise d’antibiotiques synergisent” pour sélectionner ces bactéries moins diverses et plus résistantes. Résultat, l’infection "induit une dysbiose du microbiote tellement dramatique qu’elle peut mener au développement de bactériémies", ces dangereuses infections du sang par des bactéries.  

Le risque de bactériémies, redoutées infections du sang

“Les milliards de bactéries qui résident dans notre intestin ont de nombreux effets bénéfiques lorsqu’elles y sont confinées, mais sont dangereuses si elles traversent le tissu intestinal et atteignent les vaisseaux sanguins”, détaille la scientifique. Chez un individu sain, la grande diversité des bactéries bénéfiques de la flore intestinale limite la croissance des bactéries dangereuses. D’autant que le mucus, les cellules de Paneth ainsi que des cellules immunitaires préviennent leur passage dans le circuit sanguin. “Cependant dans un contexte inflammatoire, par exemple dans le cas d’un Covid-19 sévère qui génère la tempête cytokinique, certains de ces processus seront altérés, augmentant le risque de développer une bactériémie.” Un risque amplifié par la prise d’antibiotiques, si bien que les bactériémies concernent 12 à 14% des patients atteints de Covid-19. Une situation d’autant plus dramatique que les bactéries ayant survécu aux antibiotiques ont plus de chances d’être résistantes. 

Pour l’équipe, leurs travaux appellent à un usage le plus raisonné possible des antibiotiques dans la prise en charge du Covid-19. “D’un côté ils peuvent sauver des vies pour des patients atteints d’infections bactériennes, mais de l’autre aggraver certaines pathologies si nous ne sommes pas prudents”, développe Lucie Bernard-Raichon. Si l'état des connaissances actuelles est encore insuffisant, la chercheuse anticipe des développements futurs. “Des stratégies spécifiques utilisant des probiotiques ou une modification du régime alimentaire pourraient un jour atténuer les altérations du microbiote.” 

Source : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-covid-19-affecte-le-microbiote-pouvant-causer-de-graves-infections-du-sang_167520

Publié dans COVID-19, Santé

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