COP27 : du paradoxe d'accepter de réparer les impacts du changement climatique sans s’attaquer à ses causes
La COP27 sur le climat, qui s'est achevée ce week-end à Charm el-Cheikh, en Egypte, laisse un goût amer. Si elle a effectivement avancé au-delà des espérances sur les pertes et dommages, en créant un fonds dédié, elle a en revanche échoué à s'attaquer aux principales causes du changement climatique, les énergies fossiles. Sous la pression intense des lobbyistes et des États pétroliers et gaziers.
L'an dernier, à la COP26 de Glasgow, le ministre des affaires étrangères de l’archipel des Tuvalu, Simon Kofe, avait voulu marquer les esprits en prononçant son discours les pieds dans l'eau, afin d'illustrer la vulnérabilité des petits États insulaires.
La COP27, qui s’est achevée au petit matin dimanche 20 novembre, a créé la surprise en lançant un fond sur les pertes et dommages, ces dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique. Une demande que portaient les pays du Sud depuis trente ans, mais qui avait toujours été rejetée par les pays du Nord.
Ces-derniers ont donc largement infléchi leur position à Charm el-Cheikh en acceptant de mettre la main à la poche. Et les sommes nécessaires s’annoncent colossales puisque les coûts des pertes et dommages sont estimés entre 290 et 580 milliards de dollars par an dans les pays en développement d’ici à 2030, et jusqu’à 1700 milliards en 2050.
Ce qui est paradoxal, c’est que la décision finale a marqué un recul sur les énergies fossiles par rapport au Pacte de Glasgow, adopté à la COP26 l’an dernier. C’est sur ce sujet qu’ont porté les dernières tractations, l’Union européenne menaçant même à un moment de quitter la table des négociations. Finalement, les pays n'ont pas réussi à s'entendre sur une réduction progressive de toutes les énergies fossiles, se contentant de conserver l’appel à la réduction progressive du charbon lancé lors de la COP26.
Plus grave encore, un nouveau langage autour des énergies à "faibles émissions" a fait son apparition aux côtés des énergies renouvelables, ce qui pourrait justifier le développement de nouveaux projets fossiles, à l’encontre de ce que préconisent le GIEC et l'AIE. L’objectif de maintenir le réchauffement sous 1,5°C a été maintenu in extremis, mais les plans pour y parvenir sont absents du document.
"En clair, les gouvernements se sont mis d'accord à la COP27 pour financer une partie des dégâts causés par le changement climatique, mais pas pour limiter ces dégâts en réduisant davantage les émissions de gaz à effet de serre et l'usage des énergies fossiles", a résumé Anne Bringault, coordinatrice des programmes du Réseau action climat. La Une de Libération ce lundi 21 novembre titre quant à elle sur cette phrase choc "COP27, l’urgence attendra".
Il faut dire que les représentants du pétrole et du gaz étaient particulièrement présents à la conférence égyptienne, avec plus de 600 lobbyistes, en hausse de plus de 25% par rapport à la COP26. C’est plus que n’importe quelle autre délégation à l’exception de celles… des Émirats arabes unis, hôte de la COP28 en 2023. Et c’est plus que les représentants des dix pays les plus touchés par le changement climatique.
"Certains [de ces lobbyistes, ndr] font même partie de délégations nationales, et il y a aussi des gouvernements des pays du Nord qui viennent chercher des opportunités pétrolières et gazières en Afrique, avec d’importantes délégations", a déploré Thuli Makama, de Oil Change International. De nombreux contrats ont ainsi été signés en marge du sommet, sur fond de crise énergétique et de guerre en Ukraine.
Le climat est devenu un sujet diplomatique majeur pour les États pétroliers et gaziers qui investissent de plus en plus les espaces qui y sont dédiés, et qui bloquent avec succès toute avancée.
"L'industrie des combustibles fossiles et les élites dans leur poche se sont mobilisées pour prendre le contrôle de la COP27. C'est le dernier acte d'hommes désespérés qui ont d'abord nié la science du climat, puis retardé la politique climatique, et veulent maintenant usurper les vraies solutions climatiques avec de fausses solutions", a fustigé Catherine Abreu, fondatrice et directrice de l’ONG Destination Zero.
La COP28, accueillie par les Émirats arabes unis, sera donc un test majeur pour la crédibilité des États engagés à lutter contre le changement climatique. Et si leur intérêt est souvent remis en cause, ces grands-messes sont bien indispensables car ce sont les seuls espaces où des décisions sont prises sur le sujet, au niveau mondial. N’en déplaise aux médias français qui ont particulièrement boudé la COP27, à en croire le bilan tiré par Quota climat, avec seulement 1,4% du volume audiovisuel.
Voici le bilan du traitement médiatique de la #COP27 :
1,4% du total du volume audiovisuel français.
C'est largement insatisfaisant.