Les transports « actifs », à pied ou à vélo, bons pour la planète, la santé et l’économie
Le développement de la marche et des déplacements à vélo pourrait éviter 10 000 morts prématurées par an en France à partir de 2045, et faire économiser 34 milliards d’euros à la collectivité.
D’un côté, une urgence à agir pour limiter le réchauffement climatique. De l’autre, une urgence tout aussi cruciale à lutter contre le manque d’activité physique et la sédentarité, fléaux de santé publique et gouffre économique. Récemment, le coût social de l’inactivité physique a été évalué à 140 milliards d’euros annuels en France par France Stratégie, en lien avec les 38 000 décès prématurés et 62 000 cas de pathologies qu’elle occasionne.
Bonne nouvelle, ces deux combats peuvent être convergents. Le développement des transports dits « actifs », tel que prévu dans le scénario de transition énergétique négaWatt, pourrait aussi générer des bénéfices substantiels en termes de santé et de finances, selon une étude publiée cet été dans l’International Journal of Public Health (IJPH).
A partir de 2045, grâce à une pratique relativement modeste de la marche et du vélo, ce sont près de 10 000 morts prématurées qui pourraient être évitées chaque année dans notre pays – soit un gain d’espérance de vie de trois mois –, avec 34 milliards d’euros d’économies, estiment Kevin Jean, maître de conférences en épidémiologie au Conservatoire national des arts et métiers, et l’économiste Philippe Quirion, directeur de recherche au CNRS, qui ont coordonné ce travail. Dès 2030, les bénéfices seraient déjà importants, avec 5 000 décès prématurés prévenus, et 15 milliards d’euros d’économies, le coût social d’une année de vie perdue étant évalué à 139 000 euros.
Ces résultats ont été présentés le 29 septembre lors d’un webinar organisé par le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED).
L’association d’experts indépendants négaWatt propose un scénario de transition énergétique permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en France. Plusieurs fois remis à jour depuis 2003, la dernière version datant de cette année, il table notamment sur la sobriété et un déploiement massif des énergies renouvelables, avec des préconisations concrètes dans chaque domaine d’activité. Côté transports, activité qui contribue le plus, en France, aux émissions de gaz à effets de serre (environ 30 %), négaWatt mise, entre autres, sur un recours croissant aux transports en commun et aux mobilités actives. Avec une augmentation de 11 % d’ici à 2050 du nombre de kilomètres parcourus à la marche par individu (moins de 6 par semaine aujourd’hui), et de 612 % pour ceux parcourus à vélo, traditionnel ou électrique. Cette hausse de l’usage de la bicyclette pourrait paraître énorme, mais s’explique par un niveau actuel de pratique très bas en France : 2,4 km/personne par semaine en 2021. « Les 17,1 km/habitant par semaine en 2050 prévus par négaWatt correspondent à une heure de vélo hebdomadaire, soit le niveau actuel aux Pays-Bas, c’est tout à fait accessible », précise Kevin Jean.
Si l’essor des transports actifs est un levier non négligeable pour réduire les gaz à effet de serre, ses effets en termes de santé n’avaient, eux, guère été estimés dans ces scénarios.
Pour ce faire, les chercheurs français ont eu recours à une approche méthodologique classique pour les évaluations d’impact sanitaire. D’abord, ils ont réparti les distances de marche et de vélo parcourues selon les groupes d’âge dans la population, puis ils les ont converties en temps d’exposition à ces activités. Enfin, ils ont appliqué les réductions de mortalité correspondant aux niveaux de pratique, selon les chiffres de référence – issus d’une méta-analyse de 2014. Par exemple, 100 minutes hebdomadaires de vélo réduisent de 10 % la mortalité toutes causes, un gain équivalent à celui de 168 min/semaine de marche (-11 %).
Les décès prématurés évités par le développement du vélo et de la marche ont ainsi pu être estimés comparativement à un scénario sans hausse des mobilités actives. L’impact de santé publique et les économies associées s’annoncent considérables. D’autant, comme le souligne Kevin Jean, que leurs résultats sont possiblement sous-estimés, « la baisse de mortalité associée au vélo étant de 20 % dans une méta-analyse récente, soit deux fois plus que dans nos calculs ».
Il y a quelques jours, le gouvernement a annoncé un budget, de 250 millions d’euros en 2023 pour le plan vélo. Un montant inédit, mais qui reste bien modeste, en regard des bénéfices escomptés.