Les nouvelles recommandations du COVARS
Pas d’obligation de port du masque ou de vaccination, mais une responsabilisation de chacun face au COVID-19. Le successeur du conseil scientifique conseille de clarifier les messages de prévention pour mieux « responsabiliser la population » alors que la huitième vague de contaminations semble refluer.
Un peu moins d’un mois après l’annonce de sa composition, le Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS), successeur du conseil scientifique, publie son premier avis, lundi 24 octobre, sur la situation épidémiologique liée au COVID-19 en France. Les dix-huit experts émettent plusieurs recommandations, notamment sur la nécessaire accélération de la campagne vaccinale, le besoin d’une meilleure communication sur le port du masque, la promotion des tests antigéniques et autotests, ainsi que l’amplification de l’usage du Paxlovid – le principal antiviral disponible contre la maladie.
Demandé le 29 septembre dans le cadre d’une saisine des ministères de la santé et de l’enseignement supérieur et de la recherche, cet avis, rédigé très rapidement, est publié alors que la huitième vague de contaminations semble refluer, après avoir atteint un maximum le 10 octobre, avec plus de 56 000 nouveaux cas par jour. Le pic devrait également être bientôt atteint au niveau des hospitalisations, qui se stabilisaient à quelque 1 100 nouvelles admissions quotidiennes. Malgré tout, plus de 70 personnes continuent de mourir chaque jour de l’épidémie.
« La situation paraît assez stable et va aller vers la décroissance, car le taux de reproduction est aux alentours de 1, signe de l’inversion de la courbe épidémique », souligne l’épidémiologiste Fabrice Carrat, membre du COVARS, lors de la conférence organisée lundi. « Mais il est assez difficile de faire des projections à moyen terme car on ne sait pas comment les facteurs saisonniers vont agir sur la dynamique de l’épidémie, le niveau d’immunité dans la population reste insuffisant et il y a le risque de voir émerger un nouveau variant avec un échappement immunitaire », ajoute-t-il. Notamment le sous-lignage BQ.1.1, un variant d’Omicron, qui est en train de s’imposer en France et dans d’autres pays européens. Selon les experts, les deux prochaines semaines seront décisives pour voir si une neuvième vague se profilera.
Au-delà de cet état des lieux épidémique et viral, le COVARS « recommande aux politiques de prévention et de gestion sanitaire du COVID-19 une approche globale ciblant l’ensemble des maladies virales respiratoires saisonnières ». Une sorte de normalisation du COVID-19, donc, traité comme une maladie hivernale au même titre que la grippe. Or, souligne Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Versailles-Saint Quentin (Yvelines), le COVID-19 n’est pas encore devenu une maladie saisonnière. « Sur l’année 2022, quatre vagues se sont déjà succédé », rappelle-t-il, soit une tous les deux à trois mois.
Par ailleurs, pour Vincent Maréchal, professeur de virologie à la Sorbonne, « il est compliqué de dire que le COVID-19 est une maladie parmi d’autres en hiver, mais que c’est la seule pour laquelle on demande de se faire tester ». Pour le cofondateur du réseau Obépine, « il faut insister sur le développement d’alternatives, comme le suivi via les eaux usées, et notamment dans les périodes d’intercrise ».
De manière plus générale, « la tonalité de cet avis change par rapport à ceux du conseil scientifique, insiste Vincent Maréchal. L’accent est beaucoup plus mis sur la solidarité et la responsabilisation de la population face à l’épidémie. » C’est particulièrement vrai pour le port du masque, que le COVARS ne souhaite pas rendre de nouveau obligatoire, pas plus que les deuxième et troisième rappels vaccinaux. Leur idée est plutôt de « responsabiliser la population », l’inciter « à se prendre en main », selon les termes de la présidente, Brigitte Autran, afin de protéger les personnes les plus fragiles, en portant, par exemple, le masque dans les transports et les lieux très fréquentés par le public.
A rebours des mesures coercitives passées, la sociologue Annabel Desgrées du Loû estime ainsi qu’« il ne faut pas mettre sur les épaules des gens des fardeaux qu’ils ne peuvent pas porter ; c’est à chacun de prendre ses responsabilités et de faire ce qui est possible ». Pour ce qui est de l’adhésion aux règles d’isolement et de dépistage, la membre du COVARS suggère ainsi qu’en cas de test positif et en l’absence de symptômes, on doit pouvoir se rendre au travail avec un masque, si le télétravail n’est pas possible.
Cette position n’est toutefois pas partagée par tous les membres du comité. Mélanie Heard, responsable du pôle santé du cercle de réflexion Terra Nova, a notamment rédigé une « position minoritaire », figurant dans l’avis, et insiste sur le fait que « l’obligation [de port du masque dans les lieux clos mal aérés accueillant du public, y compris le milieu scolaire] paraît être une précaution nécessaire et proportionnée aux bénéfices attendus en termes de réduction de la circulation virale ».
Pour la politiste, « en santé publique, on ne peut pas en permanence diaboliser la contrainte ; on vit dans un système de protection du bien commun en santé qui repose sur de multiples contraintes dans tous les domaines ». « Il faut réintroduire de la raison et de la tempérance dans l’approche de ces mesures coercitives », ajoute Mme Heard. Le peu de données de CoviPrev, l’enquête en population générale concernant les comportements liés à l’épidémie, dont on dispose montre que parmi les personnes qui disent ne plus respecter les gestes barrières, seulement 23 % affirment que c’est parce qu’ils estiment que c’est une contrainte gênante au quotidien. « La très grande majorité des répondants qui ne portent plus de masque le font probablement parce que ce n’est plus obligatoire », souligne Mme Heard.
In fine, ce qui frappe à la lecture de ce document, ajoute Mahmoud Zureik, « c’est le manque d’interpellation des pouvoirs publics ». Edicter des recommandations directes au gouvernement, préconiser qui pourrait faire quoi… entre pourtant bien dans les missions de ce comité, relève l’épidémiologiste. A cet égard, le Covars est « très en retrait » vis-à-vis de l’exécutif, notamment par rapport aux avis du conseil scientifique qui l’a précédé.
La ventilation des lieux clos, par exemple, est expédiée en un court paragraphe. Le COVARS recommande de mettre en place « partout où la situation l’exige la ventilation des locaux (…) et de généraliser rapidement la mise en place de capteurs de CO₂ en milieu scolaire notamment ». Or, sans un « plan national ambitieux » en matière de qualité de l’air dans les bâtiments, « il ne se passera pas grand-chose », regrette Mahmoud Zureik.
Le comité insiste, enfin, sur la nécessité de « faciliter, amplifier, accélérer la campagne [de vaccination] sur tout le territoire national » et appelle notamment à ouvrir des centres supplémentaires. « Une pique aimable à l’égard des pouvoirs publics, une façon de reconnaître à demi-mot que la campagne de vaccination actuelle patine », note M. Zureik.
Dans les prochains mois, le COVARS a un programme chargé. Il rendra des avis sur la variole du singe, le futur des vaccins à ARN messager et les risques sanitaires des maladies transmises entre autres par les moustiques, en relation avec les changements climatiques. Il est également « vraisemblable », selon Mme Autran, qu’il s’auto-saisisse sur la question de la grippe aviaire et les risques psychosociaux des risques sanitaires. De quoi prolonger la réflexion sur l’adhésion aux mesures coercitives.