Lille : la future piscine de Saint-Sauveur, modèle de sobriété ou panier percé ?
À l’heure du dérèglement climatique et de son cortège de sécheresses, le futur complexe aquatique de Saint-Sauveur, porté par la MEL, veut consommer trois fois plus d’eau potable que la quinquagénaire piscine olympique Marx-Dormoy. La faute à son énorme fosse de plongée. Vous avez dit décalé ?
Le complexe aquatique de Saint-Sauveur, qui doit mettre à la retraite la piscine Marx-Dormoy, est « un projet vertueux sur la consommation d’eau ». C’est son maître d’ouvrage, la MEL, qui le dit. Un modèle de sobriété, grâce à son ratio de « 97 litres d’eau par baigneur et par an ». « Il est coutumier d’évoquer une consommation de 200 litres par baigneur dans les équipements anciens », vante la MEL depuis des années. Diviser par deux les besoins en eau ? Du bon sens, à l’heure du dérèglement climatique et de son cortège de sécheresses.
Seulement voilà. Au fil des enquêtes publiques successives sur ce projet, la MEL a été contrainte de préciser sa copie. Dans son avis du 1er avril 2022, la Commission locale de l’eau l’invitait ainsi à « démontrer la sobriété du projet de piscine olympique, notamment au regard de la fermeture de Marx-Dormoy, dans un contexte de tension » sur la ressource en eau. De même, dans son avis du 5 avril, l’Autorité environnementale qualifiait-elle les besoins en eau du complexe de « sous-évalués a priori », invitant la MEL à « reprendre ses estimations » et à produire un comparatif avec la piscine MaxDormoy.
Ce comparatif, la MEL l’a réalisé. Et il est édifiant. L’équipement prévu à Saint-Sauveur va consommer 67,4 millions de litres d’eau par an, soit plus du triple de la piscine Marx-Dormoy (voir tableau). Logique, à défaut d’être sobre, puisque l’un est un immense centre aquatique, l’autre une « simple » piscine olympique.
Sauf que les ratios par baigneur sont, eux aussi, défavorables au petit nouveau. Le complexe Saint-Sauveur consommerait 122 litres d’eau par usager et par an, là où Marx-Dormoy, malgré ses cinquante berges, se contente de 100 litres par tête de pipe.
Mais alors, d’où sort le fameux ratio de 97 litres d’eau par nageur brandi par la MEL ? La réponse figure noir sur blanc dans le dossier d’enquête publique : il s’agit de la consommation du complexe… « hors équipements exceptionnels ». C’est-à-dire sans la fosse de plongée. Un gouffre qui aspirera pourtant à lui seul un quart de la consommation du complexe (et moins de 7 % de sa fréquentation).
Sollicitée par La Voix du Nord sur cette « curiosité » comptable, la MEL n’a pas livré d’explication, se bornant à transmettre quelques éléments de langage : « La future piscine ne sera pas moins performante que l’actuelle. Elle présente des performances qui la placent aux tout premiers rangs des équipements aquatiques réalisés ces dernières années en France. Par rapport à une piscine construite il y a 20 ou 30 ans, la consommation d'eau par baigneur peut être divisée par 1,5 ou 2. » Saint-Sauveur, un complexe aquatique à la pointe des années 90 ?
Le complexe aquatique de Saint-Sauveur, prévu sur l’espace vert lillois du Belvédère, ne se résume pas à une piscine olympique de 50 m. Il doit également inclure un bassin polyvalent de 30 m, un bassin extérieur de 50 m ouvert toute l’année, un bassin ludique pour le jeune public, un bassin d’aqua-fitness et une fosse de plongée de 42,5 mètres de profondeur, record de France. À quoi il faut ajouter des espaces sauna, hammam, cryothérapie, ainsi qu’un restaurant et une salle de réception. Montant de l’investissement, 58 millions d’euros.