« Jour du dépassement » : à partir du 28 juillet, l’humanité vit à « crédit écologique »
Cette année, le monde sera en situation de « dette écologique » pendant 156 jours. Il nous faudrait 1,75 Terre pour régénérer ce que l’humanité consomme en termes de surface.
A partir du jeudi 28 juillet, le monde vit à crédit jusqu’à la fin de l’année. Le « jour du dépassement », date à partir de laquelle l’humanité a consommé l’ensemble de ce que les écosystèmes peuvent régénérer en un an, vient d’être atteint, selon les calculs de l’organisation américaine Global Footprint Network. La date fatidique arrive un jour plus tôt que l’année dernière, confirmant que l’accalmie provoquée par la crise sanitaire a été un épisode éphémère – en 2020, sous l’effet des confinements et restrictions sanitaires, le jour du dépassement avait reculé de trois semaines par rapport à 2019.
L’association WWF, à l’origine de la campagne de communication autour du jour du dépassement, rappelle ainsi que « les seules périodes d’accalmie n’ont pas été choisies ni anticipées : elles correspondent aux crises énergétiques (1973, 1979), financière (2008) et sanitaire (2020). » Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes au WWF France, estime que ce jour du dépassement permet d’illustrer que « notre système stagne depuis la période des accords de Paris ».
Pour Laetitia Mailhes, porte-parole de Global Footprint Network, cette année confirme une nouvelle fois la « concurrence accrue pour l’accès aux ressources dont on dépend », ce qui pose la question de savoir si l’humanité sera capable à terme « de faire ce qu’il faut pour vivre en fonction du budget écologique de notre planète. Il y a une finitude dont il faut prendre acte. »
Comme à l’accoutumée, ces calculs mettent en évidence que tous les pays ne contribuent pas dans les mêmes proportions à la dette écologique mondiale. Si l’ensemble de l’humanité vivait comme des Français, le jour du dépassement aurait été atteint dès le 5 mai. En suivant le mode de vie des Nord-Américains, l’échéance aurait été avancée de deux mois, le 13 mars, et elle aurait été atteinte le 2 juin pour le mode de vie de la population chinoise.
Si la méthodologie utilisée pour calculer ce jour du dépassement ne fait pas consensus, Aurélien Boutaud, chercheur associé au CNRS et auteur de L’Empreinte écologique (La Découverte, 2018), la défend en expliquant que « l’empreinte écologique est un indicateur très synthétique et a donc énormément d’avantages », notamment car « il agrège des milliers de statistiques dont il va traduire l’impact dans une unité de mesure commune ». Elle reconnaît toutefois « certains inconvénients, notamment quelques approximations, et il y a des aspects environnementaux ignorés » ou indirectement pris en compte, comme la protection de la biodiversité. Par ailleurs, l’indicateur est « très anthropocentré, on part du principe que les biocapacités sont entièrement dédiées à la survie des humains », note-t-il.
Cette année, le WWF met l’accent dans ce calcul sur le système alimentaire mondial qui « repose sur la destruction de la nature et les énergies fossiles ». L’association estime ainsi que 55 % de la biocapacité mondiale est utilisée pour nourrir l’humanité. Cette focalisation sur le système agricole n’étonne guère Pierre-Marie Aubert, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), pour qui « le système alimentaire est un élément ultra-déterminant dans la manière dont on utilise les terres ».
WWF rappelle que l’ensemble de la chaîne alimentaire est responsables de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre mondiaux tandis que l’agriculture représente 70 % de l’utilisation d’eau douce. L’association invite ainsi à « modifier nos régimes alimentaires en réduisant la consommation de viande et de produits laitiers » et à soutenir la transition vers l’agroécologie. Elle plaide notamment pour que l’Union européenne adopte un règlement européen ambitieux face à la déforestation importée et appelle la France à mettre en place des dispositions financières visant à décourager les exploitations agricoles intensives. Pour Pierre-Marie Aubert, « changer les pratiques alimentaires [a des] effets considérables si tant est que ce soit accompagné par des politiques qui agissent sur l’offre agricole ».