84 dirigeants d'entreprise appellent à une "sobriété organisée" plutôt que "subie"
"Passer d’une "sobriété d’urgence", subie, à une sobriété organisée. Tel est l’enjeu auquel, nous, dirigeants d’entreprise, avons décidé de collectivement faire face", lancent ainsi 84 dirigeants d'entreprise dans une tribune publiée dans le JDD. Initié par le mouvement Impact France, l’appel incite à "faire de la sobriété énergétique un choix collectif". La tribune est signée par des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire mais aussi des dirigeants de grandes entreprises comme Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, Hélène Bernicot du Crédit Mutuel Arkéa ou encore Pascal Demurger à la tête de l'assureur MAIF.
"La sobriété n’est pas synonyme de pénurie, de repli ou de déclin, mais elle est la réponse à l’équation la plus cruciale de notre temps qui devrait aujourd’hui être au cœur de toute réflexion politique : comment répondre aux besoins de chacun dans un monde aux limites planétaires dépassées et au consumérisme débridé", écrivent les entrepreneurs engagés dans le JDD. "Une sobriété durable passera obligatoirement par un partage de la valeur équitable et par une intégration du temps long au sein de l'entreprise, et donc par des évolutions de gouvernance", ajoutent ces derniers.
Cette prise de position fait écho à celle des trois énergéticiens français, Engie, TotalEnergies et EDF, qui avaient également publié une tribune dans le JDD pour encourager à plus de "sobriété". Les trois entreprises dominantes en France sur l’électricité, le gaz et le pétrole incitaient à consommer moins d'énergie pour répondre à l’urgence de la situation. Ils évoquaient alors une "nécessaire sobriété d’exception, nous disposons d’outils, d’expertises, que nous entendons mobiliser pour atteindre cette sobriété dans la durée sans affecter significativement nos modes de vie", soulignaient-ils. Mais les 84 dirigeants qui signent la tribune cette semaine dans le JDD vont plus loin.
Les dirigeants engagés estiment que c’est précisément nos modes de vie qu’il va falloir transformer en profondeur. "Nous plaidons pour ne pas limiter la question de la sobriété à une réponse ponctuelle de chaque citoyen face à une crise d’inflation et de pénurie subie, mais en faire une approche globale engageant l’économie sur un nouveau modèle choisi et maîtrisé", souligne ainsi Jean Moreau, fondateur de Phenix et coprésident du mouvement Impact France.
Les entrepreneurs militent ainsi pour intégrer au cœur de la stratégie des entreprises les "démarches d'économie circulaire, d'économie d'usage, de relocalisation, de régénération de la biodiversité, ou encore d'alignement des réductions carbone de l'entreprise avec l'accord de Paris" sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces modèles se développent dans plusieurs secteurs, comme le textile avec le recours à la seconde main et à la réparabilité garantie, dans l’alimentation avec le recours à l’agriculture biologique sobre en intrants carbonés, les circuits courts ou la lutte contre le gaspillage ou encore la mobilité avec les solutions douces et décarbonées, et même le numérique à travers les initiatives "low-tech" ou "tech for good".
Par ailleurs, les auteurs de la tribune estiment que la sobriété choisie est aussi un moyen de concilier l’écologie à des enjeux sociaux. "La sobriété économique organisée est un moyen de ne pas faire peser le poids de la transition sur les plus démunis", écrivent-ils. Ils espèrent "faire évoluer notre modèle global de compétitivité" afin de "sortir enfin les entreprises d'une perpétuelle injonction contradictoire" entre objectifs financiers d'un côté, climatiques et sociaux de l'autre. Une autre tribune publiée dans Socialter et Médiapart, ajoute qu'en "France, une personne appartenant aux 10% les plus riches émet en moyenne 5 fois plus de gaz à effet de serre qu’une personne appartenant aux 50% les plus pauvres".
Les signataires de la tribune du JDD proposeront ce "choix collectif" le 30 août lors "des Universités d'été de l'économie de demain" à Paris. Un rendez-vous qui se tiendra en même temps que l'université d'été de la première organisation patronale française, le Medef, rebaptisée Rencontre des entrepreneurs de France (REF). Par ailleurs, c’est aussi à la rentrée que les membres de la Convention des entreprises pour le climat (CEC) vont faire 10 propositions aux élus pour transformer l’économie. Ils militent notamment pour rendre obligatoire la publication d’un indice biodiversité ou pour fixer les bonus des dirigeants en fonction des stratégies climat mais aussi pour généraliser les bilans carbone. Après 9 mois de réflexion et 6 sessions plénières, les 150 entreprises qui ont participé à l’aventure plaident pour "réinventer l'entreprise, l'aligner sur les limites planétaires et entrer dans une économie régénérative" soulignent-ils.