En France, un adulte sur quatre serait concerné par une forme de déficience auditive
La déficience auditive est un problème de santé publique qui touche des milliards de personnes, dans tous les pays. Toutefois, les données de prévalence (c’est-à-dire, schématiquement, leur fréquence dans la population), ainsi que celles décrivant le recours à des prothèses auditives, demeurent imprécises. Une nouvelle étude menée par une équipe de recherche de l’INSERM et d’Université Paris Cité au PARCC (Paris Cardiovascular Research Center, unité Inserm 970) [1], en collaboration avec l’AP-HP et l’hôpital Foch à Suresnes, montre pour la première fois qu’en France, 25 % des adultes sont touchés par une forme de déficience auditive. La déficience auditive invalidante, plus grave, concernerait 4 % des adultes. Cette prévalence varie avec l’âge et en fonction d’autres facteurs (niveau de vie, bruit au travail, pathologies cardiovasculaires…) qui sont décrits dans l’étude. Par ailleurs, les scientifiques indiquent que les appareils auditifs demeurent largement sous-utilisés, notamment chez les seniors. Ces résultats, qui s’appuient sur les données de milliers de participants issus de la cohorte Constances, sont publiés dans la revue JAMA Open Network.
Environ 1,5 milliard de personnes dans le monde sont concernées par une déficience auditive et les projections de l’OMS suggèrent que, d’ici 2050, elles seront 2,5 milliards. Il s’agit d’une problématique de santé publique majeure, d’autant que la déficience auditive est associée à une dégradation de la qualité de vie, à l’isolement social et à d’autres problèmes de santé tels que la dépression, le déclin cognitif ou encore la démence.
Cependant, il est encore difficile de prendre toute la mesure du problème et d’améliorer les mesures de prévention et le dépistage, car les données disponibles concernant la prévalence exacte de la déficience auditive, les caractéristiques des individus concernés et le recours à des prothèses auditives sont encore parcellaires.
Elles sont en effet le plus souvent dérivées d’études portant sur des petits échantillons de participants peu représentatifs, dont il est compliqué de tirer des généralités, et sur des données de surdité auto-rapportées et non mesurées.
Afin de disposer de données plus robustes permettant d’éclairer les politiques publiques, une équipe de recherche de l’INSERM, l’AP-HP, Université Paris Cité et l’hôpital Foch ont évalué la prévalence de la déficience auditive en France, en s’appuyant sur les données de 186 460 volontaires de la cohorte Constances, représentative de la population générale adulte, et chez qui la surdité a été mesurée à partir de tests auditifs.
Constances est une grande cohorte épidémiologique française, constituée d’un échantillon représentatif de 220 000 adultes âgés de 18 à 75 ans à l’inclusion. Les participants sont invités à passer un examen de santé tous les quatre ans et à remplir un questionnaire tous les ans. Les données de ces volontaires sont appariées chaque année aux bases de données de l’Assurance maladie. Cette grande cohorte est soutenue par la Caisse nationale de l’assurance maladie et financée par le Programme d’investissement d’avenir.
Les données recueillies concernent la santé, les caractéristiques socioprofessionnelles, le recours aux soins, des paramètres biologiques, physiologiques, physiques et cognitifs et permettent d’en apprendre plus sur les déterminants de nombreuses maladies.
Pour en savoir plus : constances.fr
Ces volontaires, âgés de 18 à 75 ans, avaient remplis des questionnaires concernant leurs caractéristiques démographiques et socio-économiques, leur historique médical et celui de leurs proches, ainsi que leurs modes de vie. Ils avaient également passé un examen médical, entre 2012 et 2019, incluant un test d’audition.
Les auteurs de l’étude ont analysé l’ensemble de ces données et ont ainsi montré que 25 % des individus de l’échantillon étudié présentaient une déficience auditive. Par ailleurs, 4 % étaient concernés par une déficience auditive invalidante (voir encadré ci-dessous). De plus, ces travaux indiquent que le recours aux prothèses auditives est faible. Ainsi, seuls 37 % des patients touchés par une déficience auditive invalidante portaient un tel appareillage.
- Le terme « déficiente auditive » est employé pour parler d’une personne qui n’est pas capable d’entendre aussi bien qu’une personne ayant une audition normale, le seuil étant de 20 décibels (dB) de perte dans la meilleure oreille.
- Une « déficience auditive invalidante » désigne une perte auditive supérieure à 35 décibels (dB) dans la meilleure oreille.
Pour aller plus loin dans l’interprétation, les chercheurs ont ensuite tenté de définir les facteurs associés à la déficience auditive. Leurs analyses suggèrent que les personnes âgées, les hommes, les individus avec un indice de masse corporelle (IMC) élevé, la présence d’un diabète, des facteurs de risque cardiovasculaires, des antécédents de dépression ou le fait d’avoir été exposé à des nuisances sonores au travail présentaient les probabilités les plus élevées de souffrir d’une déficience auditive.
À l’inverse, le fait d’avoir un revenu ou un niveau d’éducation plus élevé, de vivre seul et d’habiter en zone urbaine était associé à des probabilités plus faibles de déficience auditive.
Le recours aux appareils auditifs était particulièrement faible chez les personnes âgées (alors qu’elles sont proportionnellement plus touchées par une déficience auditive invalidante), les hommes, les fumeurs et les personnes ayant un IMC élevé.
Mieux connaître la prévalence de la déficience auditive et le profil des personnes concernées représente un intérêt certain pour mieux cibler les patients qui présentent des risques, afin d’affiner les mesures de prévention, de les dépister et d’améliorer leur prise en charge.
« C’est la première fois en France qu’une étude sur la prévalence de la déficience auditive et l’usage des appareils auditifs est menée sur un échantillon aussi large et aussi représentatif de la population française adulte. Cela permet de dresser un état des lieux fiable et d’apporter des clés aux décideurs publics alors que des solutions efficaces (comme les appareils auditifs ou encore les implants cochléaires) existent pour prendre en charge ce problème de santé majeur », soulignent Quentin Lisan et Jean-Philippe Empana, qui ont coordonné l’étude.
Alors que la France a récemment adopté une mesure permettant le remboursement des appareils auditifs par la Sécurité sociale (ce n’était pas encore le cas au moment où cette étude a été menée), il serait intéressant que les recherches à venir évaluent l’efficacité d’un tel dispositif pour encourager le recours aux appareils auditifs.
[1] Equipe 4 Epidémiologie Intégrative des maladies cardiovasculaires