Automobile : le tout-électrique en 2035 n’est pas la solution miracle
Le 8 juin, le Parlement européen a voté en faveur de l’interdiction des ventes de voitures neuves thermiques à partir de 2035. Un vote qualifié d’historique par beaucoup. Mais il ne s’agit là que de la première marche à gravir pour transformer en profondeur le secteur de la mobilité. Réduction du parc automobile, de la taille et du poids des véhicules, sobriété dans nos déplacements, développement des modes doux, autopartage et covoiturage sont autant de défis qu’il reste à relever pour atteindre nos objectifs climatiques.
La marche à gravir était haute mais ils l’ont fait. Mercredi 8 juin, les députés européens ont voté en faveur de la fin des ventes de voitures neuves thermiques à partir de 2035. Et ce, malgré un lobbying intense de la part de l'industrie automobile. Mais ce n’était là que le premier échelon d’une transformation qui s’annonce bien plus profonde. "C’est en effet une décision historique et il est important de s’en réjouir car cela envoie un signal fort pour demain. Mais ça ne permettra pas d’un coup de baguette magique d’éliminer les émissions du secteur", résume Pierre Leflaive, responsable Transports au sein du Réseau action climat (RAC).
"Aussi bien pour les émissions de gaz à effet de serre que les polluants atmosphériques, la voiture électrique apparaît plus favorable que la voiture thermique, mais dans des proportions qui restent insuffisantes et qui ne doivent pas masquer des niveaux d’émissions qui restent importants", analyse Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports, dans un article publié dans la Revue de l’Institut polytechnique de Paris. "L’électrique doit ainsi être encouragé, car c’est la meilleure alternative pour se séparer du pétrole, mais cela ne peut être vu et envisagé comme une unique solution miracle… car elle ne l’est pas".
Demain, l’ensemble du parc automobile actuel ne pourra donc pas être remplacé par du tout électrique. Ce ne serait tout simplement pas soutenable d’un point de vue environnemental. Si une voiture électrique émet trois à cinq fois moins de gaz à effet de serre qu’un véhicule thermique sur l’ensemble du cycle de vie, sa fabrication pose de nombreux enjeux. L’extraction de minerais et de métaux rares notamment est très néfaste pour l’environnement et pose la question de la finitude des ressources. La relocalisation de la production de batteries et leur recyclage sont aussi des défis majeurs. La taille du parc automobile et le poids des véhicules constituent dès lors des points essentiels à discuter.
"Alors qu’une voiture sur deux vendue aujourd’hui est un SUV, il va falloir opérer un virage à 90°C pour aller vers parc automobile plus petit, plus léger et moins émetteur", précise Pierre Leflaive. Le besoin en métaux critiques dépend de la taille de la batterie et donc du véhicule. En outre, une récente étude, réalisée par Emissions Analytics, montre que les émissions liées à l’usure des pneus augmentent avec la masse du véhicule et s’avèrent près de 2 000 fois plus importante en moyenne que les émissions liées aux pots d’échappement. Des véhicules plus légers seront également davantage accessibles pour les plus modestes.
Mais cette question du poids des véhicules n’a pas été retenue par les eurodéputés. Cela se jouera donc au niveau national lors de la discussion du Projet de loi de finances 2023 à l’automne. Le Rac propose un amendement pour abaisser le seuil du malus poids à 1 300 kg (40 % du parc) contre 1 800 kg (2 % du parc) et en instaurer un nouveau sur les véhicules électriques à partir de 1 800 kg.
D’autres leviers peuvent être activés. On pense bien sûr aux modes de déplacements alternatifs que sont les transports en commun, le train, le vélo ou même la marche. Le remplissage des voitures grâce au covoiturage doit aussi être favorisé. "La voiture ne doit plus être vue comme un objet privé mais plutôt comme un service" précise le Rac qui propose la mise en place de flottes de véhicules publics. Il s’agit enfin de réduire nos déplacements en retrouvant davantage de proximité au quotidien et en réduisant les plus longs trajets.
Aurélien Bigo pointe d’autres problématiques qui resteront inchangées avec le passage au tout-électrique : "la consommation d’espace de la voiture ; les infrastructures de transport, entraînant artificialisation des sols et impacts sur la biodiversité ; les problématiques d’accidentologie ; l’inactivité physique et la sédentarité". Pour résumer, dit-il, "l’électrification est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques, mais c’est la non-soutenabilité des usages actuels de la voiture qu’il faut questionner".