Le réchauffement climatique, enjeu croissant pour la disponibilité du parc nucléaire
EDF pourrait réduire l’activité de sa centrale du Blayais, dans l’estuaire de la Gironde. L’exploitant français s’attend déjà à une année historiquement basse en matière de production.
En cas de canicule ou de sécheresse, les centrales nucléaires doivent parfois produire moins. Avec le réchauffement climatique, le scénario pourrait de plus en plus se produire au printemps ou à l’automne, et non plus seulement en été. Exemple : lundi 9 mai, « en raison des prévisions de températures élevées de certains fleuves » et pour leur épargner un surcroît de chaleur, l’électricien EDF a annoncé des restrictions possibles jusqu’au dimanche 15 sur le site du Blayais, dans l’estuaire de la Gironde – l’eau, d’abord pompée pour refroidir la centrale, revient ensuite plus chaude dans la nature.
A l’échelle d’une année et de tout le parc nucléaire, l’impact reste minime. Il « n’entraîne pas une révision de l’estimation de production nucléaire pour 2022 », explique EDF au Monde. L’exploitant français s’attend déjà à une année historiquement basse depuis trois décennies – selon ses indications, à peine vingt-neuf réacteurs sur cinquante-six fonctionnaient, mercredi 11 mai –, mais pour d’autres raisons, qui tiennent à l’impact du Covid-19 sur le calendrier des maintenances et à des problèmes de corrosion.
« Depuis 2000, les pertes de production pour cause de température élevée des fleuves et de faible débit des fleuves ont représenté en moyenne 0,3 % de la production annuelle du parc », indique EDF. Un cas particulier : pendant la canicule de 2003, le pourcentage s’était alors élevé à 1,5 %, selon les données transmises par RTE, le gestionnaire national du réseau de transport d’électricité. De façon plus ponctuelle, les fortes chaleurs estivales de 2019 ont causé des indisponibilités d’environ 6 gigawatts en simultané : presque 10 % de la capacité installée du parc.
Depuis le milieu des années 2000, le sujet a surtout touché quatre centrales : celle de Chooz (Ardennes) à côté de laquelle coule la Meuse, celles de Saint-Alban (Isère) et du Bugey (Ain) sur les bords du Rhône, et celle de Golfech (Tarn-et-Garonne), dans le Sud-Ouest.
Réduire le fonctionnement en cas de forte chaleur relève d’abord d’une obligation légale. Le droit de l’environnement encadre les rejets d’effluents afin de préserver la biodiversité des cours d’eau. Dans le cas du Blayais, un arrêté datant de 2003 impose une température limite : 30 °C du 15 octobre au 15 mai, puis 36,5 °C le reste de l’année. Dans les deux cas, le texte part d’une même « hypothèse » : les rejets depuis la centrale contribueraient à une élévation de 11 °C.
« La canicule peut avoir des conséquences sur la production d’électricité pour des raisons de protection environnementale, mais potentiellement aussi sur la sûreté des centrales nucléaires », soulignait, dans une note de 2020, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L’établissement public mentionne les groupes électrogènes de secours. « De fortes températures extérieures peuvent perturber leur fonctionnement », précise-t-il au sujet de ces « matériels essentiels à la sûreté des réacteurs dans différentes situations accidentelles ».
EDF dit avoir effectué divers travaux ces dernières années. Par exemple, l’installation de « systèmes de réfrigération puissants permettant d’extraire l’air chaud des locaux », ou encore celle de « matériels dotés d’une résistance de plus en plus importante aux fortes chaleurs ».
« Le réchauffement climatique va accroître le risque d’indisponibilité des réacteurs lors de canicules ou de sécheresses qui seront plus intenses, pour les centrales actuelles en bord de fleuve », relève Thomas Veyrenc, directeur de la stratégie et de la prospective à RTE. Dans son rapport paru fin 2021, « Futurs énergétiques », le gestionnaire du réseau de transport d’électricité anticipe les scénarios en cas de mauvaise année à l’horizon 2050. Les pertes dues au réchauffement pourraient aller jusqu’à plus de 10 térawattheures – soit environ 3 % de la production attendue pour 2022.