La biodiversité contribue à protéger notre santé

Publié le par Reporterre via M.E.

Entretien avec Marie-Monique Robin : Le dernier film de Marie-Monique Robin, « La fabrique des pandémies », montre le rôle des humains dans l’émergence et la diffusion de zoonoses, comme le Covid-19. Le message est clair : pour protéger notre santé, il faut préserver la biodiversité.

La pandémie de Covid-19 pourrait être la première d’une longue série, si l’on continue à détruire la Terre. Ce lien entre zoonoses, d’origine animale, et biodiversité est au centre du dernier film de Marie-Monique Robin, La fabrique des pandémies, diffusé à partir du 22 mai.

Née en 1960, Marie-Monique Robin a réalisé plus de 200 reportages et documentaires. Une douzaine d’entre eux sont associés à des livres, dont Le monde selon Monsanto, Sacrée croissance ! ou Le Roundup face à ses juges. Elle a reçu une trentaine de prix internationaux.

Reporterre — Quel a été votre point de départ pour dérouler la pelote depuis le virus, en l’occurrence le Sars-CoV-2, jusqu’à la sauvegarde de la biodiversité ?

Marie-Monique Robin — Un article de David Quammen dans le New York Times, intitulé « We made the coronavirus epidemic », paru le 28 janvier 2020. Il y explique comment, en pénétrant les forêts tropicales et autres espaces sauvages, les hommes dérangent les écosystèmes et finissent par devenir les hôtes de virus inconnus qui jusque-là vivaient sur d’autres espèces. Il en cite plusieurs : Ebola, VIH, grippe aviaire, Sars, etc. Cela a éveillé ma curiosité et j’ai commencé à interviewer des virologues, parasitologues, écologues, épidémiologistes, médecins, vétérinaires, qui ont identifié, documenté et expliqué ce qu’ils appellent « les territoires d’émergence » des maladies infectieuses.

 
 
Vous emmenez principalement les téléspectateurs dans des pays du Sud, pourquoi ce choix ?

Mon angle était de suivre les virus émergents. Or ils apparaissent pratiquement tous là où la biodiversité est la plus importante : les zones tropicales ou comportant encore des forêts primaires. Je suis cependant allée aux États-Unis pour mettre en lumière le concept d’effet de dilution [1] inventé par les biologistes Felicia Keesing et Richard Ostfeld.

Ces deux chercheurs se concentrent sur la maladie de Lyme, transmise à l’homme par la tique, mais dont l’hôte originel est la souris à pattes blanches. Ils démontrent qu’en morcelant les forêts et en supprimant les prédateurs de la souris, l’homme crée un vide et devient lui-même un hôte potentiel. La place est libre pour ces souris, qui se mettent à proliférer. Ainsi, quand la biodiversité animale est riche, le risque qu’une tique soit infectée en se nourrissant est faible. La biodiversité contribue à protéger notre santé.

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On comprend, dans votre film, que d’autres pandémies sont possibles.

L’OMS [2] identifie aujourd’hui une à cinq émergences par an. Dans les années 1970, c’était une tous les quinze ans. 70 sont des zoonoses, c’est-à-dire des maladies ou infections qui passent de l’animal à l’homme. Serge Morand, spécialiste en écologie parasitaire, parle d’un risque d’« épidémie de pandémies ». Cela à cause des activités humaines, à savoir les déboisements massifs pour installer monocultures ou élevages intensifs qui rompent l’équilibre écologique. Des espèces hôtes telles certaines chauves-souris ou rongeurs migrent quand leur territoire est détruit et entrent en contact avec les hommes ou leurs animaux domestiques (porcs). Les scientifiques mettent en lumière que, tant que nous aurons un modèle économique basé sur la surconsommation et l’exportation, nous détruirons la biodiversité. Alors même que c’est elle qui protège notre santé.

Comme pour le dérèglement climatique, les décideurs politiques et économiques ne changent pas le système. Dès lors, comment agir ?

Ce documentaire est porteur d’espoir. En établissant scientifiquement le rapport entre biodiversité et émergence de nouveaux virus mortels pour l’homme, nous comprenons que les pandémies ne sont pas une fatalité et que nous pouvons agir contre ce processus. Nous pouvons réduire « à bas bruit » l’existence des agents pathogènes en ne détruisant pas leurs hôtes non humains, donc en préservant la biodiversité. Ne pas consommer d’animaux nourris au soja importé du Brésil est une action en soi, bannir l’huile de palme, les OGM, etc. Il faut sortir de la logique de la croissance infinie sur une planète finie. Mais il faut avouer que la volonté politique manque et que tout ne peut pas se faire à l’échelle individuelle ou associative.

Notes

[1Dans un milieu donné, plus la biodiversité est diversifiée, moins les maladies infectieuses se propagent.

Publié dans Biodiversité, Santé

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