Rapport du GIEC : pour réduire nos émissions, il faut allier technologies propres et transformation de nos modes de vie
Très attendu, le dernier rapport du GIEC a été approuvé dans la soirée du dimanche 3 avril, avec deux jours de retard. Portant sur les solutions, il met à la fois l'accent sur les technologies propres et sur la baisse de la demande, autrement dit sur la sobriété, en y consacrant pour la première fois tout un chapitre. Les émissions peuvent encore être réduites de moitié d'ici 2030, mais cela nécessite la mise en place d'actions au plus tard d'ici 2025.
Avec 48 heures de retard, et au terme d’un final qui aura duré 40 heures, le dernier volet de la sixième évaluation du GIEC, le groupe intergouvernemental d’experts sur le climat, a finalement été approuvé tard dans la soirée de dimanche 3 avril. Signe que les négociations entre les 195 États membres ont été tendues jusqu’au bout, notamment au sujet de la sortie des énergies fossiles, sur fond de guerre en Ukraine, et de dépendance extrême aux hydrocarbures russes.
Après deux premiers volets consacrés à l’état des lieux et aux impacts du changement climatique, ce troisième rapport dresse les solutions pour diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, avec un pic des émissions et une accélération des politiques climatiques avant 2025, soit d'ici trois ans. Un objectif encore réalisable, indiquent les scientifiques du GIEC dans leur résumé aux décideurs, mais qui implique d’accélérer immédiatement, au risquer de refermer une fois pour toute la fenêtre de tir.
Le résumé aux décideurs dresse ainsi l’inventaire des solutions qui doivent être mises en place, dans un contexte de chute continue des prix des technologies bas-carbone depuis 2010. Elles passent par "la transition des combustibles fossiles sans CSC (capture et stockage de CO2) vers des sources d'énergie à très faible ou zéro carbone, telles que les énergies renouvelables ou les combustibles fossiles avec CSC, les mesures axées sur la demande et l'amélioration de l'efficacité, la réduction des autres gaz à effet de serre et le déploiement de méthodes d'élimination du dioxyde de carbone (Carbon Dioxyde Removal, CDR) pour contrebalancer les émissions résiduelles de gaz à effet de serre."
Si le GIEC appelle clairement à une sortie des énergies fossiles, au prix d’un sérieux bras de fer, la mise en avant de technologies controversées d’émissions négatives, comme la capture et le stockage du CO2 ou la capture du carbone directement dans l'atmosphère, interroge. "La stratégie centrale d'atténuation du climat - éliminer progressivement tous les combustibles fossiles, dès aujourd’hui - est souvent diluée par des références au CDR et à la capture et au stockage du carbone, qui sont destinées à maintenir l'industrie des combustibles fossiles en vie", regrette ainsi Linda Schneider de la Fondation Heinrich Boell.
"Il ne s’agit pas de substituer ces technologies à la réduction des émissions, précise toutefois Céline Guivarch, directrice de la recherche au sein du CIRED (Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement). Ce que dit bien le rapport c’est qu’il faut réduire nos émissions jusqu’au niveau le plus faible possible. Mais pour atteindre l’objectif zéro émissions nettes en 2050, on a besoin d’un peu d’émissions négatives permises par ces technologies pour contrebalancer les émissions résiduelles."
D’un autre côté, et pour la première fois, le GIEC consacre tout un chapitre à la maîtrise de la demande, et sans l’indiquer explicitement, à la sobriété. La marche à pied et le vélo sont plébiscités, de même que les transports électrifiés, la réduction des voyages en avion ou la rénovation énergétique des bâtiments. Les experts estiment ainsi que "l'atténuation du côté de la demande peut réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 à 70 % d'ici 2050", tout en étant "compatibles avec l'amélioration du bien-être de base pour tous". "Cela passe par des changements de comportement à titre individuel, mais il incombe aussi au collectif de créer les conditions de ces choix", ajoute Franck Lecocq, directeur du CIRED.
"Nous ne sommes pas sur la bonne voie pour limiter le changement climatique à 1,5°C mais nous avons les moyens de corriger le tir, c’est ce que nous dit ce nouveau rapport du GIEC", conclut Raphael Jachnik, spécialiste de la finance climat à l’OCDE. "Les trois prochaines années sont cruciales car les investissements d’aujourd’hui vont avoir des conséquences pour les décennies à venir." "Nous sommes à la croisée des chemins pour garantir un avenir vivable", a également déclaré le président du GIEC, Hoesung Lee. Sans changement majeur, le réchauffement pourrait atteindre +3,2°C d'ici la fin du siècle.