COVID long chez les enfants : la recherche et le diagnostic toujours dans le flou

Publié le par Sciences & Avenir via M.E.

Si de nombreux adultes souffrent de COVID long, la maladie reste toutefois très difficile à définir chez les enfants. Une large étude ainsi que des professionnels de santé craignent des diagnostics à tort chez les jeunes patients.

Le Covid long chez les enfants reste compliqué à diagnostiquer. PIXABAY

Le COVID long chez les enfants vient tout juste d'obtenir sa définition, mise au point par un groupe d'experts. Il s'agit d'au moins un symptôme persistant pendant au moins 12 semaines après une infection confirmée au COVID-19 et qui ne peut être expliqué par un autre diagnostic. La définition précise que "les symptômes ont un impact sur le fonctionnement quotidien, peuvent continuer ou se développer après l'infection au COVID-19 et peuvent fluctuer ou rechuter avec le temps." Une définition qui arrive bien après celle mise au point pour les adultes et qui permet de mieux circonscrire cette maladie chez les plus jeunes. En deux ans de pandémie, 400 millions de cas de COVID ont été recensés et de nombreux autres sont probablement passés sous les radars. Selon les estimations, environ 100 millions de malades pourraient souffrir de Covid long. Mais difficile de chiffrer quelle part des enfants infectés par le virus présente encore des symptômes sur le long terme.

Peu d'études solides sur le Covid long chez les enfants

Une méta-analyse publiée sur MedrXiv (donc pas revue par les pairs) pointe le manque de recherches fiables concernant ce syndrome chez les enfants. L'équipe de l'Université de Bâle en Suisse a pour cela analysé 21 études portant sur le COVID long, avec 81.896 enfants inclus au total, suivis de 2 à 11,5 mois. Les résultats de cette méta-analyse montrent qu'une quinzaine d'études n'avaient pas de groupe témoin, donc pas de groupe d'enfants non-malades avec lequel comparer ceux atteints de COVID long, ce qui constitue normalement un standard pour assurer la validité scientifique d'une recherche. Ajouté à cela, l'article précise que dans les deux études les plus vastes menées sur le sujet et qui avaient mis en place un bras de contrôle, même les enfants non infectés par le COVID-19 présentaient des symptômes de COVID long (respectivement 34% et 53% des jeunes patients dans les deux études). "Ces chiffres sont bien plus élevés que chez les enfants ayant été infectés dans les autres études sans bras de contrôle. Cela montre à quel point sans groupe témoin, aucune interprétation sensée ne semble possible. Il n'est pas exclu que les symptômes reportés n'aient pas été causés par l'infection", explique la méta-analyse, qui précise que l'implication de nombreux facteurs est difficile à discerner. La situation sociale, les facteurs psychologiques et mentaux, les facteurs économiques ou encore le degré d'information des parents peuvent jouer un rôle à la fois sur le risque d'infection des enfants mais également sur la prise de conscience de leurs symptômes.

Pas de prise en charge spécialisée en France

"De nombreux symptômes du COVID long, comme les maux de tête ou la fatigue, peuvent avoir de nombreuses causes autres que celles d'une infection avec un virus. Selon notre analyse, aucune des études n'a fourni de preuves qu'une infection au SARS-CoV-2 aurait un impact sur long terme", commente Julian Hirt, auteur de l'étude publiée sur MedrXiv et chercheur en soins infirmiers appliqués à l'Université de Bâle auprès de Sciences et Avenir. Pourtant, de nombreuses consultations spécialisées ont été mises en place dans le monde. En Europe, les hôpitaux de Genève, de Zurich ou encore de Munich proposent des circuits spécifiques pour les enfants et adolescents souffrant de COVID long. En France, il n'existe pas de circuit spécifique pour ces enfants et adolescents. "Ces patients sont vus dans des consultations de pédiatrie générale, dans les services de maladie infectieuse ou dans des consultations spécialisées dans la douleur", explique François Angoulvant, professeur de pédiatrie générale à l'hôpital Robert Debré à Paris.

"La grosse différence par rapport aux adultes, c'est que les personnes plus âgées gardent souvent des séquelles respiratoires, d'où la mise en place de filières spécifiques pour eux", précise le spécialiste. Chez les enfants, les symptômes respiratoires sont très rares, tout comme la tachycardie. Ces derniers se plaignent plutôt de fatigue, de maux de tête, dorment beaucoup... Des "formes aspécifiques" qui deviennent préoccupantes lorsqu'elles s'accompagnent d'un retentissement social est scolaire, avec un absentéisme important. "On voyait déjà des adolescents avec ce genre de plaintes avant la pandémie de COVID-19, d'où l'importance de ne pas leur coller trop vite des étiquettes."

Ecarter d'abord d'autres diagnostics

Que leurs symptômes soient liés au COVID-19 ou non, ces mineurs doivent toutefois être pris en charge. La Haute Autorité de Santé (HAS) a élaboré une feuille de route à l'attention des soignants afin d'orienter leur prise en charge d'enfants souffrant de Covid long. Le document préconise en premier lieu d'écarter certains diagnostics, comme une asthénie (fatigue) ou de simples céphalées (maux de tête). "Que ce soit dû à la pandémie ou non, la prise en charge peut être multidisciplinaire, avec de la rééducation chez un kinésithérapeute, un travail sur la psychomotricité ou encore des consultations chez un psychologue", ajoute le Pr Angoulvant.

Dans un éditorial, le journal Nature a appelé à mobiliser la recherche afin que plus de travaux soient menés chez les jeunes patients, en particulier les enfants âgés de moins de 11 ans. Ces derniers connaissent depuis plusieurs mois une hausse de contaminations au COVID et ne sont souvent pas vaccinés. Plus d'infections dans cette catégorie de patients risque de mener à une augmentation des cas de Covid long. D'autant que les enfants et les adolescents ne sont souvent pas pris au sérieux par les professionnels de santé, selon Long COVID Kids, un groupe de soutien pour les enfants au Royaume-Uni. "Ce problème émane de la façon dont la médecine avance : les adultes sont étudiés en premier et les enfants ensuite pour des raisons de sécurité, afin que les traitements puissent d'abord être testés chez les adultes." Le consentement des tuteurs ou des parents, nécessaire pour recruter des enfants dans des études, peut également être plus difficile à obtenir.

Source : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/maladie-enfant/covid-long-chez-les-enfants-la-recherche-et-le-diagnostic-toujours-dans-le-flou_162774

Publié dans COVID-19, Santé

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