Une flambée de grippe accompagne la fin du port du masque obligatoire

Publié le par Le Monde via M.E.

Avec la reprise de l’école et la levée de la plupart des mesures barrières, tous les indicateurs de la grippe grimpent en flèche. Mais la mortalité liée à ce virus reste limitée.

Alors que la circulation du COVID-19 connaît un rebond sur l’ensemble du territoire, la grippe l’accompagne désormais. Depuis la semaine du 14 au 20 mars (semaine 11), cette infection respiratoire aiguë est en phase épidémique dans toutes les régions de France métropolitaine.
« On avait imaginé que le SARS-CoV-2 allait écraser tous les autres virus respiratoires. Il semble qu’avec Omicron ce ne soit pas le cas », relève le professeur Bruno Lina, virologue et membre du conseil scientifique COVID-19. De fait, avec l’abandon de la plupart des mesures barrières, tous les indicateurs de la grippe grimpent en flèche.

Le taux d’incidence des consultations pour syndrome grippal a augmenté de 51 % durant la semaine 11, par rapport à la semaine précédente, note Santé publique France (SPF). Cette même semaine, les syndromes grippaux ont représenté 15,5 % de l’ensemble des actes médicaux réalisés par SOS Médecins (+ 3,8 points). Et 6 798 passages aux urgences pour ce syndrome ont été enregistrés par le réseau Oscour, qui coordonne la surveillance des urgences (+ 38 %). Cette hausse « était observée dans toutes les classes d’âge », indique SPF.

Epidémie tardive

« L’épidémie de grippe a démarré depuis six à huit semaines dans certaines régions, note Jean-Louis Bensoussan, secrétaire général du syndicat de médecins généralistes MG France. Mais depuis la fin des vacances de février, la reprise de l’école a entraîné un brassage des enfants, et le virus Influenza s’est propagé aux familles. »

Si le virus de la grippe a d’abord circulé chez les enfants, « il a basculé chez les adultes et commence à toucher les personnes âgées », indique Bruno Lina. A ce stade, son impact reste cependant limité en termes de gravité. Entre le 4 octobre 2021 et le 20 mars 2022, « seulement » 180 décès directement liés à la grippe ont été recensés. Pour mémoire, l’épidémie de grippe de 2018-2019 a entraîné une surmortalité (directe et indirecte) estimée à 8 100 décès. L’hiver précédent, cette surmortalité s’élevait à 13 000 morts.

Cette année, l’épidémie de grippe se distingue par son caractère exceptionnellement tardif. En cause, la levée massive des gestes barrières. Depuis le 14 mars, le masque n’est plus obligatoire dans les lieux clos, à l’exception des transports en commun. Or, « toutes les mesures barrières qui freinent la circulation du SARS-CoV-2 sont aussi très efficaces contre les autres virus respiratoires », relève Bruno Lina. Pour preuve, durant l’hiver 2020-2021, marqué par des périodes de confinement national et de couvre-feu et des gestes barrières plutôt respectés, le virus de la grippe n’a quasiment pas circulé.

Le virus de la grippe a donc profité de la levée de ces freins pour se répandre. Il disposait en effet d’un gisement de personnes infectables, puisque l’immunité conférée par de précédentes infections ou par la vaccination n’est pas durable contre ce virus.

Le virus de la grippe bénéficie d’un autre facteur : les personnes vulnérables (les 65 ans et plus et les personnes à risque) ont été vaccinées à partir du 22 octobre 2021. Soit il y a cinq mois déjà. Or « la vaccination contre la grippe n’induit généralement pas une protection de très haut niveau ni une protection très durable, relève Bruno Lina, ce qui donne au virus un atout temporaire ». Par ailleurs, le virus grippal qui circule aujourd’hui est un virus de type A, avec une prédominance du sous-type A (H3N2) par rapport au sous-type A (H1N1). Or le vaccin antigrippal utilisé cette année semble efficace à 31 % vis-à-vis de la souche A (H3N2), versus 77 % vis-à-vis de la souche A (H1N1), indique SPF. « Il faut être prudent vis-à-vis des plus âgés, chez qui le système immunitaire perd en efficacité », relève le virologue.

Risque de co-infection

L’arrivée du printemps est cependant un motif d’espoir. Si le beau temps s’en mêle, nous vivrons plus en extérieur : cela freinera la circulation du virus, laissant espérer un pic prochain de l’épidémie de grippe.

Reste cette incertitude : le virus de la grippe et le SARS-CoV-2 circulent tous les deux activement, et les symptômes liés à l’un comme à l’autre se ressemblent. « Les patients qui ont un syndrome grippal font généralement un test PCR pour le SARS-CoV-2, indique le professeur Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Si le test est négatif, les médecins posent un diagnostic de grippe par élimination. » Mais ils ne prescrivent pas en routine des tests PCR pour confirmer une grippe. « Il est donc probable qu’une partie des cas de syndromes grippaux rapportés (…) soient dus au Covid-19 et non à la grippe », avertit SPF.

Une autre question inquiète : en cas de co-infection par le SARS-CoV-2 et par le virus grippal, quel est le risque de faire une forme plus sévère ? Une étude anglaise a examiné les données des adultes hospitalisés pour Covid-19 au Royaume-Uni entre le 6 février 2020 et le 8 décembre 2021. Les résultats sont publiés dans la revue The Lancet du 25 mars : sur les 6 965 patients atteints de Covid-19 pour lesquels une co-infection virale respiratoire a été recherchée, 227 se sont révélés porteurs du virus de la grippe. Leur risque de nécessiter une ventilation assistée était quatre fois supérieur, et celui de mourir 2,4 fois plus élevé, par rapport aux patients uniquement atteints du Covid-19.

Mais il faut relativiser ces données. « Une co-infection, ce n’est pas une bonne nouvelle, car elle rend la lutte plus compliquée pour notre système immunitaire », indique Bruno Lina. Pour autant, observe-t-il, cette étude est basée sur des virus qui circulaient l’an dernier, avec des variants différents de ceux d’aujourd’hui. « La vigilance est nécessaire, mais le risque dépend aussi de l’âge. En particulier, il n’y a pas de surrisque observé chez l’enfant. »

Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/03/29/une-flambee-de-grippe-accompagne-la-fin-du-port-du-masque-obligatoire_6119616_3244.html

Publié dans Santé, COVID-19

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :